Le Québec est en voie de rater ses cibles de réduction des émissions de GES. Même les actions les plus audacieuses en matière d’électrification des transports risquent d’être insuffisantes, tranche l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques. Dans une brochure publiée aujourd’hui, l’Institut fait le point et conclut qu’il faut dès maintenant modifier notre système économique en initiant une transition écologique juste. Dans le cas contraire, l’ensemble de la population sera affectée par les changements climatiques et la détérioration des écosystèmes, les personnes moins nanties au premier chef, générant une nouvelle croissance des inégalités socioéconomiques.
Des cibles manquées
Malgré la pandémie, tout indique que le Québec n’atteindra pas ses cibles de réduction des GES. « Ça nous rappelle que la crise climatique doit constamment être un enjeu de premier plan », souligne Julia Posca, co-autrice de la brochure et chercheuse à l’Institut. En 2017, le Québec avait diminué ses émissions de GES de seulement 8,7 % par rapport à 1990, et des calculs préliminaires montrent que les émissions étaient à nouveau à la hausse en 2018 par rapport à l’année précédente. Or, le plan québécois de lutte contre les changements climatiques mise sur une réduction de 20 % pour 2020 par rapport à 1990, et de 37,5 % pour 2030.
« On n’y arrivera pas pour 2020. C’est pourquoi il faut agir rapidement pour 2030. », commente la chercheuse. « Si le gouvernement veut atteindre ses cibles, Québec doit donner un important coup de barre ». Bien que ce soit la province la moins polluante au pays, le Québec produit presque deux fois plus de CO2 par habitant que la moyenne mondiale.
La transition écologique juste, c’est quoi et pourquoi ?
Bertrand Schepper, co-auteur de la brochure, présente la transition écologique juste comme piste de solution. « Le capitalisme tel qu’on le connaît n’est simplement pas viable. Il est urgent de transformer la structure industrielle du Québec pour se sortir des industries polluantes tout en réorientant les travailleurs et les travailleuses affectés. » L’étude de l’IRIS conclut qu’il s’agit de la seule manière de conjuguer les principes d’écologie et de justice sociale. Pour ce faire, l’État doit mettre à contribution les communautés dans l’élaboration d’une démarche de transition.
Les chercheurs ont recensé, à titre d’exemple, les dix industries les plus polluantes au Québec. Les trois premières : les pâtes et papiers, la fabrication de pesticides et d’engrais et la fabrication de produits du pétrole et du charbon. « Si on continue comme si de rien n’était, ces industries pourraient péricliter, comme c’est le cas pour l’industrie albertaine des sables bitumineux, qui fait face à une baisse des investissements et de la demande. Entreprenons dès maintenant un chantier de restructuration de notre économie », propose M. Schepper.
Une action gouvernementale nécessaire
Le mois dernier, l’Institut s’est engagé à étudier les politiques environnementales en s’assurant de deux choses : d’une part qu’elles soient efficaces, et d’autre part, qu’elles évitent de creuser les inégalités. « Nous constatons que le gouvernement mise beaucoup sur l’électrification des transports, mais ne propose pas une vision d’ensemble », remarque Julia Posca. « On compte 85 000 emplois généralement situés hors des grands centres dans les dix industries les plus polluantes. Il faut une stratégie ambitieuse pour ces travailleurs et travailleuses et pour l’ensemble des Québécois et Québécoises », conclut Mme Posca.
La brochure Qu’est-ce que la transition juste ? a été réalisée dans le contexte du choix annuel de sujet de recherche des membres et partenaires de l’IRIS.