À 80 ans, le monument du cinéma algérien, Merzak Allouache, revient avec Première ligne, son 19e long métrage de sa cuvée, présenté à la 41e édition Vues d’Afrique de Montréal. Ce film s’inscrit de la veine de la comédie de mœurs pour dénoncer les travers de la société. L’intrigue est a priori banale, les querelles pour un emplacement de choix sur une plage mettent en relief, avec un humour hilarant, les tensions sociales et les luttes de pouvoir dans un espace public.
Le soleil, la plage et les parasols à perte de vue ne sont pas pour vanter une Algérie touristique, mais pour dresser un porterait saisissant et réel d’un fragment de la société algérienne et une réflexion sur le vivre-ensemble. Avec autant de référents culturels, comme cette pastèque enfouie dans le sable humide pour rester fraiche sous le va-et-vient des vagues, et en fin observateur de sa société, Merzak Allouache pose un regard critique sur l’usage d’un espace public comme une plage qu’on partage avec les voisins d’une journée. En plus des incivilités sur une plage, en filigrane, le film traite une flopée de phénomènes de société (disputes et rivalités familiales, amours interdits, trahisons conjugales, rêves d’émigration, etc.). Connu pour nous restituer l’essence de la société algérienne avec un ton souvent provocateur, Première ligne n’a pas dérogé à cette approche faisant la renommée de Merzak Allouache. En effet, certaines scènes peuvent heurter dans une société conservatrice et complexe, comme celle où Zohra, accompagnée de son amant, est surprise à la plage par son mari. Contre toute attente, et après un habile jeu de persuasion, les trois finiront par partager la même table. L’on se demande comment sera la réception de cette comédie sociale qui sera dans les salles en Algérie dès le juin prochain.
Le casting est porté par une brochette d’acteurs (Fatiha Ouared, Nabil Asli, Bouchra Roy, Hichem Benmesbah Kader Affak, Idir Benaïbouche…), représentant trois générations de personnages qui se trouvent sur une plage le temps d’une journée estivale. La mise en scène nous entraine dans un tapage comique qui se termine par un chaos indicible. Le burlesque dans cette comédie repose sur le jeu physique des acteurs, notamment leurs ripostes et leurs expressions face à leurs partenaires, mais surtout sur un texte drôle dans un parler algérien cru et succulent! C’est la musique de David Hadjadj et Jérôme Perez qui donne le tempo aux différentes scènes pour accentuer le ton à la fois tapageur et léger du film.
En transformant une simple journée à la plage en un microcosme de la société, Merzak Allouache invite le spectateur à rire, mais aussi à réfléchir sur les comportements qui structurent les rapports humains et sur le vivre-ensemble. Première ligne est une comédie sociale drôle, piquante et profondément ancrée dans la réalité, en captant les contradictions et les absurdités de la société.
Sofiane Idir