Le drame social dans lequel nous entraîne Iris (nom de plume de Mohand Lyazid Chibout) dans « La finitude (La haine de soi) » est celui vécu par une certaine Tilelli, cet ange de beauté au visage rayonnant se nourrissant de grands projets en les projetant avec pleins d’espoirs sur des lendemains prometteurs, mais voilà que tout a basculé après que son père ait abusé d’elle par des attouchements jusqu’à l’irréparable.
Tout se déroule intérieurement quand les faits dans leurs actions s’avèrent vains. Le courage de Tilelli (Tilelli synonyme de Liberté) et sa dignité avec lesquels elle entre dans l’univers et l’hiver de la vie, les mots qu’elle choisit et qu’elle dorlote afin de les faire revenir, le moment propice, à son secours, sont ses ingrédients de premier choix et ses condiments de première nature. Ayant toujours souhaité vivre autrement et mener des relations saines avec ses semblables, voilà que le hasard ait rudoyé son parcours après s’être déchirée intimement suite à une ébriété de trop de son père, celui-ci rongé par la solitude et les soucis après les alitements répétés de sa femme.
Tilelli, en s’isolant, traduisait ses pensées sur une toile à l’aide du pinceau couleur du double visage que lui renvoyait son miroir. Entraînée dans l’horreur du déshonneur, ne sachant à quel saint se vouer, sauf tomber dans la confiance de sa personne en semant espoir au détriment de tout, elle affronte.
Se voyant comme un papillon de nuit attiré par la flamme de l’espoir, Tilelli se retrouve à la fin isolée et rejetée par la société, les déchirements moraux venus accentuer ses déboires humiliants : où avancer en s’efforçant les yeux bandés, ou reculer en s’effaçant dans l’irréparable, la corde au cou. L’existence en filigrane. Le visage fermé. La crevasse. Le néant. Le destin brisé. Les malheurs ostentatoires auxquels se livre sa conscience vertigineuse. Les déceptions tout genres. Les lendemains incertains évoquant une existence sans repères… Sa mère dans son intime souffrance, celle qui devrait être à ses rescousses, comme à l’accoutumée, a choisi l’autre voie du silence.
C’est un récit assez singulier d’une jeune fille Tilelli traversant ses crises de folie et celles de la société dans laquelle elle évolue. Indécise, effacée parfois, mais volontaire dans ce qui la propulse, elle cherche à combattre les préjugés pour ainsi percer socialement.
Tissée sur une corde raide, la fragilité de l’être se limiterait à une histoire d’amour naissante. La grâce d’un esprit, par contre, confondrait le noir à l’ombre relativisant existence et dépendance. C’est dans sa relecture qu’on sentirait les métaphores, les connotations et les dénotations dans leurs écrins de pureté.
Iris évoque dans ce qu’il peint, les tourments d’une société en perte de repères, et les mots crus sont bien ancrés dans le thème représenté en étant à la fois lénifiants et dérangeants : lénifiants par leurs élégances et objectivités, et dérangeants par leurs révélations bousculant les mœurs. Comme d’ailleurs est le cas de ses deux premiers romans « Traduire un silence » et « Amoureux-nés », la plume d’Iris explore ce qui nous décompose intérieurement, son verbe hors du temps, lui dans le temps. Et le vécu de l’histoire au quotidien continue dans ce roman plein de larmes où la Liberté associée intrinsèquement à Tilelli broie du noir, la chair pantelante et les sensations de dégoût, couleur des humiliations acceptées innocemment et naïvement, mises en exergue.
Iris vient dans ce roman psychologique signer l’exemplarité en frôlant l’absurde et le sensé. En écartant le ridicule, il met en avant la sagesse dans toute son intégrité et intégralité face à l’ignorance happant les innocences dans leur sommeil. Le monde concret dans lequel il nous invite est un antre infâme décevant et avilissant, nous qui le croyions franchissable et réalisable. En relatant les affres vécues dans le désespoir par Tilelli, il relaie les paradoxes en les juxtaposant par des alternatives. L’attente n’est pas à décevoir, car sa plume nous promet comme elle nous permet de voir l’envers du décor et tout ce qui se fomente en secret. C’est cela, en somme, que nous fait découvrir la singularité d’une plume : oser sans contraindre est le verbe qui nous range du côté de la raison et du raisonnable. Enfoncer une porte ouverte, certes, sort de l’ordinaire, et il est un choix personnel si toutefois un tel penchant vient ressusciter les bourgeons atteints de nécrose, car bousculer une habitude et créer est une manière de clamer et d’éclore un fantasme étouffé, ce style nommé à son fruit, comestible, sensible, pur et aérien.
« La finitude (La haine de soi) » est un excellent roman sur lequel il est recommandé de se pencher. Le lecteur sait qu’en refermant le livre, un monde nouveau s’ouvrira devant lui, moderne et prospère, prometteur et conciliant.