Auteur d’une trentaine de romans, Mohammed Moulessehoul connu sous le pseudonyme Yasmina Khadra vient de publier Cœur d’amande[1]. Cette nomination qui provient d’un gâteau connu en Algérie donne toute la valeur au personnage principal qui s’avère être un nain.

Rejeté par sa mère à cause de son aspect physique, Nestor a trente et un ans, vit avec sa grand-mère à Montmartre, rue de Steinkerque. Alors qu’il travaillait dans un magasin de chaussures, le patron l’a licencié. Démuni, il s’est replié sur lui-même. C’est dans cet état que la réalité prend tous ses droits. Nestor prend conscience de ses faiblesses et se focalise sur sa petitesse. Mais tout réside dans une seule pensée : « On est qu’une idée, mon gars, une seule et unique misérable saloperie d’idée. L’idée que l’on se fait de soi ou bien l’idée que les autres se font de nous » p. 208. 

Le miroir n’est pas le reflet de l’autre

À la lecture de cœur d’amande, les pensées se dirigent vers le roman L’olympe des infortunes. Le concept de l’intertextualité interne est aisément perceptible. En effet l’esprit philosophique domine. Il montre qu’un être humain peut être prisonnier de l’image qu’il se donne de lui-même. En ne réussissant pas à se défaire du reflet négatif, l’homme reste coincé, incapable de se hisser. Il devient le constructeur de son propre cachot. Au milieu de l’obscurité, il tisse le pessimisme avec le fil du désespoir. Seulement il ignore qu’il est la seule, et l’unique personne, qui peut le libérer de ses complexes. C’est à lui de fournir l’effort requis pour ne pas rester bloqué dans un monde qui n’a aucune pitié pour les gens malheureux. D’où provient le malheur si ce n’est par un laisser-aller quotidien ? D’où provient la peine si ce n’est par l’échine courbée qui refuse de se redresser ? D’où émane la misère si ce n’est par le refus de prendre sa vie en main ? C’est autour de ces idées que le roman oriente la lecture. Accorder le physique d’un nain au personnage principal est pertinent dans la mesure où, être petit donne toutes les chances de grandir. Dans ce cheminement les rencontres aident au renvoi à soi.

Qu’est-ce qui a permis à Nestor d’attirer l’attention vers lui ? C’est le fait d’avoir eu un projet, celui d’écrire un roman. Le succès a fait oublier sa forme physique pour céder la place à la joie qui ne demande qu’à être partagée.

Ne tombent du ciel que la pluie et la neige quant au succès, il résulte de la sueur produite par le labeur. C’est lui qui rappelle que l’apparence n’a point d’importance. 

Lamia Bereksi Meddahi

[1] Cœur d’Amande | Yasmina Khadra | Ed/Mialet Barrault | 2024 | 313 pages

By Lamia Bereksi Meddahi

Lamia Bereksi Meddahi est l’auteure de la première thèse de doctorat sur le dramaturge algérien Abdelkader Alloula. Elle a publié La famille disséminée, Ed/marsa, 2008, une pièce de théâtre Dialogues de sourds, Ed/L’harmattan, 2014. Elle enseigne à l’université Paris XII et se consacre à la littérature maghrébine ainsi que le théâtre dans le monde arabe. Depuis 2014, Lamia est membre de l’équipe éditoriale au journal L'initiative.

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