Sofiane Si Merabet[1] est un écrivain et aussi un influenceur sur instagram sous le nom The Confused Arab. Il vient de publier son premier roman intitulé l’arabe confus.

Dès le début l’auteur rappelle ce qu’a écrit Tayeb Salih dans Saison de la migration vers le Nord : « Ce n’est ni meilleur ni pire ici que là-bas. Mais je suis, pareil au palmier dans notre cour, originaire de cet endroit. Et le fait que ceux de là-bas soient venus chez nous, doit-il empoisonner notre présent et notre avenir ? ». Autour de cette idée le dilemme s’opère.

Il y a ceux qui partent et ceux restent. Il y a ceux qui restent partagés entre l’ici et l’ailleurs. Constamment tiraillés entre le pays d’origine et le pays d’adoption, les notions deviennent très confuses et échappent à leur vrai sens.

L’impact du passé dans l’esprit arabe

Le terme arabe dans le roman L’arabe confus est porteur d’affection, de tendresse telle que le rappelle Si Merabet : « Dès le matin, le jour était annoncé par sbah el khir. Dire « bonjour » était perçu comme emprunté, laconique et froid. Sbah el khir, c’était plus qu’une formule de politesse, bien qu’automatique : c’était une bénédiction. S’il nous arrivait de nous disputer un soir, le sbah el khir du matin était un drapeau blanc, un armistice qui ne pouvait être établi qu’en arabe »[2]. L’utilisation de la langue source est un moyen de garder les repères. Ils sont les lanternes qui éclairent le chemin. Ils font ressurgir ce qui a été pour se propulser dans ce qui sera. Entre le passé et le futur s’inscrit la notion de la nostalgie, remise dans son contexte historique par l’auteur : « Elle est célébrée dans la poésie, la littérature et la musique, évoquée dans la période préislamique (appelée communément la Jahiliyyah) dans les poèmes de la Mu’allaqat, où le manque de l’être aimé est une des premières expressions de la nostalgie »[3].

Cette nostalgie qui accompagne la pensée arabe peut avoir des assises dans l’avenir. Elle repose certes sur le passé mais est une façon d’appréhender le futur. Elle est le fil conducteur qui établit la relation avec différents contextes contemporains. Elle s’inscrit dans une sphère où l’identité est ébranlée quand elle n’arrive pas à se positionner.

L’arabe confus évoque plusieurs thèmes tels que : l’homosexualité, eib (le tabou), la virginité…etc. Ils sont placés dans des situations précises pour bien expliquer au lecteur comment l’esprit de l’arabe fonctionne et pourquoi le regard porté sur lui est ambigu. Ce roman superpose des événements géopolitiques en leur accordant une vision diachronique. Il ne se limite pas à rappeler des faits mais il donne son analyse objective. Sofiane Si Merabet est un auteur qui arrive aisément à conjuguer le passé au futur. Il lui insuffle les bribes de l’espoir pour montrer que l’arabe est celui qui ne doit pas se reposer sur ses acquis mais reprendre confiance en lui-même. Il est capable d’apporter le meilleur, encore faut-il qu’il réussisse à transmettre son savoir sans se sentir offusqué.

Lamia Bereksi Meddahi

[1] Il est d’origine algérienne et vit à Dubaï depuis dix- sept ans.

[2] Sofiane Si Merabet, L’arabe confus, Ed/ Belfond, 2024, p. 46.

[3] Id , p. 67.

By Lamia Bereksi Meddahi

Lamia Bereksi Meddahi est l’auteure de la première thèse de doctorat sur le dramaturge algérien Abdelkader Alloula. Elle a publié La famille disséminée, Ed/marsa, 2008, une pièce de théâtre Dialogues de sourds, Ed/L’harmattan, 2014. Elle enseigne à l’université Paris XII et se consacre à la littérature maghrébine ainsi que le théâtre dans le monde arabe. Depuis 2014, Lamia est membre de l’équipe éditoriale au journal L'initiative.

Read previous post:
Close