Fille d’une mère femme de ménage et d’un père maçon Nesrine Slaoui rêvait d’être journaliste depuis un quartier populaire d’Apt. Cette distance qui l’a séparée de Paris trace les différences qui existent entre les autochtones et les immigrés.
Les considérations ne sont pas les mêmes quand il est question de faire des études en étant issu d’un quartier populaire. La confiance en soi est souvent perturbée par les remarques désobligeantes. La réussite devient alors comme le chant d’Ulysse, fuyante à chaque moment qu’on croit l’approcher.
À la recherche de la légitimité :
Dès le début du roman Illégitimes, Nesrine Slaoui[1] cite Alice Zeniter : « Ils veulent une vie entière, pas une survie. Et plus que tout, ils ne veulent plus avoir à dire merci pour les miettes qui leur sont données ». En effet l’auteure qui a dû affronter le racisme, les inégalités a remarqué que les efforts fournis par les émigrés sont considérables. Non seulement il faut travailler dur pour arriver à récolter un minimum mais aussi les enfants de ces ouvriers sont, au préalable, vus comme des démunis, incapables d’arriver en haut de l’échelle. Ce sentiment envahissant qui bloque l’élan a servi de moteur à l’auteure pour prouver dans toutes ses épreuves qu’elle était capable de côtoyer ceux qui prétendent être inaccessibles. Les différentes strates qui composent la société sont souvent distinguées par le poste occupé. Il devient le frein ou l’accélérateur. Cette réalité mène l’auteure à dire : « Lorsque l’on n’est pas du sérail, il est difficile de trouver sa place dans ce lieu de pouvoir où d’autres se glissent naturellement » (p.158). Ce lieu représente l’amphi au nom de l’un des fondateurs de l’Ecole libre des sciences politiques, Emile Boutmy.
Nesrine Saloui rappelle le parcours de Rachida Dati. Elle est certes opposée à certaines de ses idées mais reste admirative face au courage dont elle a fait preuve pour s’imposer. Cet exemple est minime par rapport à tant d’autres parcours qui n’ont pas pu trouver une issue à leur trajet. C’est sur ces cas que l’auteure veut attirer l’attention.
Illégitimes s’avère un témoignage d’une femme qu’on considérait comme une beurette. Une nomination qui dégrade et confirme le regard posé sur soi. La qualification de l’autre semble évidente quand il a des parents qui ne triment pas pour gagner leur pain. L’opulence guide alors les orientations et aide à s’affirmer. Malheureusement le manque de moyens contraint souvent à baisser les yeux et à rebrousser chemin.
Celui qui aspire à donner un sens à ses rêves se doit d’être tenace. Avec le temps l’illégitimité se transforme en un banal souvenir des jugements qui pullulaient.
Lamia Bereksi Meddahi
[1] Nesrine Slaoui, Illégitimes, Ed/ Fayard, 2021, 193 pages.