Comme chaque année, les provinces et territoires canadiens réexaminent le taux en vigueur du salaire minimum. Il s’agit du montant le moins élevé par heure que les employeurs payent aux employés couverts par la loi.

En fin 2017, le salaire minimum moyen au Canada était de 11,43$ de l’heure. Cette année, deux provinces ont décidé d’accorder une plus-value significative au salaire minimum. Dès octobre 2018, le salaire minimum atteindra 15 $ en Alberta où il est actuellement à 13,60 $ de l’heure. En Ontario, le salaire minimum est passé à 14 $ en janvier 2018 avant d’atteindre 15 $ de l’heure dès janvier 2019. Au Québec, et ce depuis 2004, le salaire minimum est rajusté tous les 1er mai. Les trois prochaines augmentations du salaire minimum au Québec ont été annoncées par la ministre du Travail Dominique Vien en janvier 2017 et sont respectivement 0,5 $, 0,35 $ et 0,35 $. Ainsi, le salaire minimum passera à 11,75 $ en mois de mai prochain avant d’atteindre 12,45 $ en 2020 pour ramener le salaire minimum à 50 % du salaire moyen au Québec.

Un salaire minimum à 15 $ : quels impacts sur l’économie et la société québécoise ?

Avec le mouvement du salaire minimum à 15 % qui a pris naissance aux États-Unis, la question de la viabilité d’une telle mesure au Québec suscite beaucoup de débats. Beaucoup d’études (Banque du Canada, IRIS, Institut Fraser, étude de Pierre Fortin…) ont été menées pour évaluer l’impact d’un tel scénario sur l’économie et la société au Canada et au Québec. Les résultats de ces études divergent et loin d’être unanimes sur la validité d’un salaire minimum à 15 $ au Québec.

L’étude de l’institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS) a démontré, rigoureusement, que l’augmentation du salaire minimum au Québec représente l’intervention la plus efficace et la mieux ciblée pour augmenter les revenus des travailleurs et leur permettre de sortir de la pauvreté. Selon l’indice d’IRIS (le salaire viable, données 2017), une personne vivant seule à Montréal doit avoir un salaire minimum de 15, 44 $ /h pour subvenir à ses besoins de base et se doter d’une marge de manœuvre pour sortir de la pauvreté.

Selon un rapport publié par la Banque du Canada (janvier 2018), la hausse du salaire minimum dans les différentes provinces du pays entrainerait une perte d’environ 60 000 emplois d’ici 2019. Ces hausses s’accompagneraient aussi d’une augmentation moyenne de l’inflation de 0,1% tout au long de l’année et d’une diminution d’environ 0,1% du PIB d’ici le début 2019. Pour obtenir ses prédictions, les experts de la Banque du Canada s’appuient sur des modèles mathématiques donnant des résultats qui varient selon la méthode de calcul utilisée, donc très critiqués par certains.

Selon l’étude de l’économiste Pierre Fortin (2016), l’augmentation du salaire minimum, sans aucun contrôle (il faut considérer le rapport entre le salaire minimum et le salaire moyen dans une économie donnée) pourrait avoir un impact négatif sur l’emploi et le décrochage scolaire. L’étude en question prédit une perte de 100 000 emplois au Québec si le salaire minimum est augmenté à 15$/h. Une prédiction alarmante et peu réaliste! Pour soutenir les travailleurs à bas salaire, Pierre Fortin propose la solution des économistes néoclassiques qui voient dans l’augmentation des transferts gouvernementaux la meilleure stratégie de lutte contre la pauvreté.

En somme, dans un système économique salarial, toute personne travaillant à temps plein devrait s’affranchir de la pauvreté. Ne pas atteindre un tel objectif est une défaillance du marché. Les experts sont partagés sur les mesures palliatives à mettre en œuvre pour corriger une telle défaillance. Entre l’augmentation significative du salaire minimum et les mesures fiscales et sociales aidant les travailleurs à faible revenu (réduction des impôts, augmentation des transferts…), les avis divergent.

Sofiane Idir

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