Annoncé en janvier dernier par Jean Boulet, le ministre du Travail, le salaire minimum au Québec est passé de 15,75$ à 16,10$, le 1er mai, soit une hausse de 35 cents, la plus faible augmentation des sept dernières années dans un contexte où le coût de la vie n’a jamais été aussi élevé. Cette valorisation bénéficiera aux 185 700 travailleurs, dont 55% sont des femmes. En théorie, un salaire minimum est fixé à un niveau qui permet au salarié travaillant à temps plein de s’affranchir de la pauvreté. La hausse du plancher salarial au Québec permettrait-elle de vivre dignement dans la province ? 

À 16,10$ l’heure, un salaire minimum loin d’être viable pour sortir de la pauvreté

Au Québec, en travaillant à temps plein avec le taux horaire du salaire minimum, un travailleur disposera d’un revenu disponible (après impôt et transfert) de 26 906$, légèrement supérieur à l’indicateur de pauvreté le plus utilisé au Canada, à savoir la mesure du panier de consommation (pour une personne seule à Montréal, cet indice est de 26 155$), qui couvre les besoins de base des familles (alimentation, logement, habillement, transport et autres nécessités). Sur la question de savoir quel est le revenu faut-il gagner pour mener une vie décente, depuis 2015, l’Institut de recherche et d’information socioéconomiques (IRIS) calcule chaque année le revenu viable, qui renvoie au montant dont il faut disposer pour vivre hors de la pauvreté au Québec, selon la ville de résidence et le type de ménage.

En effet, en plus des besoins de base, l’indicateur de l’IRIS englobe une somme subsidiaire pour faire face à des imprévus ou pour les loisirs. En 2025, pour qu’une personne seule puisse vivre dignement, elle doit pouvoir compter sur un revenu viable annuel se situant entre 31 696$ (Trois-Rivières) et 42 884$ (Sept-Îles). Cette disparité entre les villes s’explique notamment par le coût du logement et l’offre de transport en commun. Le revenu viable a augmenté en moyenne de 2,4% pour une personne seule par rapport à 2024, une hausse occasionnée principalement par le coût du logement, qui augmente à un rythme plus élevé que l’inflation. À Montréal, une personne seule doit disposer d’un revenu viable annuel de 40 084$ pour espérer à une vie décente, soit un salaire horaire brut de 28$ pour un emploi à temps plein, représentant une différence de 12$ par rapport au nouveau salaire minimum. Le salaire minimum actuel permettrait à un une personne travaillant à temps plein d’atteindre 67% seulement du revenu viable, ce qui est largement insuffisant pour s’affranchir de la pauvreté. Selon le rapport de l’IRIS, entre 12 et 15% des Québécois vivent sous le seuil du revenu viable. Travailler à temps plein au salaire minimum ne garantit donc pas une qualité de vie décente, et la situation se corse davantage pour les prestataires de l’aide sociale qui reçoivent environ 12 153$ par an, soit moins de la moitié du revenu de la mesure du panier de consommation (MPC). Les effets de cette pauvreté se font ressentir dans plusieurs aspects de la vie quotidienne : difficultés à se loger dans un logement salubre, recours plus fréquent aux banques alimentaires, privation de loisirs, voire de subvenir à des besoins aussi fondamentaux que les soins dentaires.

Au Québec et dans d’autres provinces canadiennes, le gouvernement ajuste le salaire minimum pour qu’il se situe à 50% du salaire horaire moyen. En effet, cette manière de fixer le salaire minimum ne prend pas en considération le seuil de pauvreté, mais elle postule de permettre aux entreprises de mieux planifier les salaires qu’elles versent aux employés. Face à ce constat, plusieurs voix s’élèvent pour réclamer une refonte de la méthode de calcul du salaire minimum. Des groupes communautaires et syndicaux proposent d’arrimer ce dernier au revenu viable, plutôt qu’à des considérations économiques qualifiées par certains experts d’« arbitraires ».

Sofiane Idir

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