Le prix Goncourt du premier roman De nos frères blessés[1] accordé à Joseph Andras, qui à notre sens n’est qu’un pseudonyme, revisite la guerre d’Algérie en mettant Fernand Iveton au cœur de l’histoire. Guillotiné le 11 février 1957, il fut le seul Européen à avoir été exécuté par l’Etat français : « Non, il n’est pas un meurtrier mais un militant politique. Son opération visait uniquement l’usine à gaz, du matériel, rien de plus, pas une personne n’allait périr dans l’explosion, il s’était personnellement assuré de cela auprès de ses camarades, tout avait été pensé pour que le sang ne coulât pas, oui il est communiste »[2]. Son geste n’est pas considéré comme inoffensif tel que prétendu : « Voilà une semaine que Fernand a été arrêté. On lui annonce, dans sa cellule, qu’il va être jugé dans quatre jours. Tentative de destruction par substance explosible d’édifices habités ou servant d’habitation »[3]. Sa position est claire face au peuple opprimé : « Des millions de gens sont nés sur cette terre et quelques possédants, quelques petits barons sans foi ni loi, régentent le pays avec l’aval, et même l’appui, des gouvernements français successifs. Il faut en finir avec ce système, débarrasser l’Algérie de ces roitelets et fonder un nouveau régime sur une base populaire, celle des travailleurs arabes et européens, ensemble, les gens modestes, les petits et les modiques de toutes les races unis pour mettre à bas les voyous qui rançonnent et les oppriment »[4].
Une bombe à la tête d’un procès :
Hélène, épouse de Fernand Iveton a pris connaissance de la situation : « Son époux a été arrêté après avoir posé une bombe, aussitôt désamorcée : l’usine du Hamma a averti la police et l’on a trouvé sur lui des papiers indiquant qu’un second engin explosif allait sauter »[5]. L’action menée est revendiquée par le FLN qui le considère comme : « Courageux patriote. L’Algérie de demain est son pays, celle où le colonialisme ne sera plus qu’un mauvais souvenir, une parenthèse funeste dans le récit de l’exploitation de l’homme par l’homme, celle où les Arabes n’auront plus à courber l’échine, celle où l’Etat sera souverain et indépendant de la France »[6]. Jusqu’au dernier souffle, Fernand Iveton a crié : « Tahia El Djazair[7] »[8]. Avant même son exécution, il a dit : « Je vais mourir (…) mais l’Algérie sera indépendante »[9]
L’auteur de De nos frères blessés a pris le temps de relater l’Histoire en rappelant que : « Ces pages n’auraient pas pu être écrites sans le patient travail d’enquête de Jean Luc Einaudi, qu’il en soit, bien que disparu, remercié ici »[10].
La Guerre d’Algérie n’a pas fini de dévoiler ses secrets. Il revient aux nouvelles générations d’en prendre connaissance pour que les erreurs commises ne soient pas sujettes à la redondance.
[1] ED/Acte sud, 2016.
[2] Idem, p. 35.
[3] Ibid, p. 48
[4] Ibid, p. 62.
[5] Ibid, p. 24.
[6] Ibid, p. 36.
[7] Vive l’Algérie.
[8] Ibid, p. 132.
[9] Ibid, p. 134.
[10] Ibid, p. 140.