La génétique joue un rôle clé dans les préférences alimentaires en influençant la manière dont notre cerveau perçoit les goûts et les textures. Les variations génétiques modifient la sensibilité aux saveurs, ce qui explique pourquoi certains aliments, comme les brocolis, les épinards, les choux, les courgettes, les oignons, sont rejetés par certains enfants. Ces variations affectent les récepteurs du goût et de l’odorat, mais surtout la manière dont le cerveau réagit aux différentes saveurs.
L’alimentation des enfants est souvent compliquée. Les enfants peuvent être « difficiles à table », n’acceptent pas de manger une grande diversité d’aliments en ne tolérant qu’une minime variété. Les légumes représentent, la plupart du temps, le gros point noir. Les parents cherchent alors une explication et tendent à se sentir responsables. Une étude, publiée dans le Journal of Child Psychology and Psychiatry, s’est donc penchée sur le sujet pour trouver l’origine de ce trouble alimentaire.
Ces chercheurs se sont intéressés aux habitudes alimentaires, allant des tout-petits aux adolescents. Ils ont analysé les données de l’étude britannique Gemini portant sur 2400 paires de jumeaux, dont les parents ont rempli des questionnaires sur les habitudes alimentaires de leurs enfants.
Ils ont analysé les différences entre « les vrais jumeaux », partageant 100% de leurs gènes, et les « faux jumeaux » qui n’en partagent que 50%. Un cas d’étude intéressant puisque les vrais jumeaux ont les mêmes génomes et environnements, alors que les autres n’ont que l’environnement en commun.
Leurs résultats montrent que la génétique expliquerait jusqu’à 60 % des comportements alimentaires dès l’âge de 16 mois. Cette proportion augmente avec l’âge, atteignant 74 % à l’adolescence.
En étudiant des jumeaux identiques (monozygotes : ayant le même patrimoine génétique) et non identiques (dizygotes : partageant la moitié de leur ADN), ils ont constaté que ceux partageant les mêmes gènes montraient des comportements alimentaires similaires, alors que les autres avaient moins cette tendance. Ainsi, la sensibilité aux goûts et textures serait innée plutôt qu’apprise.
Ils ont alors constaté que les vrais jumeaux avaient des habitudes alimentaires plus similaires que celles des faux jumeaux, ouvrant la piste de l’explication génétique.
Evidemment, l’environnement joue aussi un rôle, notamment par la façon dont sont pris les repas, en famille ou non, et les aliments consommés par l’entourage. C’est autour de 16 mois que l’influence du cocon familial est la plus forte. Après 7 ans, ce sont davantage les expériences individuelles, notamment auprès des amis, qui prennent de la place en participant à la variation des rapports à la nourriture, donc la construction des habitudes alimentaires.
Malgré l’impact génétique, les parents peuvent tout de même contribuer à l’équilibre alimentaire de leurs enfants en continuant à les inciter à manger une grande variété d’aliments tout au long de l’enfance et de l’adolescence. Même si certains comportements sont innés, il est possible d’encourager une alimentation variée, notamment durant les premières années de vie.
Les bébés comme les enfants plus grands ont une certaine tendance à consommer avec plaisir ce qui est bon pour eux dans le sens de « ce qui les nourrit ». Ils sont attirés par les aliments gras et sucrés. À l’inverse, ils rejettent spontanément les aliments acides et amers. Cette réticence à goûter des aliments nouveaux est la néophobie. Si cette dernière devient trop importante, elle génère une sélectivité, voire une hyper-sélectivité alimentaire. L’enfant concerné ne mange alors qu’un seul type d’aliments, ce qui peut conduire à des problèmes de santé et des carences.
Spontanément, tous les enfants ont la même réaction envers les aliments : Ils ont tendance à consommer toujours le même type d’aliments (gras et sucrés : glaces, gâteaux, bonbons, yaourts… ; – les féculents : frites, pâtes, purées… ; – la viande : poulet et steak). Ils sont attirés par les aliments doux et denses et refusent les aliments forts et peu denses. (Dès 2 ou 3 ans, les enfants savent associer inconsciemment l’aspect de l’aliment et son caractère plus ou moins rassasiant).
La sélectivité se manifeste d’abord par un rejet des aliments peu denses (fruits et légumes) pour peu à peu ne consommer qu’un seul type d’aliment dans les cas les plus graves. L’enfant est pourtant censé consommer des fruits et légumes pour avoir un répertoire alimentaire varié.
Une étude montre que plus le parent est permissif dans l’alimentation de son enfant (fait les courses d’après les goûts de ce dernier, utilise les aliments comme récompense…), plus celui-ci sera sélectif. Pour aider un enfant à être moins sélectif, il faut lui montrer comment faire sans pour autant le contraindre ou l’obliger.
La néophobie est naturelle, c’est l’éducation qui va la modifier et éviter qu’elle se transforme en sélectivité. Plus on présentera l’aliment à l’enfant de manière différente, plus il sera susceptible de le manger à un moment donné. De la même manière, plus on lui montre le bon exemple, plus il sera tenté de le répéter.
Toutefois, il ne faut pas se cristalliser sur l’alimentation et encore moins le forcer (faire attention aux portions proposées et pour éviter de l’obliger à finir son assiette prévoir des quantités moindres…) Il est important qu’un enfant sache écouter sa faim et sa sensation de satiété afin d’autoréguler son alimentation. On peut laisser son enfant ajuster ses consommations sans trop insister pour qu’il mange plus ou moins, il s’autorégulera.
L’enfant comprend très vite le pouvoir qu’il peut exercer sur ses parents grâce à l’alimentation. Du côté parent, on comprendra rapidement aussi qu’il nous est impossible de forcer son enfant à manger. Un enfant qui a une personnalité trop forte, un besoin d’opposition exacerbé, peut développer une sélectivité alimentaire, voire une hyper-sélectivité et nous mettre en échec. Les repas deviennent un combat permanent et une source d’angoisse pour chacun venant aggraver l’impossibilité de partager du plaisir autour de la nourriture. Et plus le parent répond par la contrainte à cette opposition, plus elle s’affirme, et plus le conflit s’aggrave et se cristallise sur l’alimentation et pour longtemps.
Une phobie peut aussi être la cause de sélectivité : la peur de l’étouffement, par exemple une arête de poisson. Cette phobie caractérise un enfant plutôt anxieux, il convient alors de traiter son problème d’angoisse. La sélectivité n’est qu’une conséquence de ce trouble.
Mohand Lyazid Chibout (Iris)