« Il y a eu plusieurs tentatives d’assassinat d’Hitler échafaudées par des individus isolés, mais aucun ne fut si proche d’y parvenir que Maurice Bavaud ». C’est avec cette phrase qui est tirée du livre Target Hitler et publié par James P. Duffy et Vincent L. Ricci que débute La part de l’ombre[1], un diptyque qui nous transporte dans une période sombre de l’histoire et qui débute du milieu des années 1930 jusqu’en 1955. Cette époque englobe l’ascension du Troisième Reich en Allemagne, la Seconde Guerre mondiale, l’après-guerre et les tensions entre le bloc de l’Est et le bloc de l’Ouest. C’est aussi une période charnière de l’histoire qui a marqué les esprits de celles et ceux qui ont vécu les événements et qui a laissé des traces indélébiles en mémoire de ceux qui ont perdu la vie à cause de la folie des hommes. Cette mise en contexte historique est nécessaire pour comprendre ce récit qui se présente en deux actes.
La part de l’ombre aborde donc l’un de ces destins à travers le portrait de Maurice Bavaud, un ressortissant suisse qui a vécu de 1916 à 1941. La vie de l’homme est parsemée de zones d’ombres, lui qui a été reconnu coupable durant la guerre pour avoir attenté à la vie du Führer. Il sera condamné à mort puis exécuté en 1941.
Plusieurs ouvrages retracent la biographie de Maurice Bavaud comme le rappellent les auteurs de cette bande dessinée qui revient sur les événements sur fond d’enquête dans un climat d’espionnage qui a gangrené l’Allemagne de l’après-guerre.
Nous sommes en 1955 quelque part à Berlin-Est. La rédaction du Berliner Zeitung est en effervescence. Wolf Fiala un jeune commis de bureau qui distribue le courrier est encouragé par Guntram Muller à devenir journaliste. Ce responsable du service société invite le jeune premier à l’accompagner au tribunal car une affaire doit être rejugée : il s’agit d’un appel pour la réhabilitation posthume de Maurice Bavaud.
C’est d’ailleurs par des allers et retours entre le passé et le présent que Patrice Perna et Francisco Ruizgé respectivement scénariste et dessinateur de cette bande dessinée, nous amènent subtilement à nous mettre un contexte pour sentir le climat inquiétant qui régnait à cette époque.
Même si on le sait le nom de Maurice Bavaud sera réhabilité à titre posthume, les auteurs nous ramènent à 1955, année durant laquelle les autorités allemandes devaient réviser le jugement rendu, tandis que les autorités suisses étaient pointées du doigt pour n’avoir pas utilisé tous les moyens pour libérer Maurice Bavaud durant la guerre.
Patrice Perna qui a déjà publié Le Tour de France, Valhalla Hotel, Dans la peau de Zlatan et Forçats, fait un remarquable travail de recherche qui se veut aussi être un hommage à celui qui a failli tuer Hitler. Il faut dire que la période de la Seconde Guerre mondiale lui est familière pour avoir écrit le scénario de la série Kersten médecin d’Himmler. Au niveau graphique, les illustrations plus vraies que nature de Francisco Ruizgé nous font voyager quant à elles dans le temps, grâce à son sens du détail et sa manière de reproduire les vieux édifices. L’allure et le style vestimentaire des personnages s’accorde avec les représentations de l’époque, comme on peut le voir lors du défilé d’Hitler pendant les Jeux Olympiques de Munich en 1938. Les étendards aux couleurs de la croix gammée et les slogans qui sont scandés par les foules, sont autant de détails qui nous invitent à feuilleter cet ouvrage qui se veut aussi être une référence documentaire de Berlin en cette année de 1955.
La part de l’ombre retrace donc le parcours de Maurice Bavaud à travers ce premier volume qui devrait connaître son épilogue avec la seconde partie qui s’intitulera rendre justice.
Réda Benkoula
[1] La Part de l’ombre – Tome 1. Tuer Hitler | Patrice Perna (Scénariste), Francisco Ruizgé (Dessinateur) | Glénat | 2021 | 56 pages
