Même si l’esclavage est officiellement aboli depuis un peu plus de 150 ans aux États-Unis, cependant les stigmates et les blessures de cette période de l’histoire sont encore ancrés dans le conscient collectif.

D’ailleurs le 13e amendement de la Constitution des États-Unis qui interdit toutes les formes de servitude n’a pas totalement mis un terme aux différences raciales puisqu’il faudra attendre les années soixante pour abolir graduellement des lois ségrégationnistes, sous la pression du mouvement des droits civiques. C’est dans ce contexte historique de 1961, que les bédéistes Léa Chrétien et Gontran Toussaint nous font remonter le temps au sein de la famille de Louise Soral et partager les lourds secrets qui la rongent.

Louise est l’héritière d’une riche famille de propriétaires terriens de la Louisiane profonde. Elle est grand-mère et elle est entourée de ses filles et ses petits-enfants qui lui demandent de leur raconter les histoires de famille.

Cette quiétude familiale n’apaise pourtant pas Louise, qui, le soir venu prend à témoin Hazel sa bonne, pour mettre par écrit ce qui la torture tellement. Tel est le prélude du 1er tome de « Louisiana », où la scénariste Léa Chrétien prends soin de placer au centre de cette histoire de nombreux personnages féminins, comme on peut le découvrir en remontant le passé familial de Louise qui avoue à Hazel que : Tout a commencé quand mon arrière-grand-père, Augustin Maubusson, a reçu des concessions en récompense de ses services et s’est installé avec sa famille dans la paroisse de la pointe coupée…

L’auteure nous immerge ainsi dans la Louisiane de 1805 quelque part dans la propriété l’arrière-grand-père de Louise. Les temps sont durs pour les noirs qui travaillent dans les champs. En dehors de quelques exceptions, ils sont considérés comme des objets qui appartiennent aux propriétaires blancs dans les États du Sud. C’est durant cette époque propice aux tensions interraciales, qu’une amitié sincère unie Joséphine la fille à Augustin et Maly la jeune esclave noire.

Antoine le frère de Joséphine ne voit pas d’un bon œil cette amitié, à l’image de leur père qui abuse de ses esclaves devant le regard trahi de son épouse Laurette. La famille à l’apparence unie fait face aux épreuves et chacun doit assumer ses actes, comme le suggère le titre de ce 1er volume, où « La couleur du sang », fait figure de métaphore habile pour signifier que derrière la couleur de la peau, noirs et blancs souffrent et saignent de la même manière.

En effet les drames qui s’abattront sur les Maubusson et leurs esclaves ne peuvent laisser les lecteurs insensibles, ce qui démontre par la même que le message que veut délivrer la scénariste est bien transmis.

On soulignera aussi que les remarquables dessins de Gontran Toussaint, sont si réalistes que nous n’avons pas de mal à apprécier les émotions et les traits des visages des personnages. Le bédéiste porte ainsi une attention particulière à l’atmosphère qui pouvait exister à l’époque comme on peut le voir dans chaque case et chaque planche au point d’être aspiré par la Louisiane d’antan. Les coins de rues, les nuits peu éclairées et les objets du quotidien sont savamment choisis par Toussaint qui rappelons-le est familier des dessins réalistes et historiques, comme on pouvait le voir dans la série Reporter avec Les Derniers Jours du Che et Bloody Sunday. On notera d’ailleurs que l’affiche de la BD ressemble à s’y méprendre à celle du film « Autant en emporte le vent ».

Il est certain en tout cas que Léa Chrétien et Gontran Toussaint on réussit leur pari de lancer la série Louisiana chez Dargaud, car on reste sur notre faim en attendant de découvrir le 2e tome. Le livre est disponible depuis le mois de septembre et il est déjà distribué au Québec.

Reda Benkoula

 

Read previous post:
Appel au rejet pacifique, massif et actif de la mascarade électorale du 12 décembre : Observons des sit-in citoyens devant les bureaux de vote en France et ailleurs (du 7 au 12 décembre)

MAKANCHE INTIKHABETT M3A EL 3ISSABAT ! Depuis plus de neuf mois, le pouvoir illégitime algérien tente de perpétuer son coup...

Close