Qu’est-ce que l’identité? Il s’agit d’une décision personnelle et d’un concept évoluant dans le temps en fonction de notre vie et en fonction de notre vécu. Pour la construire, nous opterons le plus souvent pour un rapprochement vers le groupe avec lequel nous nous sentons le plus bien et avons le plus de proximité. À l’occasion du mois du créole, le mathématicien, Jean-Pierre Asselin De Beauville, a animé une conférence sur l’identité et la culture créole organisée par le Comité International pour la Promotion du Créole et de l’Alphabétisation ou Komite Entènasyonal pou Pwomosyon Kreyòl ak Alfabétisasyon (KEPKAA), un organisme à but non lucratif, défendant et promouvant la culture et la langue créole.
Le métissage forcé entre les cultures résultant du colonialisme a crée ce qu’on appelle un problème identitaire aux communautés créoles. Il est également un revers de la médaille de l’immigration. Comprendre leur impact peut être très complexe et pour cela, il nous faut d’abord débuter par leurs origines. Nous avons donc échangé avec le Docteur en sciences, mathématicien et auteur, Jean-Pierre Asselin De Beauville, à ce sujet ainsi que sur les concepts de négritude et de créolité qui ont influencé le développement de l’identité des créoles.
La Genèse
Le mot est dérivé du mot espagnol criollo faisant référence aux Blancs nés en terre colonisée. D’après les dires de M. Asselin, vers 1750, la Nouvelle-France qui était le Canada de l’époque et correspond à peu près à l’Acadie, la Louisiane et le Québec actuels. Les sujets du roi de France de cette ère, les Français sont arrivés et ont eu des enfants. Leur progéniture née en terre d’Amérique, colonisée par les Français a également été à un certain moment de l’histoire considérée comme étant des créoles. «Voulant lutter contre les puissances coloniales et être en mesure de communiquer, les cultures africaines, asiatiques et européennes vivant sur une île, un territoire limité, ont été obligées d’intégrer à leurs à leurs propres cultures des éléments de celle des maîtres ce qui créera une osmose, la circulation des idées entre les deux cultures. C’est donc dans un contexte de violence coloniale que les créoles se sont créées », nous a expliqué l’auteur. D’après lui, regrouper des cultures et les forcer à habiter ensemble pendant une longue période provoquerait ce que nous appelons l’entropie culturelle.
Exister
Toujours dans un besoin de se défaire du colonialisme, M. Asselin nous nomme que les écrivains, Aimé Césaire, Léon-Gontran Damas et Léopold Sédar Senghor, ont créé le mouvement littéraire, la négritude, en 1935 qui explore l’esthétique et la spiritualité des cultures africaines, faire valoir l’identité des noir.e.s et contester leur infériorité. Pour ces hommes, il peut également être employé par toute personne se trouvant dans une condition défavorable. « Pour ces hommes, le mot nègre est une des formes historiques de la condition faite à la personne humaine. Ce n’est pas une question de couleur de peau. Toute personne en condition défavorable peut se justifier de la négritude » nous a-t-il mentionné.
L’art de préserver sa culture
Le mathématicien nous nomme que la créolité découlant de la négritude a pour sa part été développée dans les années 80 par les écrivains, Édouard Glissant, Patrick Chamoiseau et Jean Bernabé, avec la lutte pour la préservation de l’identité culturelle caribéenne et la promotion de la culture créole. Sans oublier qu’elle répond à un désir d’autonomie et d’affranchissement de la Caraïbe francophone par la France hexagonale. Ne prenant pas en considération les cultures créoles, elle se veut être également une critique de la négritude. « Un certain nombre d’Antillais et certains créoles se sentaient enfermés dans le concept de négritude », a souligné M. De Beauville.
Métis un jour, métis pour toujours
Bien que la négritude a eu son heure de gloire, cette dernière a également permis de dénoncer certaines pratiques néfastes issues de la colonisation et de mettre en valeur la culture africaine qui était un peu méprisée ce qui démontre ses bienfaits et que tout comme la créolité, elle a son importance. Que nous parlions de la négritude ou de la créolité, d’après ses dires, il nous faut pas oublier que nous « nous sommes tous des métis-isses en définitive. Si nous regardons l’histoire de l’humanité, notre connaissance aujourd’hui c’est l’ancêtre de la vallée de l’Omo en Afrique », s’est-il exprimé.
Comme l’humanité est le fruit d’un métissage, serait-il plus juste de nous identifier comme étant des métis pour résoudre ce problème identitaire ? Selon l’auteur, cela pourrait être le cas si nous vivions dans un monde utopique et nous avions un gouvernement mondial rassemblant tout le monde. Solution? Pour le régler, il faut à prime abord accentuer l’éducation, pour créer une ouverture chez les jeunes et les encourager à parler la langue de leurs ancêtres une pratique tendant à se perdre au fil des années, éviter de se ghettoïser, ne pas se tenir à l’écart de la société, ne pas rester constamment avec les membres de sa culture d’origine et ainsi favoriser les échanges avec les autres communautés créoles. Les États sont également appelés à mettre en place des mécanismes de collaboration et de coopération entre les peuples pour qu’ils arrêtent de se faire la guerre et de s’entretuer. C’est en cessant de rejeter l’autre, tout ce qui n’est identique à soi que nous parviendrons à abattre ces murs et à combattre le repli identitaire, le renfermement sur soi. Aller vers l’autre c’est apprendre à se connaître après tout!
Mélissa Jean-Baptiste