Face à une inflation pesante et persistante, la Banque du Canada a procédé cette année à des cycles de resserrement monétaire accéléré pour freiner une demande excédentaire, désormais, manifeste et facteur important de l’inflation, qui donne à voir une économie en surchauffe, notamment avec un marché du travail tendu ( taux de chômage bas, pénurie de main-d’œuvre et augmentation des salaires). Il s’agit de la quatrième augmentation d’affilée depuis mars de son taux directeur pour le faire passer depuis le 13 juillet à 2,5%. Les hausses des taux d’intérêt peuvent-elles modérer la demande et l’inflation sans provoquer une récession ? Nous ferons le point dans ce papier sur ce dilemme inflation-récession qui anime les débats des économistes.

L’économie canadienne face au dilemme inflation-récession

Malgré un léger ralentissement de l’inflation en juillet (de 8,1 à 7,6%, une diminution attribuable à une baisse des prix de l’essence), la Banque du Canada a accéléré le rythme d’augmentation de son taux directeur de 1%. Une telle hausse est exceptionnelle et intervient dans un contexte économique où l’inflation a atteint un summum jamais vu depuis près de 40 ans et risque de s’enraciner. Ce coup d’accélérateur est justifié par la Banque du Canada dans son rapport sur la politique monétaire (juillet 2022) par le fait que l’inflation est trop élevée et risque de persister et que l’économie canadienne est en surchauffe, boostée par une demande excédentaire que l’offre n’arrive pas suivre. La décision de porter le taux directeur à 2,5% place ce dernier dans la fourchette de ce qu’on appelle le taux neutre (2% et 3%), lequel ne stimule ni ne freine la croissance. Ce resserrement quantitatif de choc qui peut se poursuivre selon l’évolution de l’économie et de l’inflation risque de ralentir l’activité de l’économie et de provoquer une récession!

Selon le scénario de la Banque centrale, l’augmentation des taux d’emprunt aidera à freiner la demande, le temps que l’offre se rattrape. Par ailleurs, les dépenses de consommation se modèreraient au fur et à mesure que la demande refoulée pendant la pandémie s’émousse. Selon les prévisions de cette institution, l’activité économique devrait croitre d’environ 3,5% cette année avant de se contracter en 2023 avec un taux de croissance de 1,75%. La Banque du Canada s’attend à ce que l’inflation demeure autour de 8% pendant encore quelques mois avant d’avoisiner 3% l’année prochaine et de retourner à la cible de 2% à la fin de 2024, le temps que le resserrement de la politique monétaire donnera ses effets et les goulots d’étranglement à travers le monde se résorberont.

Les économistes de la Banque Royale dans leur rapport de conjoncture (7 juillet 2022) prévoient une récession de l’économie canadienne en 2023, mais ce recul de l’activité économique serait modéré et de courte durée et n’entrainerait pas de dommages importants que les récessions antérieures. Selon ce rapport, les facteurs de cette contraction sont l’inflation, la hausse des taux d’intérêt et la pénurie de main-d’œuvre. La Banque Royale s’attend à ce que les dépenses des ménages ralentiront avec la hausse des prix, des taux d’intérêt et du taux de chômage qui atteindrait 6,6% en 2023 après avoir enregistré un creux historique de 4,9% en juin.

En effet, si les prévisions d’une récession se réalisent en 2023, l’économie canadienne présente des facteurs de résilience pour amortir l’éventuelle contraction de l’activité économique pour qu’elle soit moins néfaste que celles des années 1970 et 1980. La vigueur du marché du travail (taux de chômage bas, pression sur les salaires et rareté de main-d’œuvre), l’épargne pléthorique des ménages (source de consommation marginale face à l’inflation), le niveau élevé d’endettement des ménages (facteur dissuasif de porter les taux à deux chiffres) et les exportations canadiennes (prix de plusieurs produits de base que le Canada exporte devraient rester élevés) sont autant de facteurs qui vont agir comme un bouclier contre la récession.

Sofiane Idir

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