Lors de l’investiture du Bloc dans Rivière des Mille-Îles, le 20 juin 2019, Luc Desilets avait exprimé tout son dévouement à la cause québécoise et ses différences, se promettant de défendre bravement toutes ses valeurs. C’est en ces quelques phrases qu’il s’imaginait le futur de la belle province, face à un pouvoir Fédéral d’Ottawa contesté.
« Je demande à mes concitoyennes et concitoyens de me faire confiance pour porter leur voix à Ottawa. Pour les familles d’ici, l’éducation est une priorité et l’état de nos écoles démontre bien le déséquilibre fiscal : Québec est en charge de tous nos besoins pendant qu’Ottawa perçoit la moitié des taxes et ne verse pas sa part de transfert en éducation. Ottawa ne fait pas sa part non plus en logement abordable alors que les besoins sont criants chez nous : presque 40 % des locataires paient trop cher en fonction de leur capacité financière dans certaines villes. Mais surtout, il faut défendre notre langue et nos choix de société devant les libéraux de Justin Trudeau qui sont contre la laïcité, contre le français comme condition d’obtention de la citoyenneté, contre le français comme langue de travail dans les entreprises sous juridiction fédérale. Bref, contre la différence québécoise »
L’initiative : Parlez-nous du plan de relance Covid-19 que le Bloc a tracé pour les prochains mois
Luc Desilets : Le Bloc a une superbe belle visibilité et une superbe belle réception. Ça ne se voit pas dans les autres partis de prendre le temps de sonder et d’arriver avec une plateforme. À l’intérieur de la plateforme, comme vous l’avez vu, on trouve plusieurs éléments sur le transport, la redynamisation de Montréal, les arts et la culture, le transport collectif, le logement. On est arrivé avec ce document-là, puis on ne se le cache pas, ça va être les bases de notre programme électoral, si on s’en va en élection au mois de mars, avril ou mai.
Les défis pour la nouvelle rentrée durant cette 43ème législature à laquelle on siège actuellement sont grands, et ce que je trouve très difficile au parlement, c’est la lenteur des travaux, première lecture, deuxième lecture, troisième lecture…Ce matin, je faisais un discours de 10 minutes au sujet de changements qu’on souhaiterait voir apparaître, au sujet de la loi des juges et du code criminel, qui obligeraient les juges à suivre une formation, en matière d’agression sexuelle.
Pour plus qu’on entende jamais un juge, comme dans le cas d’une fille qui s’est faite violer, « Oui mais votre jupe était courte »…ou des imbécilités de ce genre. Alors je faisais mon discours là-dessus, et quand je regarde rétroactivement, cette loi-là, elle a porté le nom de C 337, l’année dernière au début de notre mandat. Finalement elle a été écartée pour X raison, on la reprend aujourd’hui, c’est une loi qu’avait déposée la conservatrice Madame Ambroise, il y a trois ans si je ne me trompe pas. Cette lourdeur-là, je trouve ça très difficile car ça pourrait rouler beaucoup plus vite.
J’ai tellement espoir de voir dans ma vie une réduction dans cette espèce de bureaucratie, dans cette gouvernance qui est hyper lourde. On perd du temps à travers ça, Il y a des choses à changer dans ce parlement, une institution très respectable, mais qui a un mode de fonctionnement archaïque ça ne devrait plus être comme ça en 2020, ça ne devrait plus être comma ça. Je ne vous dis pas qu’au provincial c’est cent fois mieux, mais c’est plus rapide et c’est plus efficace.
Quel est votre regard sur le récent Discours du Trône ?
Nous ne sommes absolument pas d’accord avec le contenu du Discours. Ce n’est jamais arrivé dans l’histoire du Canada que le Fédéral tente de s’immiscer dans des champs de compétence de façon aussi grossière et des champs de compétence aussi nombreux. Cette ingérence est inacceptable. C’est une stratégie qu’on n’arrive pas à comprendre et c’est là-dessus que Monsieur Légault a d’ailleurs réagit en le qualifiant d’un discours honteux.
Au niveau des médecins, je comprends qu’il y ait une pénurie, mais c’est électoraliste lorsque Trudeau vous dit qu’il va contribuer à trouver des médecins de famille. Ça ne regarde pas le Fédéral, le Fédéral n’i connaît rien à notre ordre des médecins, ce n’est pas de sa compétence, ce n’est pas de sa cour. Il faut aussi dire que le Discours du Trône, ce n’est jamais pointu, il n’y a jamais d’assises très claires et des promesses très claires. Le budget, ça devrait être autre chose que ça, on voudrait savoir où on s’en va au niveau de l’infrastructure, des transferts aux provinces…etc.
C’est dans ce contexte-là qu’on ne peut pas appuyer ce discours, on voudrait minimalement que les transferts en santé puissent se faire. On voudrait que cela passe de 22% à 35% minimalement. Ce n’est pas juste le Québec qui demande cela, toutes les provinces demandent qu’il y ait des transferts en santé et qu’ils se fassent de façons substantielles, toutes les provinces. Le gouvernement provincial mise très fort là-dessus, puis c’est à l’unanimité à l’assemblée nationale, tout le monde le voudrait aussi.
Que pensez-vous de la politique d’immigration pratiquée actuellement au Québec et au Canada ?
C’est le dossier le plus complexe qui existe. La principale raison, c’est que nous avons deux paliers de gouvernement. Des situations d’immigration qui relèvent du Québec, d’autres du Fédéral. Et il y a une sévérité immense à l‘intérieur de la gestion de ces dossiers-là. Ce n’est pas normal qu’un pays développé comme le Québec ait une façon de faire aussi lourde, aussi complexe.
Le dossier Fédéral et provincial le plus mal géré selon moi, on doit à l’immigration ce que le Québec est aujourd’hui, sans l’immigration, on ne serait pas ce qu’on est aujourd’hui. C’est l’immigration qui fait vivre nos entreprises et notre collectivité, sinon le Québec serait en déclin. On a besoin d’immigration. Je pense que les Québécois sont hyper ouverts à l’immigration, si un peuple est ouvert à ‘immigration au Canada, c’est bien le Québec.
Je trouve inhumains quelque part la façon dont on traite les gens et ces dossiers-là, des gens pour qui on devrait être redevable. Quand on aime quelqu’un, ce qu’on fait habituellement, c’est qu’on lui tend la main. Et tendre la main, ça peut vouloir dire dans un dossier comme l’immigration, d’accompagner par la main ces gens-là, avec respect.
On n’a pas l’écoute qu’on devrait avoir, on n’a pas la reconnaissance qu’on devrait avoir. Je pense qu’on s’est rendu compte durant la crise de la Covid que beaucoup du personnel hospitalier, les infirmiers et auxiliaires, proviennent d’autres régions que le Québec. Qu’est-ce qu’on aurait fait si nous n’avions pas ce personnel, cela aurait été encore plus dramatique comme situation.
Il y a un manque de respect face à l’immigration, face à ce dossier-là, il devrait être dans le top des dossiers. Si nous n’avons pas de députés au Provincial comme au Fédéral qui ont des aptitudes pour répondre aux besoins de ces dossiers-là, ça devrait être donné à des gens de l’extérieur, c’est ma perception. C’est complexe.
Quel portrait tracez-vous pour l’avenir du Québec ?
Mon grand souci dans la vie, comme humain, comme homme, c’est que ma fille, que mes petits-enfants puissent continuer à vivre dans un pays où la langue française sera la langue prioritaire, pour moi c’est énorme. Je vois le Québec en Français, je le vois encore plus avec cette langue magnifique, mise de l’avant et respectée. Je crois en un système démocratique afin de donner toute la place au Français et que parallèlement, notre culture puisse être mise en avant autant sinon plus. Je le vois un peu comme il était en terme de taux de francisation il y a dix à 15 vingt ans de cela.
Je souhaiterais que le Québec soit indépendant, oui, Je suis souverainiste. On a quand même mis à Otawa 32 députés indépendantistes, mais je souhaite qu’on soit plus nombreux, je souhaite quelque chose qui va réunir au provincial les lois indépendantistes. On a des nationalistes à la CAQ qui étaient indépendantistes il n’y a pas longtemps, on a des indépendantistes évidemment au Parti Québécois, il y a Québec solidaire qui est un parti indépendantiste, mine de rien. S’il pouvait y avoir un regroupement de ces forces-là, ça serait magnifique. Le Québec est rendu à un état de maturité où ce serait faisable, ce serait possible. On n’est plus dans les guéguerres, en 2020, c’est quelque chose de tout à fait gérable.
Le Canada, on le verra toujours comme un grand partenaire, c’est nos voisins, tout comme on voit les États-Unis comme un partenaire. On n’est pas d’accord avec le Canada et le Fédéral actuellement, c’est clair, depuis longtemps, mais ce sera toujours un voisin, on les apprécie. Ce n’est pas toujours la même chose à l’inverse, mais on les apprécie. Je vois donc le Québec indépendant, avec une langue française encore plus forte et avec une immigration bien ciblée.
Qu’on passe à deux millions d’immigrés dans 5 à 10 ans, ce serait extraordinaire, pourvu encore une fois que la langue soit adoptée, qu’ils puissent adopter un peu notre culture. Si on choisit de venir au Québec, c’est que les conditions sont belles, mais moi si j’immigre en Algérie, je vais vouloir m’imbiber cette culture-là. Je l’ai fait personnellement lorsque j’ai vécu une année au Sénégal, mon père est allé enseigner là-bas, puis je suis allé rejoindre mes parents. C’est magnifique, j’apprenais une autre culture, on a eu du plaisir à manger avec les gens dans leur maisonnette, à voyager avec ces gens-là, à parler avec ces gens-là, à voir leur préoccupation, c’est tellement enrichissant d’arriver dans un autre pays.
Moi je souhaite que cette immigration-là puisse avoir cette sensibilité. On vient au Québec parce qu’on aime le Québec je m’imagine, alors si on aime le Québec, on doit connaître le Québec. Connaître le Québec c’est connaître son histoire, connaître son mode de fonctionnement, ses valeurs, la couleur qu’on a ici au Québec, les particularités que nous avons, ces magnifiques espaces, qu’on puisse les découvrir, qu’on puisse les adopter. Au Québec, on adopte les immigrants, mais ils ont à adopter tout ça aussi.
J’ai toujours de la difficulté à voir des groupes d’immigrants à se retrouver entre eux et former des ghettos, et ne pas apprendre la langue, l’apprendre très peu ou par obligation. Si on vient au Québec, ça vient avec, c’est une langue qu’on doit apprendre, qu’on doit maîtriser, c’est tellement une belle langue. Je suis incapable de m’imaginer immigrer ailleurs sans faire le maximum pour m’intégrer, je serais incapable d’imaginer ça, ce serait pour moi un manque de respect.
Propos recueillis par Hamid Si Ahmed