Dans un contexte inflationniste galopant (taux d’inflation est de 6,9% en septembre 2022, Statistique Canada), alors que le pouvoir d’achat des Canadiens subit une érosion effrénée (salaire horaire moyen s’est accru de 5,2% d’une année à l’autre en septembre 2002, Statistique Canada), les entreprises canadiennes ont réalisé des profits record, conclut une étude de l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS, août 2022).

En effet, les profits des entreprises canadiennes ont augmenté de plus de 10% au cours des quatre derniers trimestres, ce qui représente une rondelette somme de 91 milliards de dollars de bénéfices nets supplémentaires. Au premier trimestre 2022, les bénéfices nets des entreprises canadiennes ont atteint un sommet historique, représentant 18,8 % du PIB.

Il appert de cette étude que la croissance de la marge de profits des entreprises est bien supérieure à celle des salaires, ce qui explique une part de l’inflation actuelle. Selon ladite étude, les profits des grandes chaines d’alimentation, qui détiennent 80% du marché des produits alimentaires, ont plus que doublé au cours de la dernière année en engrangeant plus de 36 milliards de dollars de bénéfices nets supplémentaires, alors que la hausse des prix de l’épicerie a atteint 11,4% en septembre 2022 (Statistique Canada).

Comment les entreprises profitent de l’inflation pour engranger des profits élevés ?

En effet, la tendance à long terme de l’inflation est toujours déterminée par la loi de l’offre et de la demande. Une demande excédentaire pousse l’inflation à la hausse, et inversement, une offre excédentaire fait baisser l’inflation. Mais cette tendance à long terme (inflation sous-jacente) est affectée par des fluctuations temporaires occasionnées par des facteurs conjoncturels (conflits géopolitiques, goulots d’étranglement, perturbations des chaines d’approvisionnement, demande refoulée de la pandémie…), qui accélèrent la hausse de l’inflation et sa généralisation, tel un effet d’une métastase !  Dans une telle situation, les entreprises anticipent la hausse de l’inflation, et par conséquent, l’accroissement de leurs coûts, et procèdent ainsi à l’augmentation des prix de leurs produits pour y faire face. Mais ces augmentations dans certains cas peuvent être plus qu’un ajustement des prix pour faire face à la hausse des coûts pour devenir une occasion en or d’engranger des profits importants, d’autant plus que l’économie est en surchauffe, « boostée » par une demande refoulée se rattrapant après la pandémie et une épargne pléthorique. En effet, ces augmentations exagérées des entreprises entrainent une spirale de hausse des prix qui emballe l’inflation qui, à la longue, s’enracine. Dans un billet publié par l’IRIS en septembre 2022, l’économiste Pierre-Antoine Hervey confirme la tendance à l’accroissement des profits des entreprises canadiennes depuis le début de la poussée inflationniste sur la base des données de Statistique Canada (deux sources) et de la compilation des données boursières par Desjardins.

Dans ce sillage, l’étude de l’IRIS (août 2022) suggère la mise en place de mesures pour limiter le pouvoir des entreprises d’augmenter les prix en dehors de la concurrence, telles que la surveillance accrue de la concentration des secteurs et la lutte contre les pratiques de concertation sur les prix. En effet, ce pouvoir de fixer les prix dans plusieurs secteurs s’explique par leur structure du marché qui se présente sous forme d’oligopole (un nombre limité d’offreurs et une faible concurrence). Dans le secteur de l’alimentation par exemple, 5 grandes chaines (Loblaw, Sobeys, Metro, Walmart et Costco) se partagent 80 % du marché canadien.

Sofiane Idir

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