Les médias regorgent d’articles à propos de la radicalisation chez les jeunes. Insérant le sujet dans une histoire humaine et familiale, la plus récente oeuvre du dramaturge Stephen Orlov utilise la comédie noire pour traverser la division culturelle entre les communautés de diaspora juives et palestiniennes du Canada. MAI (Montréal, arts interculturels) présente la première mondiale de la pièce Birthmark du Teesri Duniya Theatre du 3 au 18 novembre.
Cette pièce audacieuse qui se déroule à Montréal, dirigée par Michelle Soicher et Liz Valdez, amène les gens à se poser des questions dures et actuelles par rapport au Moyen-Orient. Poursuivant son mandat d’encourager le dialogue, Teesri Duniya Theatre organisera une discussion avec le public avec personnes invitées après certaines représentations.
Racontée de manière poignante et avec humour noir, Birthmark défi les représentations dominantes du conflit israélo-palestinien. Se déroulant principalement la veille de la victoire incendiaire de Donald Trump en tant que président, deux familles, l’une juive, la seconde palestinienne, attendent anxieusement le destin de leurs enfants, attirés par la radicalisation chez les jeunes, le fondamentalisme et la guerre. L’auteur juif David Stein essaie désespérément de saboter le plan de son fils Nelson d’abandonner McGill et de rejoindre une colonie israélienne ultra-orthodoxe sur la rive occidentale en révélant un secret de famille à propos de Jamila Hassan, un professeur palestinien. Karima, la fille adoptée de Jamila disparait soudainement de l’UQAM, dans une mystérieuse mission politique à l’étranger, provoquant une investigation du SCRS. Les deux parents célibataires s’unissent avec réticence pour s’aider à sauver leurs deux enfants uniques de scénarios de vie ou de mort, ce qui nous amène à cogiter sur l’essence de notre humanité commune. Birthmark livre une vision convaincante d’une paix et d’une justice sociale.
Dalia Charafeddine, Patrick Keeler, Howard Rosenstein, Stephen Spreekmeester et Natalie Tannous composent la distribution talentueuse et culturellement diversifiée, incluant des acteurs juifs et palestiniens.
Élevé avec des histoires bibliques sur comment ses ancêtres juifs ont combattu l’oppression et marqué par ses peurs d’enfance à propos de l’Holocauste, le dramaturge Stephen Orlov a commencé à se demander pourquoi les juifs, qui ont fondé l’état d’Israël pour mettre un terme à l’oppression, dépossédaient maintenant des gens qui y vivaient depuis des siècles. Pour Orlov, une pièce chargée politiquement doit être livrée par des personnages qui dépeignent une palette morale allant de la fragilité à la force humaine; des personnages en conflit avec leur époque, leur place et leur culture. “L’appropriation culturelle doit être évitée, mais si les auteurs n’osent pas traverser la division culturelle avec diligence et respect mutuel, nous allons perdre de vue notre objectif visionnaire. Mon rôle en tant que dramaturge est de raconter des histoires qui transforment le politique en personnel. Plus le thème est sérieux, plus je peux utiliser la comédie noire et le côté théâtral, voire par moment surréaliste, pour le livrer,” raconte-il.
Pour le directeur artistique du Teesri Duniya Theatre, Rahul Varma, il n’y a aucun enjeu plus pressant au Canada que celui de cultiver l’harmonie sociale à travers la pléthore de cultures qui fait du Canada leur maison : “Malgré le conflit israélo-palestinien au Moyen-Orient qui apparait compliqué et interminable, Birthmark offre une plateforme de dialogue dans laquelle les diasporas juives et arabes peuvent transformer le conflit politique à l’étranger en une initiative de paix à la maison. Il s’agit d’une histoire locale montréalaise qui adresse un thème global.”
“La force du théâtre est la façon dont le conflit affecte les gens les familles, en permettant à ceux qui sont affectés d’aller chercher une compréhension émotionnelle des enjeux politiques denses,” explique la co-metteuse en scène Michelle Soicher. Elle ajoute “Nelson et Karima sont emplis d’une passion et d’un idéalisme, comme le sont tellement de jeunes. Il y a une immense pression qui repose sur eux de faire quelque chose, d’écrire le prochain chapitre de leur communauté. Ils ont un sens profond de leur histoire, mais ils doivent choisir à quoi ressemblera leur futur.”
“C’est tellement douloureux lorsque vos enfants prennent des décisions dangereuses qui vont à l’encontre de tout ce que vous leur avez appris. Ils s’apprêtent à se lancer dans le vide et il n’y a rien que vous puissiez faire pour les attraper.”—David
Dalia Charafeddine, née au Canada de parents libanais-palestiniens, joue Karima. Birthmark la rejoint à un niveau très personnel: “C’est rafraichissant de voir une histoire qui dépeint l’humanité qui est en train d’être supprimée et perdue dans l’occupation israélienne, qu’elle soit palestinienne, juive ou israélienne. La politique nous oblige à être réduits à des victimes, des ennemis, des oppresseurs…nous devons nous accrocher à notre compassion pour créer un futur plus prospère et paisible. J’espère que le public remettra dorénavant en question ce qu’il lit ou entend dans les médias avant de l’accepter comme vérité. ”
Pour la conceptrice des décors et des costumes, Sabrina Miller, utiliser l’occupation israélienne comme fond à l’histoire parent-enfant est saisissante. Son décor incorpore des formes et une architecture ottomanes et byzantines, de même que des mosaïques, des tons froids et du bois naturel. Elle a peint à la main des textes arabes et hébreux sur les costumes. Le concepteur sonore, Rehan Lalani, a choisi des instruments qui représentent l’héritage des personnages, qui se mélangent ou détonent pour chaque scène. Eric Mongerson est le concepteur d’éclairages et la metteure en scène est Elyse Quesnel.
Birthmark 3 au 18 novembre, 2018
Le théâtre Teesri Duniya au MAI (Montréal, arts interculturels), 3680 rue Jeanne-Mance