Après un premier album coloré, Florence Dupré La Tour, revient avec Confirmée[1] le second volet de sa série autobiographique qui s’intitule Pucelle. Avec un titre aussi évocateurs tel que celui-ci, la bédéiste et autrice française affiche d’entrée de jeu qu’il est question de virginité féminine et du passage de l’enfance à la puberté. Cette période de la vie de Florence qui a été marquante à différents égards, elle la raconte à sa façon à travers la bande dessinée avec un regard distant sur elle-même en y ajoutant zeste d’humour subtil.
Pour ce faire, l’avatar de Flo qui représente Florence dans la BD, se remémore des moments qui ont marqué son enfance. Si Bénédicte la sœur jumelle semblait épanouie, Florence pour sa part manquait cruellement de confiance en elle. Issue d’une famille d’origine chrétienne, Florence a été influencée par la culture du tabou au sein du giron familial. La mère de Florence qui était très pudique a forcément déteint sur le tempérament de sa fille qui n’a eu de cesse que de chercher une forme de sécurité auprès des siens ou auprès des garçons.
Heureusement pour Florence, si la timidité a eu raison d’elle, elle a trouvé à travers le dessin et les conseils de sa mère, une forme d’échappatoire qui lui permet de s’exprimer et de se sentir elle-même.
- Sa mère lui demanda : Dis-moi, qu’est-ce que tu veux faire comme études après le bac ?
- Flo répondit : Je sais pas.
- Sa mère rétorqua : Alors qu’est-ce que tu aimes faire ?
- Flo confia : Dessiner
- Sa mère conclut : Soit. Tu dessineras.
La bédéiste dont le style graphique oscille entre le croquis et la caricature, nous interpelle en parlant des règles, de ce qu’il ne faut pas faire et des rapports sexuels. Elle illustre habillement l’image du cours de sciences naturelles et des rendez-vous ratés avec les garçons. Comme pour exorciser ses angoisses intérieures, elle prend à témoin l’église pour ne pas faire « La Chose » dans un contexte d’interdits et de tabous.
Florence la bédéiste, nous révèle avec des mots et des dessins ce que la moitié de l’humanité peut ressentir. Et elle y arrive tout simplement !
D’ailleurs, il me parait important de me positionner en tant que « lecteur/homme », car je suis interpellé par le courage des femmes qui vivent en silence au rythme du cycle périodique des menstruations avec leurs conséquences sur leur état émotionnel.
En racontant ce que vit son personnage, Florence devient indirectement la porte-parole de toutes les femmes en alignant des dessins aussi touchants que farfelus. Les couleurs chaudes de l’amour et du sexe s’entremêlent habilement avec la palette de dégradés des couleurs rouges, puis elle dispose çà et là, des références auxquels on ne s’attend pas dans un délire euphorique en communiquant avec les personnages qui sont cités dans la Bible, ou en feuilletant le très adulte Rhâa-Lovely du regretté Gotlib.
- Florence cite : Outrée par cet assemblage de sacrilèges (conte de l’enfance et de fornication), je restais hypnotisée par les saynètes obscènes de Marcel Gotlib, en proie à une agitation insensée.
À travers le personnage de Flo, on saisit la violence symbolique des relations hommes/femmes et du poids que représente la virginité dans l’imaginaire collectif dans la société. L’autrice réalise un sans-faute, à l’heure où la question du genre constitue un parmi les nouveaux enjeux des sociétés modernes.
Réda Benkoula
[1] Pucelle – Tome 2. Confirmée | Florence Dupré la Tour (Scénario, Dessin, Couleurs) | Dargaud | 2020 | 232 pages