Pour sa 38ème édition, le festival a continué sa mission de proposer de nouvelles géographies musicales au sein d’une programmation riche et pointue. Avec une fréquentation avoisinant les 200 000 personnes, Nuits d’Afrique à fait rayonner les musiques africaines et afro-descendantes en leur proposant de nouveaux horizons.

Légendes et nouvelles voix à l’affiche d’une programmation hybride et transgénérationnelle
Le festival a pulsé durant 13 jours par la présence scénique d’artistes de renoms tels que le groupe BCUC qui pour leur première venue dans la ville, a fait trembler la scène TD -Radio Canada avec sa transe venue des townships de Soweto, cette même scène qui nous a amené en introspection et joie avec les notes magnétiques de la guitare du poète-chanteur-musicien Bombino, ou encore par l’univers habité et futuriste du groupe Bénin International Musical.

Digne d’un véritable spectacle d’ouverture, Afrique en Cirque avec Kalabanté a fédéré le théâtre, la musique, la danse et les arts du cirque le temps d’une soirée inoubliable à l’Olympia. L’Entourloop et Queen Omega & the Royal Souls, première pour eux aussi, ont délivré un fragment très enchanteur de leur nouvelle collaboration au Mtelus. Le site extérieur, aux concerts gratuits, a su à nouveau fédérer les foules et a même livré quelques surprises.

Le temps d’une soirée Nuits d’Afrique aurait pu s’appeler Nuits de Guinée, avec un Parterre comble en pleine effervescence, représentée par la diaspora guinéenne de Montréal venu soutenir le plus grand artiste reggae de leur pays, Takana Zion. Le chanteur a démontré toutes les facettes de son talent au sein d’un concert de deux heures qui restera dans les annales du festival. Le Parterre du Quartier des spectacles, bondé, a également vibré par le concert de clôture de la reine du Kompa, Rutshelle Guillaume, tout juste lauréate du Prix Nuits d’Afrique pour la Francophonie.

Montréal, capitale de la sono-mondiale
Dans la lignée de Paris ou Londres ou New York, Montréal avec son festival Nuits d’Afrique réparti à travers 6 salles (dont le mythique Club Balattou) et 2 scènes extérieures gratuites, peut être fière de se hisser au rang des capitales. Il suffit de regarder le sourire sur les visages du public montréalais, en trombe devant les artistes de leurs villes. Kizaba avec sa musique afropunk kinoise, ou Joyce N’Sana, qui s’annonce comme une réincarnation de Janis Joplin version congolaise, sans oublier les artistes récompensés par le Syli D’or, Less Toches avec leur global cumbia, Boubé avec son desert-rock touareg, et enfin Shahrzad and Her Latin-Oriental Band, entre frénésie jazz-pop et rythmes cubains.

Une fusion des héritages et des genres musicaux d’Afrique
Le festival reflète la circulation et les itinéraires des musiques du continent Africain, de la musique mandingue du grand Alpha Yaya Diallo, en passant par la rumba de Fredy Massamba, ou encore l’essence de la musique afro-colombienne, incarné par Los Gaiteros de Ovejas, qui ont fasciné les spectateurs du Club Balattou. Sur la même scène, la voix féminine de l’Afrobeat Sia Tolno a livré une performance puissante, dans l’esprit des concerts de Fela Kuti au Shrine dans les seventies. Avec ce clin d’œil à Lagos, on se souviendra du Théâtre Fairmount en ébullition sur le son funk et disco expérimental du groupe anglo-nigérian Ibibio Sound Machine, l’une des révélations du festival.

Des moments d’anthologies et des rencontres artistiques exclusives
Kira, fils de Manu Chao, ne porte pas le nom de son père en tant qu’artiste mais poursuit le flambeau créatif et révolutionnaire paternel. Pour son premier concert à Montréal, il a propulsé Nuits d’Afrique dans le Nordeste brésilien et ses rythmes explosifs. Le Balattou fut blindé et les murs moites, tellement la salle était comble et en excitation lors du live de Kin’Gongolo Kiniata, avec leur soukous futuriste créé à partir d’instruments DIY fait d’objets recyclés.

KIN’GONGOLO KINIATA / Crédit : André Rival
Des moments intimistes, bouillonnants, surprenants, tels sont les termes pouvant représenter cette édition singulière de Nuits d’Afrique. Beaucoup de créations ont marqué cet événement par l’originalité de leur hybridation laissant présager de nouveaux genres musicaux et de nouveaux chemins pour les musiques d’Afrique. Sofaz qui mélange le maloya aux musique gnawa, Lavanya et le Projet Dharani et sa combinaison de sonorités carnatiques du sud de l’Inde avec les rythmes ouest-africaines et latines. Avec cette programmation qui ne ressemble pas aux autres, Nuits d’Afrique brise les barrières et met en lumière les rencontres entre plusieurs cultures et mondes musicaux.

Les arts sous toutes leurs formes sont rassemblés pendant le festival. Les cuisines jamaïcaines, colombiennes, sénégalaises, ivoiriennes ont rassemblé les spectateurs pouvant échanger sur les concerts qu’ils ont vu, avant d’aller en découvrir d’autres, ou danser ou participer à de nombreux ateliers, workshops, et conférences & débats, comme le laboratoire collectif La Percée qui a proposé un moment d’échanges et plusieurs séminaires consacrés à des réflexions autour du marché des musiques de la sono-mondiale et aux représentations du terme “Musiques du Monde” aujourd’hui. Effectivement, Nuits d’Afrique s’affranchit de cette étiquette trop globalisante de “World Music” pour mettre en exergue les héritages, les partages et les luttes.

“La culture se transmet par les mères”, les femmes brillent à Nuits d’Afrique

Une année de mise à l’honneur des sonorités ancestrales et et actuelles de nombreux pays d’Afrique, mais aussi une édition dédiée aux femmes, au matrimoine africain, représenté avec ardeur par l’afropop féministe sénégalaise de Def Mama Def ou par l’émouvante et énergique prestations du combo de mamans tchadienne Les Aunties qui ont scandé l’émancipation de la femme africaine sur une musique tradi-futuriste unique.

Des mères qui étaient présentes aussi dans la foule avec leurs enfants, le festival affiche encore avec fierté un public multiculturel, trans-générationnel, à l’image de la programmation réussie de cette année 2024. Le Parterre du Quartier des spectacles et l’esplanade Tranquille étaient remplis de gens curieux et chaleureux. Le village des Nuits d’Afrique pullulait de musiciens, spectateurs, professionnels tous réunis autour de cette diversité culturelle. Tout comme le Marché Tombouctou, véritable voyage en Afrique de l’Ouest avec plus d’une quarantaine de stands.

Afrobeat, rumba, traditions mandingue, kompa, soukouss, afro-house, amapiano, cette édition fut un succès par sa variété de genres musicaux. Une journée qui s’articule sur presque 10 scènes différentes, qui peut débuter avec un concert traditionnel sur la scène Loto Québec pour ensuite voir une tête d’affiche actuel au Club Balattou ou sur la scène TD Canada, et enfin terminer la nuit avec le Club Sagacité au Théâtre Fairmount sur des musiques clubs et électroniques, en pleine vogue sur le continent Africain.

Nuits d’Afrique se distingue par sa programmation qui combine héritages et futur de la sono-mondiale et lui offre de nouvelles dimensions.

Rendez-vous pour la 39ème édition qui aura lieu du 8 au 20 juillet 2025.

PROCHAINES DATES À RETENIR :
Les Productions Nuits d’Afrique, c’est aussi des concerts à l’année. À ne pas manquer, deux artistes internationaux au Club Balattou : du Sénégal, Yoro Ndiaye le jeudi 25 juillet et du Brésil, Bia Ferreira, le mardi 30 juillet.

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