Vous l’avez certainement constaté, à l’épicerie, les produits laitiers coûtent chers au Québec et dans d’autres provinces canadiennes. Les Québécois qui consacrent le sixième de leurs dépenses alimentaires aux produits laitiers doivent s’interroger sur un tel constat. Pourtant, ce ne sont pas les vaches qui manquent dans les prairies de la Belle Province et les avancées technologiques permettant de réduire les coûts !
En effet, le marché n’explique pas ce paradoxe par sa loi de l’offre et de la demande, mais les éléments de réponse sont à chercher dans le système qui régit le secteur canadien du lait, connu sous le nom de la gestion de l’offre.
Qu’est-ce que le système canadien de la gestion de l’offre?
C’est dans un contexte d’instabilité des prix et de fluctuation des revenus des agriculteurs que le gouvernement Trudeau a instauré le système de gestion de l’offre dans les années 1970, afin de garantir aux producteurs laitiers des revenus stables et des rendements équitables. Il concerne cinq types de production agricole : les produits du lait, de poulet et de dindon, les œufs de consommation et les œufs d’incubation. Dans le secteur laitier, c’est la Commission canadienne du lait qui administre le système de la gestion de l’offre.
Le système canadien de la gestion de l’offre consiste à coordonner la production et la demande tout en dissuadant les importations par des taxes prohibitives dans le but d’établir administrativement un prix stable, autant pour les agriculteurs que pour les consommateurs. Le mécanisme de la gestion de l’offre repose sur trois piliers : contrôle de la production, établissement des prix et le contrôle des importations.
Comment la gestion de l’offre maintient-elle le prix du lait élevé ?
Par l’entremise des trois mécanismes de la gestion de l’offre, la production et le prix du lait sont fixés administrativement, tout en protégeant l’offre par un accès limité aux importations et des tarifs douaniers dissuasifs (barrières à l’entrée sur le marché canadien). Ainsi, le prix du lait n’est pas déterminé par le marché, mais par les instances publiques de régulation en se basant sur les coûts de production. Au Québec, c’est la Régie des marchés agricoles et alimentaires qui fixe le prix du lait. Aujourd’hui, à l’épicerie, le litre de lait (format 4 L) est vendu au prix minimum de 1,66 $ (maximum de 1,82 $). D’après les données colligées (Statistique Canada et Bureau of Labor Statistics), le prix du lait est 77 % plus élevé au Québec qu’aux États-Unis. C’est la limitation de la production par des quotas laitiers qui maintient le prix du lait élevé au Canada. En effet, pour contrôler la production, l’office provincial de commercialisation des produits agricoles établit un niveau de production du lait avant de le répartir entre les agriculteurs. Pour participer à cette production, l’agriculteur doit détenir un quota, une sorte de licence l’autorisant à produire un volume donné. Pour protéger ce système de la concurrence étrangère, la gestion de l’offre établit des quotas limités l’importation et des tarifs douaniers prohibitifs.
L’avenir de la gestion de l’offre
En effet, la gestion de l’offre est un choix collectif instauré par le gouvernement canadien dans un contexte particulier et qui perdure depuis plus de 40 ans. Aujourd’hui, ce système suscite beaucoup de débat et il est remis en cause par plusieurs facteurs (principe de libre-échange et négociations des accords commerciaux, équité du système, développement de la production et son ouverture à l’exportation…). Lors des négociations de plusieurs accords commerciaux, le Canada a toujours su protéger son système de la gestion de l’offre. Ce régime résistera-t-il cette fois à la renégociation de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) ?
Sofiane Idir