Madame Oudjedi Damerdji Aouicha est née à Tlemcen (Algérie). Elle a voué plus de 50 ans de sa vie à l’enseignement de la langue, de la littérature et de la culture française. Elle a à son actif de nombreux poèmes qui ont ponctué les moments les plus marquants de sa vie : sa jeunesse, la décennie noire du terrorisme, les injustices sociales et l’autisme. Depuis la naissance de sa petite fille, Inès autiste, elle s’est fortement impliquée dans la prise en charge des enfants atteints du spectre autistique notamment en devenant membre actif de l’association Autisme Tlemcen.
À l’occasion de la parution de son recueil de poèmes Le cri du canari suivi de quelques éclats de vers, découvrons cette dame dont la grandeur de son cœur n’a d’égal que le ciel.
L’initiative : Dans votre recueil de poésie Le cri du canari suivi de quelques éclats de vers vous écrivez : « La transcendance de la poésie est seulement la charge émotionnelle des mots qui disent ce qui est le plus souvent inexprimable en prose » ». Est-ce que vous pouvez expliquer ce que vous voulez dire ?
Pour moi, les mots ont un pouvoir fantastique, magique, un pouvoir exorcisant aussi. Mes douleurs, le plus souvent secrètes, muettes, je n’arrive à les transcender qu’à travers des vers, des mots qui se bousculent sur une page blanche et qui viennent de je ne sais où, peut-être…du tréfonds de mon âme endolorie !
Le volet du Cri du canari est centré essentiellement sur l’autisme. Est-ce que vous pouvez parler de ce qui a motivé cet écrit ?
Oui, justement, les textes qui composent le ‘Cri du canari’ se veulent l’expression d’un vécu au quotidien, hors du commun auprès d’une catégorie d’enfants qui évoluent loin, très loin des brouhahas matériels, dans une ‘bulle’ qui les sépare et les protège de la mesquinerie et des calculs fallacieux. Le seul sésame dont on peut se servir pour les atteindre, c’est l’Amour inconditionnel !
Et mes textes où on y lit détresse et tendresse, sont à la fois alerte sur l’autisme qui touche de plus en plus de personnes mais aussi reconnaissance et encouragement à tous ceux qui œuvrent pour leur assurer une place digne dans la société.
Quelques éclats de vers débute par Femmes-posthumes puis dix ans de solitude et enfin mots-cris. Dans ces trois thèmes, nous décelons une écriture prémonitoire des événements que vit l’Algérie. Pensez- vous qu’un poète est un visionnaire ?
Je ne sais pas s’il est visionnaire, mais je pense que le poète est surtout un être sensible, c’est peut-être pourquoi il ressent avec plus d’acuité les événements, et perçoit de ce fait, certes signes avant-coureurs. Je suis, moi-même, étonnée de découvrir aujourd’hui dans mes textes d’il y a plusieurs décennies, des ‘éclats de vers’ annonciateurs des situations et des événements qui agitent actuellement l’Algérie, les sociétés, le Monde…
Est-ce que vous pensez que la poésie aide à panser les blessures profondes ?
Oh oui, au-delà du fait que la lecture de poèmes apporte du baume au cœur, qu’elle apaise je crois encore plus que l’écriture est une incontestable thérapie. Une façon de déposer une charge émotionnelle trop lourde !
Pensez-vous que la poésie est suffisamment abordée dans les études universitaires ?
Hélas non, il semble qu’elle est en perte de vitesse dans les programmes de littérature ! Et puis, de tout façon, il ne suffit pas d’étudier la poésie pour l’apprécier, je pense que la poésie est avant tout une question de sensibilité, c’est aussi une éducation, un besoin,…un penchant pour la traduction des sentiments, des événements, des maux en …mots !
La poésie, c’est aussi un art à la portée de tous, un art si particulier qui arrive à s’exprimer quand les émotions sont paroxystiques.
Propos recueillis par Lamia Bereksi Meddahi