Des ami.e.s et des professionnelles de la santé ont fourni des détails troublants sur le traitement de Lucy Francineth Granados par l’ASFC et ses répercussions sur cette mère monoparentale de 42 ans. Lucy est actuellement dans un centre de détention pour immigrants et risque d’être expulsée au Guatemala le vendredi 13 avril. Malgré les aspirations de Montréal d’être une ville sanctuaire, Lucy a été arrêtée par l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) à Montréal le 20 mars.
L’arrestation de Lucy a impliqué «une force physique superflue et disproportionnée – avec au moins un agent de l’ASFC qui s’est emparé de son bras gauche et de son cou avec force, leur causant des blessures», affirme un récent rapport psychiatrique citant Lucy. Le rapport continue: «… elle avait son bras gauche en écharpe et ne pouvait pas le déplacer pendant l’interview. … Il y a un ecchymose de 10 cm de diamètre et un gonflement à l’arrière de son cou, encore visible 5 jours après l’arrestation. Mme Granados a déclaré qu’elle n’était ni dangereuse ni menaçante pendant l’arrestation, mais qu’elle était dans un état de panique important. Depuis lors, Mme Granados a régulièrement eu des flashbacks de son arrestation.»
Le rapport conclut que Lucy souffre d’un Trouble de Stress Aigu résultant de son arrestation. Elle risque de contracter un TSPT s’il y a des «facteurs de stress continuels» tels que le maintien en détention et la déportation.
«Mme. Francineth Granados souffre depuis plusieurs années de l’impact de la précarité sur sa santé physique et psychologique. Depuis qu’elle a été arrêtée son état de santé s’est grandement détérioré. La détention, la détresse et la peur qui lui sont imposées peuvent avoir des effets néfastes à long terme sur son état de santé.» a corroboré Nazila Bettache, médecin spécialiste en médecine interne, Centre hospitalier de l’université de Montréal, en ajoutant «Cela doit cesser immédiatement, pour lui permettre de retrouver la stabilité dont elle a besoin».
Selon ce médecin, après avoir été mise en détention, Lucy a eu un événement de perte de conscience et un possible arrêt cardiaque, et a été transportée à l’hôpital 2 fois. Elle a aussi subi une évaluation médicale au centre de détention une troisième fois.
À l’hôpital, les pieds de Lucy étaient enchaînés, malgré la présence de deux gardes de l’ASFC à la porte. Elle n’était autorisée à émettre aucun appel ou à ne recevoir aucun visiteur. L’ASFC n’a informé son avocate pour aucune des hospitalisations de Lucy. Pendant plusieurs heures, ses ami.e.s étaient incapables de la localiser.
«J’ai vu mon amie tellement désorientée par les conséquences de son arrestation violente qu’elle ne pouvait pas finir une phrase sans fondre en larmes. J’ai vu la souffrance de mon amie ignorée, minimisée et exacerbée comme si elle n’avait pas la capacité de ressentir la douleur, la perte, l’humiliation, la tristesse », a déclaré Alonso Gamarra, un ami qui lui rend régulièrement visite en détention. «Dans la salle de visite, elle a répété ce qu’elle me disait au téléphone depuis jeudi: ‘Je ne sais même plus quel est mon nom’», a-t-il ajouté.
L’évaluation psychiatrique indique que le bien-être émotionnel de Lucy a souffert depuis 2012, lorsque sa demande d’asile a été refusée. Elle note une augmentation de ses symptômes de «tristesse, découragement, anxiété persistante» avec «des attaques de panique récurrentes et fréquentes» depuis un appel téléphonique d’un agent de l’ASFC à l’avocate de Lucy à la fin de janvier.
«Cet agent a informé l’avocate de Lucy que sa demande de résidence permanente pour des motifs humanitaires – son seul moyen de régulariser son statut au Canada – ne serait pas ouverte à moins qu’elle ne se présente pour être arrêtée et expulsée. Ce n’était pas seulement une fausse menace (le dossier avait déjà été ouvert), mais une fausse représentation de la loi, qui oblige le ministre à examiner toutes les demandes », a expliqué Amy Darwish de Solidarité sans frontières.
Les nombreux soutiens de Lucy se sont prononcés contre le traitement de leur amie et, avec l’aide du Centre des travailleurs et travailleuses immigrant.e.s, préparent à présent une plainte pour atteinte aux droits de la personne auprès de la Commission des droits de la personne du Québec.
« Nous ne voulons pas laisser passer cela en silence, comme si c’était normal. Cependant, nous craignons que, parce qu’elle souhaite cacher son comportement illégal et abusif, l’ASFC ne tiendra pas compte équitablement de sa demande de sursis de déportation, déposée le 23 mars. Jusqu’à présent, son avocate n’avait toujours pas reçu de réponse à cette demande. Tant qu’elle n’aura pas reçu de réponse, Lucy ne pourra pas aller en Cour fédérale pour tenter d’arrêter la déportation. Nous craignons qu’il n’y aura pas assez de temps. Nous voulons que le ministre de l’Immigration Ahmed Hussen et le ministre de la Sécurité publique, Ralph Goodale, agissent », a déclaré Mme Darwish.
Malgré le soutien pour Lucy à travers le pays, y compris un Sit-In en cours devant les bureaux de l’ASFC à Montréal depuis mardi, le ministre fédéral de l’Immigration, Ahmed Hussen, et le ministre de la Sécurité publique, Ralph Goodale, ont jusqu’ici manqué d’humanité ou de compassion.
Lucy vit à Montréal depuis neuf ans où elle contribue activement à des groupes communautaires travaillant pour les droits d’autres femmes, travailleuses et travailleurs sans-papiers.