Retrouver les sens perdus du mot « économie » pour lui redonner ses lettres de noblesse. N’est pas économie ce qu’on croit !
Avant que la corporation des économistes n’en monopolise abusivement le sens et la portée, le mot « économie » a reçu plusieurs significations du domaine des sciences, des arts et de maintes pratiques sociales. N’est pas économie ce qu’on croit. Cette collection d’ouvrages semestriels vise à restaurer les différentes acceptions du terme « économie » et à en faire valoir toute l’actualité, pour ensuite synthétiser ces usages dans une définition conceptuelle, en lieu et place de celle, idéologique, qui s’est imposée à nous.
L’économie de la nature est apparue dans le vocabulaire des sciences de la nature au XVIIIe siècle, bien avant que le néologisme écologie ne s’impose à nous plus d’un siècle et demi plus tard. Chez Carl von Linné, Gilbert White ou Charles Darwin, il apparaît comme une pensée des relations entre espèces au vu du climat, du territoire et de leur évolution. Cette notion d’économie, d’abord empruntée au champ de la théologie, développe son autonomie en tant que pensée des articulations des espèces, incluant les êtres humains, en un réseau d’interactions incommensurables et impondérables. Les premiers « économistes », ou les « physiocrates », s’y référeront pour fonder une science de l’agriculture subordonnée à de prétendues lois du marché, qui en détournera le sens. Si le terme « économie » ne s’était pas trouvé dévoyé par de prétendus « économistes », jamais celui d’écologie n’aurait eu à s’inventer.
L’économie de la foi. Administrer des biens comme des organisations ne relève pas d’actes qui se suffisent à eux-mêmes. Ils procèdent d’un principe supérieur. Une profession de foi, quelle qu’en soit l’obédience, est de rigueur pour fonder un principe qui confère de la cohérence aux menus gestes par lesquels nous nous structurons tous les jours. Ce faisant, l’acte de foi se trouve à produire cette autorité abstraite, celle-là même qui lui confère de la consistance et la rend pérenne. À ce rapport interactif, les Pères de l’Église ont donné le nom d’économie. Une économie de la foi, qui fonde notre matrice institutionnelle depuis le début de notre ère, jusqu’à aujourd’hui, désormais par-delà les cercles de la religion. Elle relève d’une gravité et d’une profondeur que la science économique moderne n’arrive en rien à imaginer.
Alain Deneault, docteur en philosophie de l’Université Paris-VIII, est notamment l’auteur de Noir Canada (Écosociété 2008), Offshore (Écosociété / La Fabrique 2010), Paradis sous terre (Écosociété / Rue de l’Échiquier 2012), « Gouvernance » (Lux 2013) et Paradis fiscaux. La filière canadienne (Écosociété 2014).