Si Noureddine Mhakkak en composant son recueil Chants d’Orphée[1] est allé nous arracher à notre léthargie et à notre prosaïsme, on sera en droit de dire que son entreprise, bénie des neuf sœurs, a merveilleusement réussi.
Grâce au sortilège des mots, de la poésie, l’homme dépasse en cela les dieux et nous en avons en cela la preuve poétique. Là où Orphée échoue à faire sortir Eurydice de l’Hadès, notre poète use de sa virtuose du verbe pour réussir sa mission poétique. Amant des hommes, le poète poursuit dans une quête incessante la poésie dans la prose. Une poésie voluptueusement inspirée et qui va chercher sa matière dans le quotidien, ce triangle de Bermudes des hommes. Dans le droit fil de Baudelaire, c’est dans les choses simples, quotidiennes que la poésie est recherchée, traquée, saisie dans son envol.
Grâce à l’imagination brillante, à l’instinct poétique et à l’émotion pure, le poète évoque tour à tour les thèmes qui meublent et souvent de manière déconcertante notre prose quotidienne, pour se livrer à une heureuse alchimie. Les peines que les hommes subissent dans une demi-conscience deviennent alors sources de félicité grâce à une réelle force de la magie poétique. Et pour réussir la gageure, il a fallu une force et une audace réelles pour se dégager des vieilles ornières.
Le poète est ainsi mû par le souci de l’homme. Tous les hommes auxquels il s’identifie pour les éveiller à ce qui forme l’essentiel de leur unité : la beauté de l’art et de la nature, la fête et surtout la beauté de la femme. Les accents lyriques portent le lyrisme au niveau de l’universel. Telle est la condition pour faire face à la nuit de la médiocrité, sauver la beauté et s’arracher à sa propre finitude, jadis celle d’Eurydice pour Orphée, et aujourd’hui l’homme moderne pour le poète, qui est le propre de cette poésie légère et grave, une poésie de sens profondément métaphysique.
Mustapha Guiliz
[1] Les Chants d’Orphée. Noureddine Mhakkak. Éditions Mille Poètes LLC / Delaware. USA. 2009
