EN SPECTACLE
19/09 Québec – Le D’Auteuil
20/09 Montréal – Le Ministère – Billets
Montréal, août 2019 –
Rien de ce qui est humain ne lui est étranger. Sensible amazone à l’enfance blessée, Flèche Love (Amina Cadelli de son vrai nom) panse ses plaies à travers les puissants morceaux qu’elle écrit, compose et produit. Sa voix tantôt rageuse, tantôt cristalline, reconnaissable entre mille, dit tout de sa force et de ses fragilités sur une soul électronique à visée spirituelle, profondément marquée par l’empreinte du jazz, du r’n’b’ et du hip hop. Elle fait flèche de tout bois, celui dont on sculpte les artistes singulières, ensorcelantes, magnétiques.
Son album Naga (part I) sera disponible au Canada le 13 septembre prochain via L-Abe (Sara Dufour, Salebarbes, Les Hôtesses d’Hilaire). Elle sera également en spectacle à Québec au D’Auteuil le 19 septembre et à Montréal le 20 septembre au Ministère avant de repartir pour Istanbul, Vienne, Zurich, Neuchatel, Genève et Paris.
À son arc, une multitude de cordes. Suissesse d’origine algérienne, cette polyglotte qui chante en anglais et en espagnol sur son premier album solo se passionne aussi bien pour Kurt Gödel, logicien et mathématicien surdoué qu’elle évoque dans « Why have you have chosen me ? », cette ballade électronique poignante aux harmonies détraquées, que pour la vie des bactéries ou des tueurs en série. Férue d’éthologie et d’ethnobotanique, celle qui a suivi des études de genre et d’ethnologie peut disserter avec aisance d’un rituel d’initiation masculine chez un peuple d’Amazonie (la « Festa Tocandira », qui a donné son nom à un titre de l’album) tout comme aller défendre le concept féministe de sonorité dans la Salle des Droits de l’Homme du Palais des Nations, lors d’un TedX organisé par l’ ONU.
Il y a de la sorcière 2.0, de la femme chamane dans cette envoûtante pasionaria dont l’univers visuel étrange et foudroyant puise à la source de plusieurs cultures. Les derviches tourneurs, les kimonos japonais, les bijoux orientaux ne sont pas là pour faire joli, mais, à l’égal de ses tatouages berbères traditionnels et protecteurs qui ornent sa chair (Flesh), pour raconter son histoire, son imaginaire, sa recherche incessante de spiritualité. « Flèche Love, c’est une meilleure version de moi-même », dit-elle. En quête d’ataraxie, cette paix intérieure vantée par les philosophes, cette artiste hors normes, qui pourrait être la fille spirituelle d’un trouple formé par Frida Kahlo, Björk et un moine zen, tatoue son âme à ses convictions.
Pour saluer sa liberté retrouvée après les années au sein du groupe Kadebostany, marquée par l’épisode « Castle in the snow », sa chanson remixée par The Avener, celle qui improvisait à 16 ans dans les bars de jazz de Genève a conçu son album comme une renaissance. « Un grand lâcher prise », dit-elle. Les paroles de ses morceaux lui sont tombés du ciel, ou plutôt de son inconscient. Ils ne disent « rien de léger », affirme-t-elle, et partagent ses dernières découvertes en matière de conscientisation et de recherche sur soi.
Mais ils parlent à tout le monde, comme le solennel et très beau « Umusuna » un mot japonais ancien pour désigner « le retour à la matrice ». « Mes cicatrices rayonnent partout sur mon corps/ je suis une oeuvre d’art » chante/rappe-t-elle sur les breaks et les nappes oniriques du virtuose Rone, qui a réalisé le titre, tandis qu’un sentiment d’urgence happe l’auditeur. Appel à un retour sur soi-même, ses chansons peuvent prendre la forme d’une langoureuse et songeuse ballade comme « Shapeshifter », où l’influence de ses icônes Billie Holiday et Nina Simone, qu’elle écoutait petite, se fait sentir. Ou d’un versatile et revigorant manifeste de la sororité (« Sisters ») dans lequel beats électroniques, discours de la féministe afro américaine Audrey Lorde et mélodie orientale se conjuguent avec subtilité.
Toujours surprenante, Flèche Love passe ainsi d’une sombre et délicate confession électro pop en espagnol que ne renierait pas Rosalîa (« Festa Tocandira ») à l’ample et très cinématographique « True Love » qui bouleverse par sa profondeur et sa sincérité crue. Mise à nu cathartique encore avec l’enveloppant « Haiyococcab », terme maya signifiant « la fin du monde » ou l’apaisant « Nomades Del Sol », qui évoque pourtant un moment d’insondable tristesse pour son auteure.