« Chavela » est le diminutif d’Isabelle. Isabelle Vargas est née en 1919 au Costa Rica. Elle va devenir Chavela dans les années 1940 au Mexique. Elle a grandi dans une société très conservatrice et au sein d’une famille très autoritaire. Pour lutter contre ça, elle a été considérée « la rebelle ». Elle n’était pas rebelle. Elle était lesbienne. Et ça, c’était inacceptable à l’époque.
Elle étouffait. Elle a donc pris son courage à deux mains et elle est partie pour le Mexique.
Souligner cette période de sa vie est très important puisqu’elle l’a marqué. Sa voix forte comme mélancolique porte en elle ses luttes et ses souffrances. Paradoxalement, c’est seulement sur scène où Chavela Vargas se sentait vivante et libre. La liberté a précisément été le leitmotiv de sa vie. Une vie passionnante.
Signé par Catherine Gund et Daresha Kyi, le documentaire est émouvant du début à la fin. On y raconte l’histoire de cette icône culturelle du Mexique. On y apprend au fil des entrevues et des témoignages sur sa carrière, sa vie bohème, ses amantes et ses peurs. On comprend aussi que la culture est politique. Chavela ne s’est jamais ouvertement revendiquée lesbienne, mais elle a toujours défendu cette cause de par sa personnalité et de par sa performance sur scène.
Elle a en effet réussi à se tailler une place dans un monde d’hommes. Dans les années 1940, le monde de la musique ranchera appartient aux hommes. « Ranchera » vient de « rancho », une propriété terrienne moyenne et exploitée généralement par la famille. Après la révolution mexicaine de 1910 et sa réforme agraire, le mot sera investi d’un autre sens: la musique ranchera traduit alors une réaction populaire face aux modèles aristocratiques qui prédominaient jusque-là dans la société mexicaine. Les chansons parlent des hommes et de leurs peines amoureuses, parfois très douloureuses. Tellement douloureuses qu’ils ont souvent besoin de les noyer dans l’alcool. Chavela est arrivée dans ce monde, et elle a parlé aux femmes en portant un pantalon comme un homme. Tout un bouleversement.
Chavela s’est ensuite appropriée des rancheras et en a conçu un genre sui generis juste pour elle. En somme, le documentaire est un récit passionnant sur une femme exceptionnelle raconté avec brio.
Le documentaire Chavela Vargas a été présenté en première québécoise au 9ème Festival du cinéma latino-américain de Montréal (FCLM) 2018.
Chavela Vargas de Catherine Gund et Daresha Kyi; documentaire; Mexique/Espagne; Année : 2017; Version originale en espagnol avec sous-titres en anglais; Durée : 93 minutes.
Eduardo Malpica Ramos