L’auteure qui a déjà écrit Anastasia (1998), Mon premier étranger (2012), Requiem pour un philosophe (2013), Sauvez la beauté (2018), Sarah et Nour (2019), La voix du Moloch (2020), publie La petite ouvrière métisse (2023)[1].
Dans l’ère où la parole de la femme se libère, elle donne lieu à des récits qui hissent les pensées et aident à avancer. Elle est la voie vers l’issue. Tous les enfermements subis, puissent-ils être physiques ou psychologiques ne sont qu’un moteur pour celle qui est convaincue que le pouvoir se trouve entre ses mains. A la lumière de cette idée Sandrine Malika Charlemagne explique l’état d’esprit de ce recueil de poésie.
L’initiative : Comment est venue l’idée de donner le titre La petite ouvrière métisse à votre recueil de poésie ?
Sandrine Malika Charlemagne : D’origine algérienne par mon père et picarde par ma mère, je suis disons une métisse. Le métissage est notre avenir. Lui seul peut rassembler les composantes de notre société : les différentes origines, les sensibilités, les cultures, et donner à chacune et chacun une place, sans forcer qui que ce soit à renier quoi que ce soit.
J’ai aussi voulu rendre hommage à l’ouvrière. Dans notre monde du virtuel et des écrans, il me paraît important de rappeler le rôle du travail sur la matière.
Dans le recueil nous décelons une grande sensibilité. Vous parlez de l’enfance, l’amour d’un pays, le viol, le chagrin d’une mère de perdre son fils….etc. Comment le choix se fait quant aux différents sujets?
Je pense que ce sont les sujets qui nous choisissent et cherchent un médium qui puisse les incarner dans ce monde. J’écris souvent sur des blessures – des éblouissements, comme des choses à guérir et/ou à transmettre.
Beaucoup d’idées convergent vers la femme. À la page 45, vous écrivez: » Je suis la femme qui craque, la femme en colère de n’apercevoir en ce monde que les reflets de la spéculation. Je suis la femme en promenade celle qui regarde la vigne rouge tomber en cascade sur le mur de la rue d’un quartier. La femme qui se rappelle des bribes d’une chanson: « Il tourne en des milliers de pas qui ne mènent nulle part, dans un monde de béton aux barreaux fleuris, fleuris de désespoir ». Pouvez-vous développer cette idée?
C’est le cri d’une femme qui aspire à un autre monde, sans doute une utopie, cependant elle y croit. Le monde occidental est-il un modèle, enferré comme il est dans les spirales de la technologie, des start-up et de la finance ? La vigne rouge, qui cascade naturellement depuis le sommet d’un mur est peut-être le symbole du dévoilement d’un autre monde.
À la fin de votre recueil, le lecteur se trouve face à un texte en prose. Les fondements de l’intégration sont remis en question. Pouvez-vous donner plus de détails?
Ce qui est remis en cause dans ce texte, c’est l’intégration en tant que synonyme d’uniformisation et d’oubli des origines. Les différences physiques entre les humains sont peu de choses. Mais les différences d’histoire, de vie de sensibilité de chacun sont une source de richesse qui ne doit pas être tarie. Au-delà de l’intégration, c’est l’acceptation, l’appropriation de ces différences pour tenter de vivre sans entraves. Tel est l’esprit du métissage et ce en quoi il s’oppose à l’intégration. Nous sommes tous « frères humains. »
Propos recueillis par Lamia Bereksi Meddahi
[1] Sandrine-Malika Charlemagne | La petite ouvrière métisse | la rumeur libre EDITIONS | 2023 | 72 pages