Dans la série des one shots, L’homme qui inventait le monde[1] va puiser dans notre imaginaire pour nous amener à repenser l’avenir tout en bousculant nos certitudes. Si l’œuvre qui est signée de Rodolphe au scénario et Bertrand Marchal au dessin s’inscrit dans le genre de la science-fiction, elle reste néanmoins soucieuse des questions éthiques et des choix qui déterminent l’existence du genre humain. Avec ce récit, tout ce que nous croyons connaître dépend d’une vision du monde qui est celle d’un homme.

Au cœur de cette histoire, le capitaine John Bowman, un vétéran de la guerre qui fut un navigateur hors pair et l’une des figures des unités sentinelles et du programme spatial Explora. L’officier Bowman séjourne depuis une dizaine de jours à Dak 3 une île artificielle high-tech construite dans le futur dans la baie de Dakar. Le capitaine Bowman qui se sent surveillé est torturé par le même cauchemar qu’il revit chaque nuit.

Le lieutenant Charlene Barrymore vient de débarquer elle aussi sur cette île, où le nombre d’humanoïdes dépasse largement celui des humains. La rencontre des deux officiers et salvatrice pour John qui prends le temps d’apprécier la compagnie de cette nouvelle résidente de l’île.

La belle Charlene que John surnomme Charlie reste cependant prudente dans sa relation avec son nouveau partenaire de cet îlot qui est propice pour décompresser. Les liens entre John et Charlie se renforcent à travers leurs échanges, leurs sorties et la volonté de cette dernière d’en apprendre un peu plus sur les cauchemars qui torturent John. Derrière ce cadre paradisiaque, les deux nouveaux amis ne peuvent s’empêcher d’observer le défilé incessant des vaisseaux terriens qui se préparent à combattre un ennemi venu du fin fond des étoiles. John s’exclame : « Encore un départ pour l’enfer !»

À travers la bande dessinée Rodolphe et Marchal explorent intelligemment des concepts philosophiques en invitant les lecteurs dans un voyage à travers l’espace et le temps. Les deux auteurs qui ont déjà travaillé ensemble sur les séries Namibia et Amazonie, signent encore une fois un ouvrage au réalisme saisissant.

Les dessins de Bertrand Marchal prennent forme et nous interpellent lorsqu’on immerge dans les cauchemars de John Bowman. Le dessinateur donne ainsi vie aux personnages qui sont imaginés par Rodolphe Daniel Jacquette.

Ce dernier qui signe ses œuvres sous le pseudo de Rodolphe manie avec doigté le récit de façon à nous faire comprendre que la technologie est au service des humains qui conservent par la même, leur humanité avec leurs peurs, leurs joies et leurs inquiétudes. En imaginant un univers qui est proche du nôtre, l’auteur et scénariste français qui a à son actif plus de 150 titres hors BD ne surjoue pas dans la fiction. Il nous invite simplement à repenser le monde dans lequel nous vivons à travers les yeux de L’homme qui inventait le monde.

Réda Benkoula

[1] L’homme qui inventait le monde | Rodolphe, Bertrand Marchal | Dargaud | 2021 | 80 pages

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