Comme nous l’avons indiqué dans notre numéro de janvier, avec la hausse persistante de l’inflation et la résorption progressive des capacités excédentaires de l’économie, il était difficile de maintenir le taux directeur à des niveaux bas.
Après une première hausse en mars (0,5%), la Banque du Canada a relevé son taux directeur de 50 points de base pour le faire passer à 1% en avril. Les Canadiens devraient s’attendre à d’autres hausses lors des dates préétablies d’annonce du taux directeur prévues pour le reste de l’année (1 juin, 13 juillet, 7 septembre, 26 octobre et 7 décembre).
Nous ferons ici le point sur l’évolution des taux d’intérêt dans une conjoncture marquée par l’incertitude et les pressions inflationnistes.
Taux d’intérêt en hausse : quel effet sur les Canadiens et l’économie du pays
Dans sa déclaration préliminaire devant le Comité permanent des finances de la Chambre des communes le 25 avril, le Gouverneur de la Banque du Canada, Tiff Macklem, a annoncé que l’économie canadienne s’est complètement remise de la pandémie et entre désormais dans une phase de demande excédentaire. Et face à une inflation galopante (6,75 en mars, son plus haut niveau en 30 ans), il a expliqué que l’économie a besoin de taux d’intérêt plus élevés et elle est capable de les encaisser. En effet, le taux directeur est le principal outil de la Banque du Canada pour agir sur l’inflation et ramener son taux à sa cible optimale de 2%. Par l’augmentation du taux directeur, il s’agit d’agir sur une demande excédentaire qui dépasse la capacité de production de l’économie afin de la freiner pour rétablir l’équilibre entre l’offre et la demande. Les hausses successives du taux directeur font augmenter les taux d’intérêt des prêts aux entreprises, des prêts à la consommation et des prêts hypothécaires. Cette trajectoire ascendante des taux d’intérêt est sensée dans la théorie freiner la demande, avec en corollaire la baisse de l’inflation.
La politique monétaire de la Banque du Canada sera-t-elle efficace face à une inflation importée
La Banque du Canada s’attend à ce que l’inflation atteigne presque 6 % en moyenne durant la première moitié de 2022, avant de baisser pour s’établir à environ 2,5% au deuxième semestre de 2023, pour revenir à la cible de 2% en 2024. Cette inflation galopante est une préoccupation majeure par la Banque du Canada. Une inflation qui progresse fortement aura des répercussions néfastes pour l’économie tout entière. Selon les estimations de la Banque du Canada, un taux d’inflation de 5% sur une année coûte 2000 $ de plus au Canadien moyen.
En effet, les facteurs qui sont derrière ces pressions inflationnistes viennent de l’étranger et sont d’ordre géopolitique. La guerre en Ukraine a fait augmenter les prix de l’énergie et des différents produits de base, et perturbe davantage les chaines d’approvisionnement mondiales. Or, la politique monétaire de la Banque du Canada à travers son outil principal (taux directeur) vise à atténuer les pressions internes sur les prix causées par une demande excédentaire au sein de l’économie. Cette politique risque de ne pas apporter l’effet escompté sur l’inflation dans une conjoncture que les économistes appellent « choc d’offre ». Les conditions de l’offre sont affectées par des facteurs extraéconomiques sur lesquels cette politique n’a pas d’impact et ayant pour effet de généraliser la hausse des prix sur l’ensemble des biens et services. Pour amplifier l’effet de sa politique sur l’inflation, la Banque du Canada a décidé de mettre fin à ses rachats massifs d’obligations qui entrent dans le cadre de ses mesures accommodantes pendant la pandémie. Ces mesures, ayant servi à soutenir l’économie, ont enflé le bilan de la Banque du Canada pour atteindre 576 G$ en février 2021.
Sofiane Idir