The Tashme Project: The Living Archives est une pièce de théâtre documentaire soigneusement façonnée sur neuf années. C’est après avoir épluché plus de 70 heures d’entrevues réalisées avec 20 Nisei – les Japonais-Canadiens de deuxième génération–de Vancouver, Toronto, Hamilton, Kingston, Ottawa et Montréal, et à la suite d’une série de lectures dirigées un peu partout au pays que les créateurs, Julie Tamiko Manning et Matt Miwa sont ravis de débuter leur tournée nationale avec cette nouvelle production qui sera montée au Théâtre Centaur. Mise en scène par Mike Payette, la pièce sera à l’affiche au Théâtre Centaur du 15 au 24 novembre. Rencontre avec les artistes après chaque spectacle.
The Tashme Project: The Living Archives retrace l’histoire des Nisei à travers leur enfance, leur internement et leur relocalisation à l’est des Rocheuses après la Deuxième Guerre mondiale. Dans un montage fluide, les voix se mêlent et se répondent, d’une histoire à l’autre, portées par les créateurs de la pièce Julie Tamiko Manning et Matt Miwa, qui racontent des bribes d’une vingtaine de témoignages tout en tentant d’établir une connexion profondément émotionnelle et spirituelle avec les histoires de leurs aînés.
« Ils sont venus à la maison, les policiers à cheval, ont demandé pour Ji-chan. Puis ils sont repartis avec lui. Sans nous dire où ils l’emmenaient. » -Ty
Véritable hommage à la communauté Nisei, à sa langue, à son esprit et à son histoire, c’est une pièce captivante grâce à ces récits d’internement entendus pour la toute première fois. En effet, les Japonais-Canadiens n’ont pas coutume de parler de l’époque de leur détention. Ainsi, ce projet lève le voile, d’une certaine façon, sur leur passé et sur le récit candide de leur expérience d’internement. Au départ réticents, les Nisei ont livré au cours d’entrevues qui se promettaient ne durer qu’une demi-heure, de longs témoignages touchants. Ces récits, drôles par moments, inspirent fierté et admiration.
Bien qu’une génération les sépare – Matt Miwa est Yonsei de quatrième génération, tandis que Julie Tamiko Manning est Sansei de troisième génération – ils ont tous deux exprimé les mêmes inquiétudes quant à leur identité culturelle. « C’est en pensant à notre avenir que nous avons, en tant que créateurs et activistes Japonais-Canadiens, proposé The Tashme Project: The Living Archives, un projet ambitieux visant à définir de manière plus claire et plus intrinsèque les racines de notre héritage culturel », indique Miwa. Il ajoute, en accord avec Manning, que la culture Japonaise-Canadienne contemporaine évolue à une vitesse folle et qu’elle se dilue de bien des façons. Il poursuit : « Le travail de guérison au sein de la communauté Japonaise-Canadienne est loin d’être terminé. »
« JE ME SUIS ARRÊTÉE À PORT ALBERNI OÙ LES MEMBRES DE MA FAMILLE VIVAIENT AVANT D’ÊTRE MARQUÉS AU FER ROUGE ET DÉPORTÉS DE LA RÉGION CÔTIÈRE DE LA COLOMBIE-BRITANNIQUE. ILS ONT LAISSÉ BIEN DES CHOSES DERRIÈRE EUX, DES CHOSES QUI NE NOUS ONT JAMAIS ÉTÉ LÉGUÉES ET QUI N’ONT MÊME JAMAIS EU D’HISTOIRE. DANS MA TÊTE, J’ANÉANTISSAIS TOUTE LA VILLE; JE METTAIS LE FEU À L’EAU; JE M’INFILTRAIS DANS LES MAISONS ET JE REPRENAIS TOUT CE QUI NOUS AVAIT AUTREFOIS APPARTENU.» Julie Tamiko Manning
Par l’entremise de plusieurs opportunités d’ateliers, The Tashme Project: The Living Archives a évolué depuis sa production originale de 2015 au théâtre MAI (Montréal, arts interculturels) avec des améliorations significatives faites à son texte et au jeu des acteurs. Cette fois-ci, les créateurs ont approché les répétitions et la création selon une perspective collaborative et non d’un point de vue hiérarchique. Pour atteindre leur but, Manning et Miwa ont accueilli un nouveau metteur-en-scène, Mike Payette et une dramaturge de mouvement, Rebecca Harper pour les aider à creuser plus en profondeur dans la nature des souvenirs tout comme le coût de “se rappeler” qui est si envahissant dans les témoignages des interviewés. Payette est un des metteur-en-scènes les plus talentueux et en demande dans le milieu du théâtre anglophone Canadien qui a, depuis peu, pris la direction artistique de Geordie Productions (théâtre jeunesse). Harper est une professeure de mouvement de l’École nationale de théâtre du Canada et a travaillé au Stratford Festival. Son attention à la précision physique conjuguée avec l’esprit fin et la nature douce de Payette (en collaboration avec leur volonté et enthousiasme à travailler côte-à-côte avec Manning et Miwa en tant qu’équipe collaborative) est un grand pas en terme de l’exploration de ce matériel sensible et le respect et le profond amour que Manning et Miwa portent pour celui-ci.
Les créateurs ont aussi amélioré la dimension esthétique de la production, de sorte à mettre en relief leur exploration des notions liées à la mémoire et à la nostalgie. La conception vidéo est assurée par George Allister et Patrick Andrew Boivin. Patrick est également le compositeur sonore du projet. Le décor de James Lavoie met en vedette une installation texturée composée de verre brisé réfléchissant; James a aussi fait les costumes. Le travail de l’éclairagiste David Perreault Ninacs supporte quant à lui le tracé émotionnel de la pièce. La régisseure est Isabel Quintero Faia.
Manning et Miwa sont très fiers de présenter The Tashme Project: The Living Archives une autre fois à Montréal avant d’embarquer dans leur tournée nationale de 2019. The Tashme Project: The Living Archives sera présenté lors de la saison 2018-2019 du théâtre Factory à Toronto et au Firehall Arts Centre à Vancouver.
The Tashme Project: The Living Archives – Tashme Productions au Théâtre Centaur, 453 rue St. François-Xavier – du 15 au 24 novembre – Mercredi-samedis à 20h30, samedis et dimanche le 18 à 14h30.