L’homme est pour ce qu’il reflète et la femme pour ce qu’elle est qualifiée. Ce qui les unit est l’amour-amitié quand celui-ci est fondé sur les affinités comme l’admiration, l’attirance et la connivence ; et ce qui les désunit est l’amour-passion lorsque celui-ci est dévié sur un manque affectif nourrissant égocentrisme et narcissisme. Quand le premier définit une relation fraternelle écartant les penchants charnels, le second, par contre, caractérise la relation érotique frôlant les débordements pulsionnels, et on parle de l’engagement du corps avant que ne soit féconde la relation portant son nom. La complicité déborde dans un sens quand de l’autre elle n’est même pas évoquée. L’amour a besoin de sacrifices donc de souffrance pour durer. Il s’alimente et se pimente de ces jeux innocents et spontanés de l’âge ingrat et enfantin où le « Moi » extraverti s’efface devant le « Moi » introverti. En supportant toute son aliénation au profit de l’épanouissement de l’autre, l’amour se transformera en haine morbide si l’amour sensuel espéré se mue en amour platonique. À la différence de l’amitié – même s’il y a déjà de l’amour dans l’amitié −, l’amour cherche moins à dominer mais à tout partager, à protéger, à consoler, à être surtout oblatif tout en demeurant exigeant. La générosité du cœur joignant celle du corps cherche et trouve équilibre dans la complicité. Toute la transparence, toute la confiance, toute la tendresse humaine dans son intégralité et tout le respect sont là dans cette union des cœurs. L’amitié, elle, se nourrit d’échanges collatéraux sans dissonance aucune. On se ressemble, on s’assemble, et le regard est axé sur cette vérité reflétée dans notre même réalité. « Autant donner, autant recevoir », une règle triviale, un axiome qui ne conduit finalement qu’à la satisfaction de soi, d’où le relief de l’amour-égoïsme.

L’amour se veut et est avant tout nostalgie. On le vit au présent, au quotidien dans un pessimisme désespéré bien que nimbé et éthéré durant. Le premier amour est souvent un amour impossible et parfois une erreur vu les dispositions de l’un et les contradictions de l’autre, alors on renonce sans toutefois oublier. Ce qui conduit les cœurs sensibles, déjà imprégnés de moisissures et envahis de ternissure, à reporter leurs décisions sur une éventuelle union précipitée, et ce, par prudence et pour des raisons déjà vécues ou imagées comme l’amour dans un sens ou la friendzone dans ses turbulences, car on n’oublie jamais les premières blessures de son cœur, cette épreuve ayant endeuillé l’âge fou en ravageant, parfois, toute une existence.

Par les temps qui courent, le mode de vie a changé et on épouse la maîtresse que l’on connaît bien pour ainsi dire l’amie privilégiée, pour fuir toute ambiguïté telle cette beauté factice s’estompant avec le temps en cédant sa place au caractère qui dure, cette essence sans âge. Et on attend à vivre pleinement la fusion affective, intime, intellectuelle voire matérielle afin d’échapper à ce qui nous opposait dans la froideur de nos solitudes et l’enfer de nos turpitudes. Le célibat tue par degrés tel un poison agissant graduellement car il permet à sa personne de vieillir prématurément et de finir douloureusement seule. Il expose son sujet à l’effacement, à l’isolement, donc à l’oubli, comme il l’invite au suicide comme à l’irréparable. Il est nocif et rend l’individu agressif. Pire du côté des « filles » frôlant la trentaine, encore plus vulnérables car exposées et devenues par la force des choses célibataires à cause de leurs études prolongées ou autres – l’embarras du choix et l’indépendance sur tous les plans font défaut –, comme rêver secrètement au grand amour et au prince charmant bien que l’idéal n’existe pas (car idéaliser ne mène à rien et sa conception ne fait que perdre notre temps dans cette vie qui n’attend pas). Celles-là sont dans une situation désespérée car devenues par avance timorées, mais si le principe résulte d’un choix personnel, là c’est pour réussir mieux leurs vies professionnelles en étouffant leur unique vie affective. Le malheur est enregistré si ledit spectre de la solitude vécue séparément s’est substitué dans cette symbiose née une fois la vie à deux est consommée et consumée ! Là, l’irrémédiable est dans sa connotation auditive et visuelle.

Choisie ou forcée, transitoire ou définitive, la solitude demeure le synonyme du malheur à longueur d’années et peut même être considérée psychologiquement tel un plaisir, un refuge, une seconde habitude dans ce cerveau rouillé, pétri de contradictions ayant permis à son individu de s’établir, sans contrainte, selon ses goûts. Mieux vaut être rejeté et effacé pour ce qu’on est que d’attendre et se morfondre dans l’espoir d’être aimé et couvé pour ce qu’on n’est pas, car la vérité nue éclatera une fois les passions éteintes, ce qui fera remonter à la surface sa tache d’huile mélangée à son eau jugée limpide.

Il est vrai que cela devient de plus en plus difficile de se rencontrer. Il est un fait de société, on le vit au quotidien bien que les espaces permettant la promiscuité le permettent. Mais la réalité amère est là, elle est un constat. Comment sommes-vous arriver à supporter cela et surtout à nous supporter en encaissant la mauvaise réputation infligée sournoisement à notre encontre ? Certes, tout est question du relativisme ayant comme facteurs variables le rapport psycho-social de l’individu sur son environnement, et l’environnement sur le culturel en passant par la tendance économique. Le monde moderne influe sur la société en la soumettant à sa dépendance et au profit de tout ce que ce dernier assène. Avantages et inconvénients de deux éléments ayant respectivement la forme de la partie émergée moins importante que celle immergée plus importante d’un iceberg.

Qu’en est-il réellement de nos vies intérieures et de nos intimités personnelles quand, coincés entre deux âges et de nos quatre murs face à nous-mêmes, on s’arroge et s’interroge sur notre avenir en se projetant dans l’inconnu ? Est-il un choix forcé pour avoir tranché sans soucier du qu’en dira-t-on émanant de la pression sociale et familiale ? Y a-t-il une évolution des mœurs dans nos sociétés modernes pour dire que le célibat est délibérément une option dictée par un cœur en phase avec la peur de s’engager, la crainte d’une déception et le regret amer d’y avoir mêlé sa tiédeur sans pour autant recevoir l’égal de ce qui a été prouvé et éprouvé ? Voir ses semblables dans leurs unions, cela viendrait-il en conséquence influer sur cette tendance du célibataire endurci ? Vivre pour soi et finir seul auraient-ils des incidences sur la conscience en venant déclencher l’adrénaline du « vivre à deux » ? Est-ce un ancrage d’une nouvelle habitude venue sciemment perturber les anciennes coutumes et modèles codant la vie à deux, l’esprit de famille et la filiation ? Est-ce l’infidélité des couples déchirés et des divorces qui ne cessent de croître qui en sont la cause en trouvant ainsi refuge dans l’esseulement imposé car ne répondant pas à l’engagement à long terme plutôt à s’emporter dans cette frénésie des épousailles : se marier vite et divorcer vite ? Est-ce l’individualisme qui a mis en valeur ses prérogatives en calquant sur l’exposé ses directives tout en le poussant à s’interroger sur sa façon de s’habiller et de se comporter en société ? Est-ce à cause de l’émancipation de la femme s’efforçant à concurrencer l’homme en cherchant à mieux se distinguer tout en réclamant plus de preuves de reconnaissance ? Souhaitant être conquise en devenant exigeante sans pour autant renoncer volontairement à sa liberté et indépendance, elle s’affiche dans ce « avoir envie de quelqu’un » l’emportant sur « avoir besoin de quelqu’un », ce qui exhibe son tempérament individualiste et responsable. Cela vient en conséquence freiner les idées reçues et innées du sexe opposé, d’où ces conflits psychologiques inhibant le côté naturel de chacun. Le regain de méfiance s’installe dès lors en faisant appel au recul de la confiance mutuelle. Sans songer ni à s’en plaindre, ni à craindre, ni même à feindre, chacun dans ses peurs imaginaires et désirs contradictoires, car épouser son côté perplexe, cela conduirait à devenir un paradoxe pour soi et pour autrui. La transition se fait de l’inconscient intransigeant au conscient conciliant. Pourtant elles ont tout pour plaire, pourtant ils ont tout pour plaire, mais toujours avec des bourrages de crâne moins clairs. Ce qui caresse l’œil ne vient pas forcément subjuguer l’âme dans la continuité, car « attirer » ne rime pas vraiment avec « retenir ».

La vie de couple, ce qu’elle procure et engendre, serait-elle de consonance harmonieuse dans les têtes de ceux qui y croient, l’attendent et l’espèrent, ou complètement dépassée dans l’esprit de ceux qui se mettent à l’évidence dans la réalité intrinsèque des choses ?

Mohand-Lyazid Chibout (Iris)

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