Intervention de M. Ali Benflis, Président de Talaie El Hourriyet, à l’occasion de la célébration de la Journée Internationale de la Femme
Mesdames et Messieurs les membres du Bureau Politique,
Mesdames et Messieurs les membres de Secrétariat National,
Mesdames et Messieurs les membres du Comité Central,
Chères militantes et chers militants,
Mes chères concitoyennes, mes chers concitoyens.
Talaie El Hourriyet ont instauré une belle tradition en s’associant chaque 8 Mars à l’ensemble des algériennes dans la célébration de la journée internationale de la femme. En cette occasion, au nom du parti, au nom de l’ensemble de ses militants et en mon nom personnel, j’adresse à toutes nos militantes et à toutes les citoyennes mes félicitations fraternelles les plus chaleureuses en souhaitant à la noble cause qu’elles défendent et que nous défendons avec elles davantage d’accomplissements et d’acquis.
Cette tradition que nous avons instaurée ne relève pas simplement de l’ordre du symbolique.
Elle n’est pas un simple geste de circonstance. Elle n’est pas seulement une date que nous voulons marquer à vos côtés parce que l’action politique d’un parti l’exige par bienséance et par courtoisie.
La cause de la femme algérienne est trop grande pour nous et elle ne peut être réduite à nos yeux au domaine de la symbolique. La cause de la femme algérienne est trop centrale dans notre projet politique pour que nous puissions la considérer comme un simple sujet parmi d’autres sur lequel nous nous devons de prendre position. La cause de la femme est trop déterminante pour tout projet de société pour être traitée comme une banale revendication catégorielle qu’un parti ne fait pas plus que l’appréhender comme toutes les autres revendications catégorielles.
Notre parti est porteur d’un projet politique et d’une alternative politique dont les fondements, l’essence et la raison d’être résident dans la modernité politique, dans la rénovation économique et dans la reforme sociale.
La modernité politique que nous envisageons comme horizon pour notre pays ne s’accomplira pas sans la contribution indispensable de la femme algérienne à sa réalisation.
La renovation économique perdrait beaucoup de ses moyens, de ses capacités et de ses ressources sans l’implication de la femme algérienne pour en amplifier le dynamisme et la performance.
La reforme sociale n’en serait pas pleinement une si elle n’intégrait pas la femme algérienne comme une composante à part entière nécessaire à l’équilibre, à la cohésion et à l’harmonie de notre société.
L’Algérie est une vielle nation qui s’est construite, génération après génération, siècle après siècle et millénaire après millénaire par l’endurance, la résistance et la résilience des algériennes et des algériens. Dans la construction de cette nation, les algériennes ont assumé toute leur part et c’est à toute leur part qu’elles ont droit dans l’Algérie d’aujourd’hui et dans l’Algérie de demain.
L’Algérie est une terre qu’à travers les âges, les algériennes et les algériens, sans distinction indue ont su protéger, défendre et préserver, hier, contre toutes les formes d’occupation, d’oppression et de spoliation. Et de la même manière, c’est aux algériennes et aux algériens sans distinction indue qu’il revient de bâtir l’Algérie d’aujourd’hui que nous voulons, l’Algérie à laquelle nous aspirons, l’Algérie dont nous rêvons et l’Algérie que nous portons tous au plus profond de nos cœurs.
L’Algérie est un Etat qui a pu connaitre des éclipses, mais comme toutes les éclipses, celles-ci n’ont duré qu’un temps et ce sont les algériennes et les algériens qui ont fini par imposer la liberté, la souveraineté et l’indépendance de notre patrie. Les algériennes ne se sont jamais exonérées de leurs responsabilités et de leurs devoirs au moment des grandes épreuves pour leur Etat national et, aujourd’hui, qu’il s’agit de préserver et de consolider cet Etat national comme notre acquis commun le plus précieux, les algériennes ont les mêmes responsabilités et les mêmes devoirs qu’elles partagent avec l’ensemble des algériens.
Mesdames et Messieurs,
J’ai rappelé, il y a un instant, les trois piliers sur lesquels reposait notre projet politique et notre alternative politique : la modernisation de notre système politique, la rénovation de notre système économique et de profondes reformes sociales visant à mettre la société algérienne en harmonie avec son environnement et avec son temps.
Je n’ai aucun doute que vous conviendrez tous avec moi que la modernisation de notre système politique est la condition impérative de tout le reste.
Sans la modernisation de notre système politique, il n’y aura pas d’Etat de droit.
Sans la modernisation de notre système politique, il n’y aura pas de rénovation économique.
Et sans la modernisation de notre système politique, il n’y aura pas de réforme sociale.
Lorsque nous parlons de modernisation de notre système politique, nous ne parlons pas de l’impossible. Nous ne parlons pas de choses trop sophistiquées ou trop complexes pour être à notre portée. Nous ne parlons pas d’objectifs absolument inatteignables. Non, nous parlons de choses simples, de buts que nous pouvons nous fixer et d’objectifs que nous pouvons atteindre ; des buts et des objectifs que beaucoup d’autres nations du monde ont réalisés et qui expliquent leur grande avance sur nous ; et des buts et des objectifs que nous avons failli à réaliser et qui expliquent tous les retards politiques économiques et sociaux que notre pays accumule, toutes les occasions qui se présentent à lui et dont il ne tire pas profit et toute l’impasse totale et globale à laquelle il est actuellement confronté.
Ces choses simples, ces buts atteignables et ces objectifs réalisables s’incarnent, avant tout, dans les libertés et les droits qui restent limités au strict minimum présentable, au-dedans comme au dehors, dans la citoyenneté vidée de son sens et de sa substance et de l’Etat de droit dont l’édification attend toujours.
Malheureusement, sur tous ces plans, les algériennes et les algériens sont sur un strict pied d’égalité.
Les droits légitimes des algériennes et des algériens sont ignorés ou méprisés de la même manière tout comme sont brimées ou réprimées de la même manière les libertés que leur garantissent pourtant la Constitution, les lois de la République et même les engagements internationaux de l’Etat algérien. Et de fait , les algériennes et les algériens sont égaux dans la négation de leurs droits politiques qui relèvent d’un monde virtuel mais certainement pas de celui dans lequel ils vivent réellement.
Et de fait, aussi, les algériennes et les algériens sont égaux dans la négation de leurs droits civiques parce qu’ils partagent la même citoyenneté limitée dont le régime politique en place ne tolère l’exercice que dans le sens qu’il veut, dans les conditions qu’il lui dicte et pour les seuls bénéfices qu’il escompte en tirer.
Et de fait, enfin, les algériennes et les algériens sont égaux dans la précarité de leurs droits économiques et sociaux qui sont indexés sur la part de la rente que le régime veut bien leur réserver et qui fluctuent au gré de l’évolution de cette rente. Les droits économiques et sociaux des algériennes et des algériens ne sont donc pas des attributs naturels de la citoyenneté mais seulement des variables d’ajustement pour la tranquillité du régime politique en place.
L’algérienne tout comme l’algérien sont l’objet d’un même déni de citoyenneté car l’immense majorité des algériennes et des algériens partagent les mêmes humiliations, les mêmes outrages et le même mépris que leur fait subir une sous-citoyenneté conçue par le régime politique en place pour être un rempart contre des algériennes et des algériens qu’il persiste à considérer comme encore immatures, encore inconscients et encore irresponsables pour jouir d’une citoyenneté pleine et entière.
Oui, voila la vérité banale et cruelle à la fois : le régime politique en place semble nous dire que la citoyenneté pleine et entière est une affaire trop sérieuse pour être reconnue comme telle à des algériennes et à des algériens qu’il ne voit que comme politiquement mineurs et donc inaptes ou incapables d’exercer l’intégralité de leurs droits, de choisir librement leurs gouvernants, d’évaluer leur performance, de juger le soin qu’ils prennent des affaires publiques, de les contrôler, de mettre en cause leur responsabilité, de leur demander des comptes et de leur accorder ou de leur retirer leur confiance.
Les algériennes et les algériens sont, à égalité, victimes de l’absence de l’Etat de droit dans notre pays. La première mission de l’Etat de droit est d’encadrer la société par la Constitution et les lois qu’il doit être le premier à respecter de manière exemplaire pour pouvoir les faire respecter par l’ensemble des citoyennes et des citoyens.
L’on entend dire que l’Etat peut violer la loi s’il ne se sent pas suffisamment protégé. Un Etat digne de ce nom ne se met jamais lui-même hors la loi et, a fortiori, ne se déclare jamais lui-même hors la loi. Si l’Etat ne se sent pas suffisamment protégé, il n’à fouler aux pieds ni la Constitution ni les lois ; il n’a qu’à changer la Constitution et les lois pour assurer la protection qui lui est due. Un Etat qui reconnait être au dessus des lois perd toute autorité pour exiger des gouvernés le respect de ces mêmes lois dont il conçoit l’application comme modulable c’est-à-dire imposable à certains et pas à d’autres et contraignantes pour certains et pas à d’autres.
Le respect de la loi et son application égale pour tous cessent d’être entre de bonnes mains dès lors qu’ils sont livrés aux humeurs et aux caprices des hommes.
C’est face aux crises qui peuvent l’affecter que l’Etat de droit se distingue de l’Etat de non droit et c’est face aux grandes épreuves que l’Etat de non droit révèle son vrai visage.
Le régime politique en place à façonné l’Etat à son image. Ce régime politique ne conçoit l’Etat, ses institutions et tous ses autres moyens que comme un instrument à sa disposition pour lui permettre de survivre et de durer.
Ce régime politique sait qu’il porte la responsabilité pleine et entière dans l’impasse politique vers laquelle il a conduit le pays, dans la crise économique qui s’aggrave sans la moindre lueur d’une riposte à l’horizon et dans la déstabilisation sociale qui monte en cadence et qui mène tout droit au saut dans l’inconnu.
L’ère de la rente abondante semblait ne pas avoir de fin mais elle a pris fin et avec elle la possibilité de juste payer pour le règlement des problèmes. La paix sociale ne peut plus s’acheter. Et tous les problèmes politiques, économiques et sociaux que les ressources financières coulant à flots aidaient à cacher font surface dans une concomitance qui amplifie leur complexité et leur gravité.
Sans la rente entre ses mains, le régime politique en place ne peut plus donner de lui-même l’image avenante, généreuse, accommodante et complaisante comme le lui permettait une conjoncture énergétique mondiale exubérante mais qu’elle ne lui permet plus.
Et c’est donc le visage violent, oppressif et répressif du régime politique qui s’expose à nos yeux.
Cette violence, cette oppression et cette répression ne font pas de différence entre les algériennes et les algériens qui entendent exercer leurs droits et jouir de leurs libertés d’une manière qui trouble la quiétude du régime politique en place et qui contrarie les desseins qu’il forme pour lui-même et pour lui seul et non pour le pays, tout le pays.
Tout ce qui dérange l’ordre établi et l’inertie et l’immobilisme sur lesquels il repose n’est ni acceptable ni tolérable pour le régime politique en place. Pour ce régime, la moindre demande de changement est un défi insupportable. Toute critique vaut à ses auteurs d’être tenus pour des suppôts stipendiés de l’étranger. Toute opposition devient assimilable à un acte anti- national et anti- patriotique.
Et c’est ainsi, que les algériennes et les algériens qui constituent les forces vives de la Nation deviennent des cibles pour le régime politique en place.
Le syndicaliste qui revendique le pluralisme syndical comme un droit constitutionnel est frappé d’ostracisme et d’exclusion. Le défenseur des droits humains est un banni. Le journaliste indépendant est en liberté surveillée. Lorsqu’ils manifestent pour la reconnaissance de leurs droits même nos professeurs, nos médecins et nos étudiants, ces membres éminents et respectables de notre élite d’aujourd’hui et de demain font l’objet d’une maltraitance physique inadmissible et condamnable. Même les activistes sur les réseaux sociaux n’échappent pas à la vindicte du régime politique en place qui s’exprime par des poursuites judiciaires et même par l’incarcération.
La violence, l’oppression et la répression du régime politique en place prend d’autres formes, beaucoup d’autres formes qu’il n’est difficile de recenser, ici, de manière complète et exhaustive.
Mesdames et Messieurs,
Le régime politique en place survit dans notre pays avec une culture politique et une mentalité d’un âge révolu sans même qu’il en prenne conscience.
Cette culture politique et cette mentalité politique sont celles de la pensée unique et de l’action unique. C’est la culture hautaine et la mentalité dédaigneuse de ceux qui croient être les seuls à être dans le vrai et que tous les autres sont dans le faux. C’est la culture pleine de suffisance et la mentalité pleine de mépris de ceux qui pensent beaucoup à l’exercice du pouvoir comme un droit et un privilège irrécusables et très peu à la construction de l’Etat, au raffermissement de la cohésion de la Nation et à l’équilibre, à la quiétude, à l’harmonie et à l’épanouissement de la société.
Il n’y a pas de sortie de l’inertie et de l’immobilisme que par la voie du changement et du renouveau. Il n’y a pas de rupture véritable avec un ordre non démocratique que par l’avènement d’un ordre démocratique authentique.
Il n’y a d’alternative à l’Etat de non droit que celle portée par l’Etat de droit, des institutions de droit et des règles de droit respectées par tous.
Et il n’y a de substitut à la citoyenneté limitée que dans une citoyenneté pleine et entière par laquelle toutes les algériennes et les algériens se réapproprieraient l’intégralité de leurs droits et de leurs libertés dans un Etat de droit qui serait le leur et qui leur restituerait la citoyenneté dont ils ont été dépossédés et dont la repossession est au cœur de la modernité politique à instaurer et de l’alternative démocratique à bâtir.

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