Don Juan, héros mythique, a perdu de sa superbe. Il revient dans son pays vaincu, marqué par des bouleversements sociaux et un monde en pleine mutation. Sur sa route, il rencontre 35 personnages féminins qui n’apparaissent qu’une ou seulement quelques fois avant de disparaître. Avec son découpage cinématographique et ses 24 tableaux, la pièce présente une multiplicité de scènes formant une fresque au souffle épique.
Le Groupe de la Veillée donne voix à Ödönvon Horváth, auteur incontournable de la dramaturgie du XXe siècle et c’est Florent Siaud, qui avait dirigé Illusions d’Ivan Viripaeven 2015,qui raconte cette fois l’errance de ce héros désenchanté.
Le Don Juan de von Horváth et ses spectres féminins
Avec ses 35 personnages féminins, le monde que nous présente cette pièce embrasse tous les visages d’une Allemagne en perte de repères et qui fuit en avant, comme notre Don Juan courant vainement après un idéal dont il ignore qu’il a disparu. Il cherche obstinément la jeune fiancée qu’il a jadis abandonnée et l’entrevoit partiellement dans toutes les femmes qui croisent sa route – une artiste, une veuve, une prostituée, une serveuse …
La portée politique du texte à la lumière de l’actualité
Doté d’une sensibilité lucide et visionnaire, von Horváth nous rappelle qu’un peuple est une communauté d’êtres humains, d’aspirations, de trajectoires subissant les conséquences des crises sociales et économiques et qu’il convient de le penser dans cette complexité. Il invite ainsi à avoir une approche humaine de l’Histoire : les catastrophes historiques viennent des souffrances accumulées dans l’intime. Cette réflexion sur la façon dont l’individu et le peuple sont interdépendants est plus que jamais d’actualité. Pour Florent Siaud, on constate bien qu’aujourd’hui, les grandes démocraties occidentales n’écoutent plus suffisamment la réalité des classes populaires, se rendant sourdes aux tragédies invisibles de la vie quotidienne.
Ödönvon Horváth
Fils d’un diplomate austro-hongrois, Von Horváth passe son enfance balloté entre différents pays d’Europe. Après ses études à Munich, il se consacre à l’écriture et s’installe à Murnau puis à Berlin où il obtient en1931 le prix Kleist, plus haute distinction dans le domaine théâtral de l’époque, pour Légendes de la forêt viennoise. Bien que sa popularité ne cesse de croître, l’engagement politique de ses pièces suscite la colère du régime nazi. Qualifié d’ « auteur dégénéré », il est contraint à l’exil. Il rejoint alors Vienne où il achèvera certaines œuvres majeures dont Figaro divorce, Don Juan revient de guerre, Le Jugement dernier, avant de fuir la ville. Après une période d’errance à travers l’Europe, il mourra accidentellement à Paris, tué par la chute d’une branche en face du théâtre Marigny.
Pour sa toute nouvelle production, Le Groupe de la Veillée a réuni une imposante équipe d’artistes. À la barre, Florent Siaud, metteur en scène finaliste aux Prix de la critique de l’AQCT, s’est entouré de concepteurs qui l’accompagnent dans la plupart de ses mises en scènes. Il dirige des interprètes que nous aurons plaisir à retrouver et d’autres à découvrir : Evelyne de la Chenelière, Kim Despatis, Maxim Gaudette, Marie-France Lambert, Danielle Proulx, Évelyne Rompré, Mylène Saint-Sauveur.
Don Juan revient de la guerre
Du 28 février au 25 mars 2017
Scénographie et costumes Romain Fabre
Éclairages Nicolas Descoteaux Conception sonore Julien Éclancher
Vidéo David Ricard Assistance aux costumes Catherine Goerner Potvin
Assistance à la mise en scène Valéry Drapeau
L’Arche est agent théâtral du texte représenté arche-editeur.com