Avec humour et irrévérence, Eva et Franco Mattes dissèquent, testent et redéfinissent les frontières d’Internet. Depuis le milieu des années 1990, ce duo artistique sonde également avec détermination la manière dont les sociétés contemporaines ont façonné Internet et, inversement, celle dont Internet nous a façonnés (gens, relations sociales et sociétés). L’œuvre d’Eva et de Franco Mattes offre l’image peu glorieuse de deux générations: celle qui a connu le monde avant Internet et celle née à l’ère du numérique. En ce sens, leur travail interpelle activement les contenus d’Internet, certaines pratiques comme le partage de vie, de même que nos sentiments et nos réactions quand nous regardons et partageons notre monde en ligne.
Cette exposition à la Fondation Phi accueille le public avec deux œuvres qui examinent nos attitudes envers ce que nous, en tant qu’utilisateurs d’Internet, faisons en ligne. My Generation (2010) est une série de vidéos en ligne montrant des adeptes de jeux vidéo en furie parce qu’ils sont en train de perdre une partie. Emily’s Video (2012) présente, pendant vingt minutes, des gens en ligne qui réagissent à une vidéo qu’on ne peut pas voir, mais qui semble très choquante.
L’exposition comprend aussi Riccardo Uncut, une œuvre récente dans laquelle les artistes propulsent le partage de vie à un niveau supérieur. Pour la réaliser, le duo a acheté le téléphone portable d’un étranger pour la somme de 1000$ et en a transformé les photos et les vidéos en diaporama. Présentée sous forme d’installation vidéo, l’œuvre devient un portrait de Riccardo, l’ancien propriétaire du téléphone, allant de 2004 à 2017.
La présentation comprend également des œuvres faisant appel à du contenu Internet, comme Ceiling Cat (2016), une sculpture basée sur un mème populaire de lolcat montrant un chat regardant par un trou dans le plafond. Selon les artistes, Ceiling Cat est comme Internet, «à la fois mignon et effrayant» – tension qui est manifeste dans cette œuvre-ci et d’autres de cette partie de l’exposition. Plus effrayante qu’amusante, la série de panneaux intitulée Abuse Standards Violations (2016) examine les lignes directrices de modération de Facebook et de Google, alors que la suite d’installations vidéo Dark Content (2015) montre des avatars générés par ordinateur rappelant les récits d’êtres humains qui travaillent comme modérateurs de contenus sur Internet.
Cette exposition invite les membres du public, toutes générations confondues, à voir les autres et eux-mêmes à travers l’œuvre d’Eva et de Franco Mattes.
Eva et Franco Mattes (nés en 1976, en Italie) vivent et travaillent à New York. Leurs œuvres ont fait l’objet d’expositions au Whitney Museum of American Art (New York), au Museum of Contemporary Art (Chicago), au Mori Art Museum (Tokyo), à la 20e Biennale de Sydney, aux Musées royaux des beaux-arts de Belgique (Bruxelles), à Performa (New York), au MoMA PS1 (New York), au New Museum (New York), au NTT InterCommunication Center [ICC] (Tokyo), à Manifesta 4 (Francfort) et à la Biennale de Venise. Leur œuvre Ceiling Cat a récemment été acquise par le San Francisco Museum of Modern Art.
Commissaire et chercheure, Erandy Vergara lit et écrit sur l’art médiatique et l’art contemporain. Ses principaux champs de recherche sont le féminisme, les études mondiales en histoire de l’art, les études commissariales, le postcolonialisme, avec un intérêt marqué pour les cultures du remix, les hauts et les bas des sciences et de la technologie, la réalité virtuelle et l’intelligence artificielle, ainsi que l’éthique et l’esthétique de la participation. Elle détient une maîtrise en beaux-arts de l’Université Concordia et un doctorat en histoire de l’art de l’Université McGill. Parmi ses expositions récentes, mentionnons Speculative Cultures: A Virtual Reality Art Exhibition, en collaboration avec la commissaire Tina Sauerländer (Anna-Maria and Stephen Kellen Gallery, Parsons School of Design, New York, 2019) et Art et intelligence artificielle: Explorations artistiques à Montréal (Printemps numérique, Montréal, 2019).
* Vernissage: le jeudi 7 novembre 2019, de 17h30 à 20h30 * Expositions: du 8 novembre 2019 au 15 mars 2020
Entrée libre
EVA ET FRANCO MATTES My Generation 451, rue Saint-Jean
Commissaire invitée: Erandy Vergara
Depuis la fin des années 1990, l’artiste Phil Collins construit un important corpus d’œuvres faisant appel à diverses pratiques sociales, communautés et régions du monde afin d’étudier la manière dont nous comprenons la culture populaire et y prenons part. Au fil des ans, ses projets nous ont rapprochés, entre autres, de jeunes de Bagdad, de réfugiés albanais du Kosovo et d’adolescents palestiniens. Issue d’un engagement véritable auprès des communautés et des lieux, l’approche de l’artiste révèle un ensemble complexe et subtil de relations intégrées aux régimes de représentation et aux économies qui façonnent la vie quotidienne, parfois au cœur de bouleversements sociaux ou politiques. Le public montréalais a découvert le travail de Collins en 2017 avec son installation free fotolab, présentée dans le cadre de l’exposition collective L’OFFRE à la Fondation Phi. Cette fois-ci, la Fondation consacre ses espaces situés au 465 de la rue Saint-Jean à une exposition individuelle de l’artiste axée sur le rôle déterminant de la musique dans sa pratique.
L’installation vidéo en trois parties the world won’t listen (2004-2007) s’inspire des textes de la compilation au titre éponyme du groupe The Smiths, parue en 1987. Elle met en vedette des fans colombiens, turcs et indonésiens qui interprètent les différents morceaux de l’album au cours de séances de karaoké individuelles, s’appropriant leurs paroles, les transformant et leur donnant de nouvelles significations. Leurs prestations passionnées revêtent un caractère d’urgence à la lumière du discours d’extrême droite et anti-immigration de Morrissey, l’ancien chanteur des Smiths.
Le film à canal unique the meaning of style (2011) s’intéresse à un groupe de skinheads antifascistes malais que Collins a rencontrés à Penang. Fasciné par leur adoption de cette sous-culture typiquement britannique, l’artiste les présente dans une série de tableaux langoureux accompagnés d’une bande sonore onirique du musicien gallois Gruff Rhys et du groupe Y Niwl. L’œuvre rend compte d’un désir universel d’appartenance comportant néanmoins des zones et des modes d’indépendance.
En 2013, Collins a collaboré avec des hôtes du centre d’hébergement pour sans-abris Gulliver à Cologne, en Allemagne. Dans le café du centre, l’artiste a mis à la disposition des usagers une cabine téléphonique permettant d’effectuer gratuitement des appels locaux ou internationaux, à condition que les conversations soient enregistrées et anonymisées. Les appels sélectionnés ont été envoyés à des musiciens internationaux tels que David Sylvian, Lætitia Sadier et Scritti Politti, qui s’en sont servis comme points de départ de nouvelles pièces originales. Le projet a donné lieu à my heart’s in my hand, and my hand is pierced, and my hand’s in the bag, and the bag is shut, and my heart is caught (2013), une installation sonore composée de six cabines d’écoute spécialement conçues, qui proposent un ensemble de chansons inédites gravées sur des vinyles de 7 pouces.
Bring Down The Walls est à l’origine un projet d’art public qui examine l’industrie carcérale aux États-Unis sous l’angle de la musique house et de la vie nocturne. Le projet consistait en une aire commune qui servait d’école ouverte le jour et de boîte de nuit le soir, ainsi qu’en un album-bénéfice réunissant des classiques de la musique house réenregistrés par des chanteurs et musiciens électroniques ayant été détenus. Dans le cadre de l’exposition à la Fondation Phi, Collins propose Bring Down The Walls (2019), une version installative du projet spécialement conçue pour Montréal et l’espace situé au 465 de la rue Saint-Jean, ainsi qu’un programme public qui s’appuiera sur les discussions et les liens issus de New York.
Les œuvres de cette exposition explorent la puissance émancipatrice de la musique, sa capacité à transcender le temps et l’espace, les diverses géographies, l’appartenance ethnique, la classe sociale et la langue, tout en restant critique à l’égard de son implication dans les rapports de force inégaux et l’économie politique de la culture. L’approche empathique de Collins et son amour de la musique nous permettent de mieux comprendre ce que signifie être en relation les uns avec les autres.
La version réalisée à Istanbul de the world won’t listen a été commandée par la 9e Biennale internationale d’Istanbul. the meaning of style a été commandée par la Biennale de Singapour 2011 – Open House. my heart’s in my hand, and my hand is pierced, and my hand’s in the bag, and the bag is shut, and my heart is caught a été commandée par le musée Ludwig et l’Akademie der Künste der Welt de Cologne. Et Bring Down The Walls a été commandée par Creative Time de New York.
Phil Collins est un artiste visuel et cinéaste qui partage son temps entre Berlin et Wuppertal, en Allemagne. Il est enseignant en art vidéo et performance à l’Academy of Media Arts de Cologne.
PHIL COLLINS 465, rue Saint-Jean
Commissaire: Cheryl Sim