En 1978, Gloria Steinem a publié l’essai satirique If Men Could Menstruate. Selon l’activiste et féministe américaine, la réponse à cette question servirait de justification au pouvoir des hommes, dans la mesure où « les menstruations deviendraient une manifestation de virilité enviable et dont on peut se vanter ».

Cette analyse critique du patriarcat, a inspiré le journaliste et scénariste Éric La Blanche et la bédéiste Camille Besse qui ont publié chez Le Lombard Si les hommes avaient leurs règles[1],

Cette bande dessinée intemporelle qui égratigne aussi bien les bien-pensants que les religieux, s’inscrit dans la continuité de leur collaboration, puisqu’ils ont déjà publié ensemble aux Éditions La plage La pollution cachée des choses.

Résumé de l’éditeur

Imaginez un monde où, non contents d’édicter les règles, les hommes les auraient ! Un monde où Dieu aurait décidé de partager la douleur pour laver le péché universel : aux femmes celles de l’enfantement, et aux hommes les menstrues. Alors, la face du monde en aurait-elle été changée ? Les rapports homme-femme inversés ? Hem… Comment vous dire… ? Les hommes seront toujours les hommes. Saigner serait vraisemblablement un motif de fierté, voire un marqueur de virilité… Après tout, célébrer les effusions de sang, ça les connaît !

Analyse de l’œuvre

Dans Si les hommes avaient leurs règles, le scénario de La Blanche affiche un second degré bien affirmé, qui se marie efficacement avec les caricatures de Besse.

On traverse ainsi les époques de l’homme des cavernes jusqu’à l’homme moderne déconstruit en quête d’identité. La preuve en images fait sourire, dans la mesure où les propos des personnages sont qui sont tenus par des hommes, permettent d’avoir une toute autre perspective que s’ils étaient tenus par des femmes.

À partir de plusieurs petites histoires de deux ou trois planches, les auteurs nous invitent dans un processus de réflexion et d’introspection critique à l’égard de nos avis qui sont souvent composés d’un amalgame de constructions sociales et d’idées préconçues.

Une histoire de pouvoir

Parmi ces histoires, celle de Calamity John [au lieu Calamity Jane] est représentative du ton volontairement provocateur des deux auteurs français.

Nous sommes en Texas en 1877. Le cowboy Calamity John pénètre violemment dans un « saloon » archicomble. Il commande un Triple whisky.

-Le barman lui demande : Heu… Calamity John, y a un truc qui va pas ?

-Ce dernier lui répond : Non, ça ne va pas Eddy…parce qu’aujourd’hui, tu vois…j’ai mes règles.

Soudain le salon se vide en instant.

L’histoire en images se termine avec la phrase suivante : ce soir, ça allait saigner à Red Town…

On comprend donc que puisque John a ses règles, il n’est pas de bonne humeur. Avec son caractère irritable, il se croit tout permis de faire peur à tout le monde, là où s’il s’agissait d’une femme, on aurait été moins tolérant envers ses états d’âme.

En d’autres termes, lorsqu’une femme est « de mauvais poil », elle a droit à des commentaires désobligeants du genre : c’est parce que tu as tes règles que tu es dans cet état.

On l’a compris, pour une même situation, la réaction et le regard des autres diffère selon que l’on soit homme ou femme. Ainsi, chaque société peut être permissive et intolérante avec chacun des deux genres dans un contexte donné.

À partir de là, les auteurs s’inspirent de situations réelles et n’hésitent pas à détourner des faits historiques pour répondre à travers l’absurde à cette question qui fait autant sourire que réfléchir : que se passerait-il si les hommes avaient des règles ?

Réda Benkoula

[1] Si les hommes avaient leurs règles | Éric La Blanche (Scénario), Camille Besse (Dessin) | Le Lombard | 2022 | 112 pages

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