Face à une inflation galopante (7,7 % en mai, le plus haut niveau en 40 ans, selon Statistique Canada), le principal levier de la Banque du Canada sur la hausse générale des prix est d’augmenter son taux directeur pour freiner les dépenses des ménages et des entreprises qui alimentent une demande excédentaire dépassant la capacité de production de l’économie. Les hausses successives du taux directeur en 2022 (+ 0,25 en mars, + 0.5 en avril, + 0,5 en juin et d’autres éventuelles hausses lors des dates préétablies en juillet, septembre, octobre et décembre) font augmenter les taux d’intérêt des prêts aux entreprises, des prêts à la consommation et des prêts hypothécaires.
La hausse des taux hypothécaires aura des répercussions importantes sur le marché immobilier qui a connu une effervescence ces dernières années et sur les ménages ayant contracté une hypothèque, notamment pendant la pandémie. Cette conjoncture contraint les propriétaires de biens immobiliers à payer davantage mensuellement pour faire face à leur dette. Y a-t-il lieu de s’inquiéter face à une rallonge budgétaire qui risque d’être salée avec des prévisions révisées à la hausse pour les taux d’intérêt et une inflation pesante ?
Hausse des taux hypothécaires : un défi de taille pour les ménages canadiens ?
La dynamique du marché immobilier pendant la pandémie, rappelons-le, a déjoué toutes les attentes en se maintenant sur une courbe de croissance soutenue. Une frénésie immobilière qui a permis d’atteindre un sommet historique en mars 2021 (69 702 propriétés vendues) tout en tirant les prix vers le haut, les prix de logements ont augmenté de plus de 50%, en moyenne, durant la pandémie, selon la Banque centrale (le prix médian d’une maison sur le marché canadien s’établissait à 856 900$ au premier trimestre de 2022). Selon le rapport de la Société canadienne d’hypothèque et de logement (SCHL), la valeur moyenne des nouveaux prêts hypothécaires résidentiels accordés par les banques canadiennes au quatrième trimestre 2021, s’est élevée à 358 717 millions de dollars (la dette hypothécaire résidentielle totale au Canada s’élevait à 1,77 billions de dollars au troisième trimestre de 2021, selon SCHL).
Ce fardeau d’endettement inquiète la première institution financière du pays qui, dans sa Revue financière 2022 publiée le 9 juin 2022, a évalué le niveau d’endettement des ménages comme une vulnérabilité persistante. Cette dernière concerne la capacité des ménages à continuer d’assurer le service de leur dette en cas de baisse des revenus ou de hausse des taux d’intérêt, sans devoir réduire considérablement leur consommation. La Banque du Canada estime que cette vulnérabilité pourrait entrainer des effets considérables sur l’économie réelle si un évènement déclencheur survenait (en cas de récession). Quoique la santé financière des ménages ait été améliorée pendant la pandémie, certains ménages, notamment les plus endettés, auront des difficultés à honorer leur engagement après le renouvellement de leur prêt hypothécaire en raison des taux d’intérêt plus élevés et d’une inflation galopante qui érode leur pouvoir d’achat.
Comme prévu, la Banque du Canada a augmenté son taux directeur trois fois en quatre mois pour le ramener à 1,5% en juin dernier, et une nouvelle hausse de 0,5 % est prévue à la prochaine date préétablie (13 juillet). Avec un taux directeur de 2%, les détenteurs d’hypothèques à taux variable auront une charge additionnelle à payer en intérêt qui variera selon le montant de l’hypothèque. Par exemple une hypothèque variable de 300 000$ entrainera une charge additionnelle d’environ 450$ chaque mois. Les taux fixes étant plus élevés que les taux variables, les détenteurs d’hypothèques à taux fixe auront une charge additionnelle plus importante à payer chaque mois après le renouvellement de leur prêt hypothécaire.
Sofiane Idir