Le lion, le roi des animaux, exerce une fascination dans notre imaginaire qu’aucun autre animal ne peut égaler.
Le lion, le roi des animaux, exerce une fascination dans notre imaginaire qu’aucun autre animal ne peut égaler. Il peuple nos contes et nos légendes. Il est brodé sur les étendards, les drapeaux et les oriflammes. Il est aussi gravé, peint et élevé comme symbole de noblesse, de puissance et de défiance dans les armoiries, symbolisant le courage, la force, l’audace, la monarchie.
Des lions sculptés dans la roche à l’époque de l’Antiquité jusqu’aux dessins animés de Disney, le lion est l’emblème d’une domination sans partage. Si la renommée de cet animal triomphe partout et depuis toujours, c’est grâce à son imposante crinière de couleur dorée qui couvre son cou et ses épaules, parfois assez longue pour toucher le sol.
Le lion de l’Atlas, également appelé lion de Barbarie, est le prédateur du massif montagneux marocain. C’est le lion qui a la crinière la plus volumineuse, par rapport à ses cousins africains. Une littérature d’aventure et de voyage dense et abondante met en vedette dans divers récits le lion marocain. Dans son livre Game animals of Eastern Africa (1963), l’auteur C.A.W. Guggisberg cite un voyageur espagnol du nom de Mármol: Il y a tellement de lions dans le pays (le Maroc) qu’on ne les craint plus.
Plusieurs témoignages des premiers voyageurs européens, entre le XVe et XVIIe siècle, décrivent les combats de lions organisés entre les remparts de la ville de Fès, lors desquels les archers intervenaient parfois pour abattre des lions dangereux.
Au XVIe siècle, l’Empire ottoman étend sa domination jusqu’aux frontières marocaines. Cela va contribuer à la quasi-extinction de l’espèce en Algérie et en Tunisie. Les colons européens vont par la suite contribuer à éradiquer complètement le lion de cette région. A.E. Pease écrit dans The book of the lion (1915) : deux tribus, les Ouled Meloul et les Ouled Cessi, se consacraient à la périlleuse poursuite et chasse des lions de l’Atlas. Ils vendaient grassement les peaux et ils étaient libérés de l’impôt envers l’État.
Heureusement, un fait majeur va sauver l’espèce de l’extinction totale. Les nobles chefs de tribu berbères gardaient des lions pour les offrir aux rois lors de la Fête du Trône, notamment la cérémonie d’allégeance (la bay’â). H.Hermer écrit en 1978 : Ainsi, les sultans gardaient les lions dans une aile spéciale du jardin du palais royal, et pour les nourrir, on y jetait un bœuf ou des moutons et des chèvres… Lorsque le sultan Moulay Youssef a déménagé de Fès à Rabat, les lions royaux ont survécu aux guerres et aux insurrections.
Vers la fin des années 1960, le roi Hassan Il, conscient de l’importance de sauver le lion de l’Atlas, décide d’améliorer leurs conditions de vie et de renforcer leur protection.
Un nouvel enclos est achevé à Temara près de Rabat pour abriter une centaine de lions royaux. En 1973, sous l’égide du Ministère de l’Agriculture, ce lieu devient le zoo de Rabat.
Le lion apparaît sur les blasons de plusieurs villes et provinces marocaines. Les armoiries du Royaume présentent aussi deux lions affrontés pour soutenir la couronne.
Les joueurs de l’équipe nationale de football (soccer) sont connus sous le surnom «les lions de l’Atlas».
Les arabes font remarquer que l’homonyme sba’â signifie à la fois lion, ainsi que le chiffre sept. Dans la culture marocaine, une croyance très courante dit que c’est un lion qui garde les sept portes de l’enfer.
Près de la ville de Safi, la sainte Lalla Fatna bent Mohamed est inhumée avec sa lionne. Dans cette région campagnarde, pour soigner leurs bêtes malades les paysans avaient pour coutume de planter un piquet auquel est attaché l’animal malade à l’endroit où est enterrée la lionne. Le piquet prend le mal et la «baraka» de la lionne fait son œuvre…
Plusieurs légendes concernant des lions mythiques ou des saints qui ont dompté des lions, comme Sidi Abdel Kader Jilali, se retrouvent sur des gravures populaires un peu partout.
Les berbères donnent le nom d’izzem au lion, ce qui veut dire aussi rugir. C’est également le terme qu’ils utilisent pour désigner leurs chefs guerriers. Ainsi, on parle de «Moha ou Izzem» (Mohamed fils de lion), mais on trouve aussi des lieux-dits comme Oud Zem (la rivière du lion) ou Admer Izzem (le plateau du lion).
Le lion est aussi très présent sous forme de motifs ou de pictogrammes dans les tatouages des femmes berbères ou dans le tissage des tapis et des broderies.
Les juifs marocains ont aussi leur part de légendes sur les lions. Rabbi Ephraim Enkaoua, un faiseur de miracles, fut protégé par un lion à un moment où il se trouvait en danger. On trouve aussi le Lion de Juda sur les broderies de velours utilisées pour recouvrir le trône d’Élie pour la circoncision.
La lila (la nuit), un rituel de danse et de transe de la confrérie des Aïssawa, coupe la nuit en trois chorégraphies. La toute dernière s’appelle mjerred (abstrait), le point culminant de la rencontre avec le Divin. Les disciples les plus âgés font alors une danse collective appelée la danse des lions.
Malgré toutes ces représentations symboliques qui rendent hommage à cet animal, le lion de l’Atlas reste avant tout un patrimoine naturel à protéger. Des projets ambitieux ont été présentés depuis les années 1980 pour le sortir des zoos et le réintroduire dans son milieu naturel à l’état sauvage, entre le Moyen et le Haut Atlas.
Bien entendu, ces projets posent plusieurs défis, comme la protection et la surveillance de cet environnement avec un minimum d’intervention humaine et avec tous les dangers que cela représente pour les populations et le bétail.
Si cette zone de restauration de la faune voit le jour, elle deviendrait un fleuron de la conservation dans la région de l’Afrique du Nord. Peut-être qu’un jour nous pourrons à nouveau voir des lions avec leur énorme crinière dorée, avec comme toile de fond les montagnes de l’Atlas enneigées et entendre l’écho de leurs rugissements se mêlant aux chants des femmes berbères.