C’est un secret de polichinelle, certaines entreprises se font voler par leurs salariés et les employeurs marchent sur des œufs quand vient le temps d’aborder le sujet avec leur personnel ou de sévir contre les fautifs. Le sujet est tabou à un point tel, que même les employés témoins de larcins craignent de dénoncer.

Selon l’auteur de l’ouvrage « Fraud Exposed : What You Don’t Know Could Cost Your Company Millions » et publié en 2003, près des trois quarts de tous les salariés volent au moins une fois en carrière et la moitié d’entre eux le feraient de manière répétitive. Près de 42,2% des fraudes et vols surviennent dans des entreprises comptant moins de 100 employés (38,2% au privé et 23,6% au public) et, ce fléau occasionne à lui seul, 5% des pertes des entreprises canadiennes, totalisant annuellement trois milliards de dollars. S’il n’existe ni portait type du salarié fautif ou de l’entreprise victime, les vols contre les entreprises eux, peuvent prendre plusieurs formes.

Les types de vol au travail

Certains vols sont à prime abord faciles à identifier, alors que d’autres types de larcins sont beaucoup plus subtils. Le vol de biens par exemple, s’explique facilement par la disparition ou l’appropriation de biens matériels (argent, ordinateur, marchandise) et la preuve peut être faite plus ou moins facilement. Cependant, le vol de biens immatériels (propriété intellectuelle, droits d’auteur) requiert davantage d’investigation. D’autres cas de vols en entreprise sont moins apparents comme celui de vol de temps. Ce dernier consiste en l’utilisation du temps rémunéré à des fins personnelles (appels personnels, utilisation d’internet ou autres) durant les heures de travail. L’employeur peut aisément faire la preuve de tels comportements notamment, par l’utilisation d’outils appropriés comme des logiciels espions. Le vol de temps se caractérise également par l’absentéisme rémunéré. L’employé souvent absent ou en retard ou, qui allonge ses pauses ou ses heures de repas fait aussi du vol de temps si l’absence est rémunérée.

Le fardeau de la preuve à l’employeur

L’employeur qui soupçonne un membre du personnel de vol doit d’abord faire enquête avant de porter plainte à la police ou congédier le salarié. Il doit établir les faits en recueillant des éléments de preuve pertinents avant toute chose. D’une part, s’il y a des témoins des faits, il doit obtenir leur version. D’autre part, il doit avoir en main des éléments matériels (pièces justificatives, photos, factures, bandes vidéo, enregistrement audio, etc).

Des circonstances aggravantes en fonction du geste posé ou du poste occupé

Certaines circonstances aggravent la portée du geste posé. C’est le cas entre autres, du vol commis par un cadre. Ce dernier occupe un poste de confiance et est tenu de donner l’exemple. Le salarié manipulant de l’argent ou des informations personnelles ou appelé à travailler seul, doit aussi avoir une attitude irréprochable.  La préméditation du geste, ses conséquences, la valeur du bien volé ou détourné, l’impact du vol sur le fonctionnement de l’entreprise ainsi que le caractère répétitif du geste ou sa durée dans le temps en aggravent la portée. Finalement, l’absence d’aveux ou de remords de la part du salarié cause aussi un impact capital sur le risque de congédiement ou de poursuites judiciaires.

Les aspects juridiques

Le vol en lieu de travail constitue une faute grave, dont la conséquence est généralement le congédiement sans préavis, ni indemnité, mais certains actes criminels engendrent une faute d’un degré plus élevé appelée faute lourde. C’est le cas lorsque le vol s’accompagne de l’intention de nuire à l’employeur. La sanction sera alors beaucoup plus importante et des poursuites judiciaires pourraient avoir lieu, en plus du congédiement et de l’obligation de restituer le bien volé.

Le détournement de bien : un vol habilement camouflé

Le détournement de bien par transaction interposée est un vol souvent difficile à identifier. Les cartes de crédit d’entreprise illustrent bien cette façon de faire. Il y a détournement de bien lorsqu’un dirigeant demande une carte de crédit au nom de l’entreprise à l’insu des autres membres de la direction ou du contrôleur et qui l’utilise exclusivement à des fins personnelles et/ou dont le paiement du solde est effectué avec les fonds de l’entreprise. De plus, si plusieurs employeurs délivrent, à leurs employés, des cartes de crédit pour effectuer les activités quotidiennes, leur usage à des fins strictement personnelles est fortement prohibé.

La perte d’emploi en raison de l’usage impropre de cartes de crédit de l’entreprise constitue une inconduite. À titre d’exemple, citons leur utilisation pour régler des dépenses personnelles quelconques telles des comptes téléphoniques, des services Internet, de l’essence destiné à un véhicule personnel, l’adhésion à une association professionnelle à titre personnel, le retrait d’espèces ou d’avances tirées des frais de déplacement lorsque le salarié doit recevoir une indemnité quotidienne ou l’utilisation d’une avance pour couvrir des dépenses personnelles sont autant d’exemple de détournement.

Certains faits pourraient s’avérer révélateurs

Certains faits et gestes observés en entreprise pourraient constituer des indices que l’entreprise est victime de vol. Si les faits et gestes énumérés plus loin ne constituent pas nécessairement des preuves qu’un vol est commis, il n’en demeure pas moins qu’ils requièrent de faire preuve de vigilance de la part d’un gestionnaire. L’employé qui arrive toujours très tôt ou très tard et qui travaille souvent la fin de semaine sans motif raisonnable, celui qui ne prend jamais de vacances durant la période désignée pour l’ensemble du personnel devrait faire l’objet d’une surveillance accrue. Il en est de même pour celui qui entretient une relation très amicale et florissante avec un client ou un fournisseur ou pour celui qui se déplace fréquemment hors de son secteur de travail sans raison valable ou sans y être autorisé (il pourrait tenter d’y camoufler des objets dérobés). On examinera également avec attention certaines transactions récurrentes de façon anormale : petite caisse ou compte qui ne balance pas, remboursements fréquents (paid out), ventes non enregistrées (souvent réalisées avec le tiroir-caisse ouvert) et découverts dans le compte bancaire figurent parmi les transactions à surveiller. On portera aussi attention aux inventaires en examinant le nombre d’items vendus et en le comparant avec les stocks disponibles. Finalement, la situation de l’employé qui affiche un niveau de vie qui dépasse largement son salaire sans avoir gagné à la loterie devrait faire l’objet de vérifications.

Bref, si certains comportements ou faits suscitent des doutes, l’employeur a intérêt à recueillir des preuves et à faire appel aux autorités ou à une firme spécialisée en enquêtes pour leur soumettre les preuves recueillies plutôt que de porter lui-même, des accusations. Des accusations non fondées risqueraient de lui faire davantage de torts que ceux causés par un larcin.

Martine Dallaire

Crédit photo : Maxime Pigeon

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