L’oléoduc Keystone est une canalisation de 3461 km, transportant le pétrole brut, issu des sables bitumineux de l’Athabasca dans le Nord-Est de l’Alberta pour desservir plusieurs destinations aux États-Unis, allant jusqu’à la côte texane du golfe du Mexique. Ces deux premiers tronçons sont opérationnels depuis 2011 et desservent la raffinerie de Wood River et des dépôts pétroliers en Oklahoma et en Illinois. Le troisième tronçon, qui dessert plusieurs raffineries au Port Arthur et à Houston sur la côte texane, est opérationnel depuis janvier 2014. Le quatrième tronçon qui boucle ce mégaprojet, nommé Keystone XL, est long de 1897 km, partant de Hardisty en Alberta jusqu’à Steele City, dans l’État du Nebraska. Ce dernier tronçon, qui fait l’objet de vives critiques, est, en effet, un doublement d’une partie des deux premiers tronçons, avec un tracé plus direct et moins long. Il devrait augmenter la capacité de transport de cet oléoduc de 830 000 barils par jour en injectant sur son passage le pétrole brut de la région de Baker dans l’Est du Montana.
La construction de Keystone XL, notamment son quatrième tronçon, est marqué par une controverse d’une grande ampleur aussi bien au Canada qu’aux États-Unis. En effet, des écologistes, des propriétaires fonciers et des communautés autochtones en Alberta, dans le Montana et au Nebraska et une partie des élus démocrates américains voient dans ce projet un risque majeur de pollution des sols et de l’eau en cas de fuite de pétrole brut et un fardeau supplémentaire sur le réchauffement climatique. En 2015, le président américain Barak Obama avait mis son véto au projet en arguant que ce pipeline aurait terni le leadership de son pays sur la question de changement climatique. L’arrivée de Donald Trump au pouvoir a permis de relancer ce projet en donnant son feu vert à TC Énergie d’entreprendre la construction de ce quatrième tronçon. Comme il l’avait promis lors de sa compagne électrode, le nouveau locataire de la Maison Blanche Joe Biden, a signé, dans la foulée de son investiture, un décret présidentiel qui révoque le permis de TC Énergie. Quelles seront les conséquences de ce nouveau coup d’arrêt au projet d’extension Keystone XL sur l’industrie pétrolière dans l’Ouest du Canada, notamment en Alberta qui produit 80,5% du pétrole brut canadien ?
L’arrêt du projet Keystone XL : nouveau coup dur pour l’industrie pétrolière canadienne
Le projet d’agrandissement de l’oléoduc Keystone XL de la multinationale TC Énergie présentait des enjeux géopolitiques et économiques importants. En raison de ces enjeux, le gouvernement albertin avait promis un investissement en capital de 1,5 milliard de dollars dans ce projet. En effet, la construction de Keystone XL devrait créer plus de 15 000 emplois directs et indirects au Canada selon le gouvernement albertin. Une fois opérationnel, il devrait générer des revenus sous forme de taxes foncières, consolider l’indépendance énergétique des États-Unis, baisser le prix de l’essence dans le pays et permettre un acheminement du pétrole brut d’une manière plus sûre et moins dispendieuse. Ce nouveau coup d’arrêt du projet d’agrandissement de Keystone XL intervient dans un contexte où l’industrie pétrolière de l’Ouest canadien traverse une crise majeure. Il entrainera des pertes des milliers d’emplois et de revenus pour les gouvernements des deux pays.
En 2019, le Canada a exporté aux États-Unis 3,7 millions de barils par jour et demeure le plus important fournisseur étranger de pétrole brut des États-Unis. Ce nouveau coup d’arrêt du projet Keystone XL n’aura pas d’impact sur la consommation américaine et mondiale de pétrole souligne Pierre-Olivier Pineau, professeur et titulaire de la Chaire de gestion du secteur de l’Énergie à HEC Montréal, interrogé par Radio-Canada. La décision de Joe Biden de révoquer le projet Keystone XL demeure un geste symbolique marquant une rupture nette à l’égard de Donald Trump, en ouvrant, par conséquent, le marché du pétrole lourd aux pays d’Amérique latine (Mexique, Venezuela, Brésil…), ajoute le professeur.
Sofiane Idir