Certains mythes qui tendent à éclipser la pleine mesure de la crise du logement dans le discours public persistent. Bien que le gouvernement Legault lui-même ait joint sa voix au consensus selon lequel cette crise existe bel et bien au Québec, une nouvelle étude qui paraît aujourd’hui montre que les gouvernements doivent changer d’approche pour mesurer et assurer l’accessibilité en matière d’habitation. Intitulée Trois mythes sur la crise immobilière, la fiche socioéconomique est rendue publique par l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS).« Sur le marché immobilier, il est évident qu’il y a une crise d’abordabilité qui empêche les ménages de répondre adéquatement à leur besoin de se loger », soutient Marie-Sophie Banville, chercheuse associée à l’IRIS et autrice de la fiche socioéconomique. Cependant, la persistance de certains mythes concernant le marché immobilier et l’accès à la propriété nuit à la résolution de cette crise.

Une crise reconnue
• Mythe no 1 — Montréal est plus abordable que Vancouver et Toronto
• Mythe no 2 — Il faut augmenter l’offre de logements
• Mythe no 3 — Les jeunes rêvent d’accéder à la propriété

Quand on compare Montréal à des dernières de classe
« On se console souvent en disant qu’en termes d’abordabilité, Montréal fait nettement mieux que Vancouver et Toronto. C’est sans compter que ces deux villes sont dernières de classe », explique madame Banville. D’après Oxford Economics, Vancouver est la ville la plus inabordable en Amérique du Nord, suivie de près par Toronto. De son côté, Demographia positionne Vancouver et Toronto aux troisième et dixième rangs des villes les plus inabordables à l’échelle internationale. « Trop souvent, on oublie ainsi que la métropole québécoise évolue dans le marché immobilier canadien, qui est l’un des plus inabordables au monde », souligne Marie-Sophie Banville.
Montréal, plus abordable que les autres ?
Parmi les mythes, on trouve donc l’idée que Montréal serait une ville abordable. Pourtant, l’indice des prix des logements neufs y a progressé de 314 % entre 2000 et 2022. C’est une trajectoire haussière plus rapide que celle d’autres grandes villes nord-américaines comme Los Angeles (+296 %), San Francisco (+267 %) ou New York (+158 %). Cette progression fulgurante des prix des maisons au fil des reventes nuit d’ailleurs aujourd’hui tant aux aspirant•e•s propriétaires qu’aux locataires, dont les loyers sont sous pression face à la flambée des prix de l’immobilier.

Plus de mises en chantier pour régler le problème ?
Pour résorber ce problème, plusieurs soutiennent qu’il faut simplement construire plus de logements. Cette idée masque toutefois le fait que les gouvernements, à commencer par le palier fédéral, stimulent la demande avec plus de ferveur qu’ils ne soutiennent l’offre de logements. En effet, les mesures de soutien à l’accès à la propriété et la participation publique au financement hypothécaire ont contribué dans les dernières années à faire progresser la demande plus rapidement que l’offre, une situation qui entraîne les prix de l’immobilier à la hausse. « La pénurie de logements est condamnée à demeurer chronique si l’approche d’Ottawa, qui mise sur la stimulation et le soutien de la demande, n’est pas revue et corrigée en profondeur », analyse Mme Banville.

Le fédéral doit cesser de stimuler la demande
Des mesures visant « l’aide à la pierre » peuvent générer une offre pérenne en habitation abordable (coopératives, fiducies foncières, logements sociaux, etc.) en réponse aux différents besoins en habitation de la population canadienne. Mais il faut aussi, pour mieux protéger le droit à l’habitation, que les politiques publiques cessent d’alimenter la demande en s’articulant autour de mesures du type « aide à la personne », autant en matière de logement locatif que d’accès à la propriété. Madame Banville conclut que « ce gouvernement ne pourra atteindre ses propres objectifs d’amélioration de l’offre de logement (par exemple la construction de 160 000 nouvelles unités dans le cadre de la Stratégie nationale sur le logement) s’il ne pèse pas sur le frein d’une demande qu’il stimule lui-même ».

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