Intervention de M. Ali Benflis, Président de Talaie El Hourriyet, devant les structures locales du Parti à Tizi Ouzou à l’occasion de la commémoration du 11 Décembre 1960.

Tizou Ouzou ; le 8 Décembre 2016

Mesdames et Messieurs les membres du Bureau politique et du Comité Central présents à cette rencontre ;

Mon cher frère et compagnon Si Saadi Hanouti, coordonateur du Bureau Territorial de Talaie El Hourriyet à Tizi Ouzou;

Mesdames et Messieurs les membres du Bureau territorial ;

Mesdames et Messieurs les Secrétaires, Coordonateurs et membres des Bureaux Communaux de notre parti dans cette région ;

Chères militantes et chers militants ;

 

 

Il m’est difficile d’entamer cette intervention devant vous sans, d’abord, m’acquitter d’un devoir de reconnaissance et de gratitude. Un devoir de gratitude pour votre chaleureuse bienvenue et pour la gratifiante qualité de votre accueil ; un devoir de reconnaissance, aussi, envers toutes celles et tous ceux qui ont pris l’initiative de cette rencontre et qui lui ont permis de se tenir dans d’excellentes conditions ; un devoir de reconnaissance, enfin, envers toutes celles et tous ceux qui ont tenu à être présents à cette rencontre dont l’objet est l’état de l’Algérie, les défis que doit relever l’Algérie, les ambitions légitimes que peut nourrir l’Algérie et les nouvelles perspectives que peut s’ouvrir  l’Algérie.

J’ai cessé de compter mes visites privées ou publiques à Tizi Ouzou, mais chacune de ces visites réveille au plus profond de moi-même les mêmes sentiments intenses et profonds.

Il y a d’abord, bien sûr, l’admiration qui ne cesse pas et qu’impose la beauté naturelle de la « Perle de Djurdjura » ; il y a ensuite, ces femmes et ces hommes libres qui forcent en vous le respect pour les valeurs ancestrales qu’ils portent et qui ont pour noms honneur, dignité, égalité et justice ; il y a en outre tout le poids de cette région dans l’Histoire nationale dont elle a contribué à écrire les pages les plus belles et les plus impérissables ; il y a, enfin, la mémoire de toutes ces résistances dont cette région a porté la bannière et de tous ces martyrs et de tous ces héros dont cette terre si généreuse a fait don à la Nation à travers les siècles succédant aux siècles.

Il n’y a pas une épreuve que notre pays ait eu à affronter sans que cette région ait été aux premiers rangs pour la surmonter. Il n’y a pas eu une seule oppression que notre pays ait eu à subir sans que cette région ait été à l’avant- garde de tous les combats pour y mettre fin. Il n’y a pas eu une seule occupation de notre pays sans que cette région ait porté  l’étendard de la résistance.

Oui une terre de liberté comme celle-ci ne pouvait être qu’une terre pour l’héroïsme et pour le martyre.

Qui peut ici évoquer les noms de Cheikh El Ahaddad, de Cheikh El Mokrani, de Cheikh Boumezrag ou de Lalla Fatma N’Soumer sans que sa poitrine s’emplisse de fierté à l’idée d’appartenir à leur lignée et d’être digne de porter une part de leur héritage ?

Qui peut évoquer la glorieuse épopée de Novembre sans en retenir que cette terre généreuse et bénie a offert à la Révolution de libération nationale 12 colonels de la glorieuse ALN, un nombre record dont elle peut tirer orgueil et fierté ; dans ce palmarès de l’honneur  sont écrits en lettre d’or les noms de Abane Ramdane, de Krim Belkacem, de Didouche Mourad, de Mohand Oulhadj, de Amirouche, d’Ouamrane, de Sid Ahmed Bougara, d’Ali Mellah, de Slimane Dehiles, de Mohamed Zamoun, de Mohammedi Said , de Said Yazourene, ces géants parmi les géants sur lesquels cette Nation a toujours su pouvoir compter dès lors que sont en cause sa liberté, sa dignité et sa grandeur ? Et qui peut oublier Mohamed Said Mazouzi qui a échangé sa liberté personnelle contre la liberté de son peuple et dont la longueur de la captivité n’a d’égale que l’amour infini qu’il portait à notre pays et le sens élevé du devoir  et de l’abnégation dont-il témoignait dès lors qu’il s’agissait du service de notre peuple.

Qui peut évoquer celui dont, ce lieu perpétue la pensée et le sens d’une vie sans reconnaitre en Mouloud Mammeri, le précurseur éclairé d’une cause plus grande que lui-même, celle d’une Nation algérienne fière de son amazighité, de son arabité et de son islamité qu’elle a, enfin, consacré en socle indestructible de notre personnalité nationale ? Oui Mouloud Mameri n’a pas semé les graines de la division mais celle de la cohésion et de l’harmonie ; et de la cause identitaire dont-il a été le héraut inspiré et dont nous récoltons les fruits aujourd’hui, la Nation n’est pas sortie affaiblie mais bien au contraire remarquablement renforcée. Cette cause identitaire n’a pas été marginale et solitaire. Ceux qui l’ont porté ont été nombreux. Il est difficile –voire impossible de les évoquer tous. Alors je me limiterai à évoquer parmi eux leur figure désormais emblématique. Il s’agit de Matoub Lounès dont la personnalité rassemblait ce qu’il y a de plus sain dans les arts qui sont un hommage rendu à la beauté et la politique qui n’est rien d’autre que l’inclinaison innée à vouloir servir les autres. Matoub Lounès a rendu hommage à la beauté et il n’y avait pas plus beau pour lui que sa patrie qu’il portait au plus profond de son âme. Et il a donné à la politique ces lettres de noblesse en chantant la liberté, la solidarité et la fraternité et en stigmatisant l’injustice, l’oppression et l’intolérance. 

Et qui peut ici évoquer le souvenir de ce héros parmi les plus grands héros de la Nation, Hocine Ait Ahmed, sans associer à son nom, désormais illustre, l’idéal d’une Algérie libre, d’une Algérie démocratique, et d’une Algérie où les droits de l’Homme, la citoyenneté et la souveraineté populaire ne seraient pas des slogans creux mais bel et bien les fondements inaltérables du système politique national.

Dans trois jours nous commémorerons le 11 Décembre 1960. L’Histoire a déjà porté son jugement sur cette date marquante de la marche du mouvement de libération nationale. Ce jugement a été clair et sans équivoque en estimant qu’il y eut un avant et un après le 11 Décembre 1960.

Avant cette date la puissance coloniale pouvait toujours prendre ses désirs pour des réalités et tenter de faire croire, à tort, qu’en Algérie il n’y avait qu’un maintien de l’ordre à assurer et non une Révolution  de libération nationale qui suivait son cours inexorable ; que les institutions légitimes qu’étaient le FLN, le CNRA, le GPRA et l’ALN n’étaient pas représentatives alors même que ces institutions présidaient aux destinées d’un mouvement de libération nationale comptant parmi les plus marquants de son siècle ; que l’affaire algérienne était une affaire intérieure de la France et que les autres Etats du monde en général et les Nations Unies en particulier n’avait pas à y interférer ; et que l’Algérie française avait encore de beaux jours devant elle, alors que le temps lui était compté et qu’il ne lui restait plus que moins de deux années à vivre.

La puissance coloniale désemparée était alors à la recherche d’une troisième voie ; une voie disqualifiant la direction légitime de la Révolution ; une voie dénaturant l’objectif de l’indépendance et de la souveraineté nationales ; une voie destinée à octroyer à notre pays une indépendance nominale et une souveraineté d’apparat sans que soient altérés les fondements de la domination coloniale.

Cette recherche d’une troisième voie tendait à redonner une actualité au vieil adage qui recommande de diviser pour régner.

Les manifestations du 11 Décembre 1960 sont venues fermer toutes les portes devant cette voie. De toutes nos villes, de toutes nos campagnes et au sein de notre communauté à l’étranger, elles ont fait savoir à la puissance coloniale qu’il était vain de parier sur la division du peuple algérien ; que cette voie était une voie sans issue ; et que l’avenir de l’Algérie indépendante et souveraine devra être impérativement négocié avec la direction unique et légitime de la Révolution algérienne.

Le 11 Décembre 1960 a été une leçon d’unité nationale administrée à la puissance coloniale. Cette unité nationale n’a laissé aucune faille à travers laquelle pouvaient être introduits les germes de la division. Cette unité nationale n’a laissé à la puissance coloniale aucun autre choix que celui de constater amèrement qu’en face d’elle il y avait un peuple rassemblé autour de ses dirigeants légitimes. Cette unité nationale a amené la puissance coloniale à réaliser que le dessein d’une Algérie française avait vécu et que l’heure de l’Algérie algérienne avait sonné. C’est  de cette unité nationale là que notre pays a, aujourd’hui, le plus cruellement besoin pour surmonter les épreuves de toutes sortes auxquelles il est confronté.   

Les héros, les martyrs et les géants de cette région aux côtés de tous les autres héros, de tous les autres martyrs et de tous les autres géants dont s’enorgueillit la Nation entière ont combattu pour une cause et pour un idéal : une cause celle d’une Algérie libre, indépendante et souveraine ; un idéal celui d’une Nation unie, solidaire et fraternelle.

Ces héros, ces martyrs et ces géants ont cherché un sens à leur vie et ils l’ont trouvé dans leur propre sacrifice pour que notre peuple brise les chaines de l’asservissement et retrouve  sa place parmi les autres peuples du monde.

Ces héros, ces martyrs et ces géants ne sont pas partis sans rien nous laisser. Ils nous ont légué le plus précieux des héritages, le plus éloquent des messages et les repères les plus clairs pour guider nos pas.

Leur héritage précieux est la République  démocratique et sociale dans le cadre des principes islamiques qu’ils nous ont recommandé de bâtir.  Leur message éloquent est celui de l’unité sans laquelle il ne peut y avoir de projet national inclusif et rassembleur. Les repères dont ils ont jalonné notre chemin sont ceux des sacrifices qu’il faut toujours être prêt à consentir lorsque la patrie le demande.

Ces héros, ces martyrs et ces géants ont semé en chacun d’entre nous l’amour de la liberté, le refus du compromis quant à nos droits et la soif inextinguible de justice.

Ces héros, ces martyrs et ces géants ont combattu  jusqu’à leur dernier souffle pour que l’algérienne et l’algérien soient maitres de leur destin ; pour que l’algérienne et l’algérien soient des citoyens dans leur République ; pour que l’algérienne et l’algérien jouissent de toutes leurs libertés et exercent la plénitude de leurs droits ; et pour que l’algérienne et l’algérien ressentent qu’ils appartiennent à un peuple dont la volonté prime et dont le mot est toujours le dernier mot. Jetons ensemble un regard sur l’état dans lequel se trouve notre pays en ayant à l’esprit cet héritage, ce message et ces repères. Que constatons-nous ?

Nous constatons que notre pays est dans une impasse politique totale. Nous constatons aussi, que notre pays est confronté à une crise économique d’une exceptionnelle gravité. Et nous constatons, enfin, que notre pays est menacé dangereusement par une montée des tensions sociales.

Cette impasse politique n’est ni accidentelle ni fortuite.

Elle est le produit d’un système politique archaïque dépassé par les évènements, dépassé par la marche accélérée de son temps et dépassé par les mutations de notre société qui sont profondes et qu’il persiste à ignorer.

Cette impasse politique est aussi le produit d’un déni de citoyenneté d’une captation de la volonté du peuple et du peu de cas qui est fait des droits et des libertés sans lesquels il n’y a pas d’Etat de droit ou de démocratie dignes de ce nom.

Cette impasse politique est en outre le produit d’un Etat et d’institutions qui ont cessé d’être l’Etat et les institutions de tous pour ne servir que des intérêts particuliers au détriment de l’intérêt général et pour ne combler de leurs faveurs que ceux qui gravitent dans la périphérie immédiate du régime politique en place à l’exclusion de tous les autres.

Cette impasse politique est enfin le produit d’une gouvernance politique dont la légitimité est récusable et récusée, une gouvernance politique dont la représentativité est fictive, une gouvernance politique dont la crédibilité est au plus mal et une gouvernance politique dépourvue de toute confiance auprès de nos concitoyennes et nos concitoyens. 

Les conséquences de cette impasse politique sont que le pays n’est plus géré ; qu’il ne dispose plus d’une vision quant à son devenir ; qu’il est dépourvu d’un projet national inclusif et rassembleur ; et qu’il est privé d’un cap pouvant le mener vers la sortie des tourmentes qui l’assaillent de toutes parts.

Cette impasse politique était suffisamment grave en elle-même. Mais depuis l’année 2014, elle s’est doublée d’une crise économique dont l’acuité exceptionnelle exige une gouvernance politique autrement plus effective, plus imaginative et plus performante que celle que nous connaissons et qui a révélé toutes ses limites.

Oui, il y a eu un retournement brutal de la conjoncture énergétique mondiale ; oui, tous les pays exportateurs d’énergie ont été durement affectés par l’effondrement de leurs revenus externes ; oui toute l’économie mondiale est dans un état de morosité et de déprime.

Tous ces facteurs peuvent servir à expliquer la gravité de la situation économique de notre pays. Mais cela n’exonère en rien le régime politique en place de sa responsabilité directe dans cette situation. Il s’est accommodé du rôle de grand distributeur de la rente et n’y a rien changé privant de ce fait l’économie nationale des chances de la diversification de la création des richesses. Il a exacerbé la gestion patrimoniale et clientéliste de l’économie nationale et a de ce fait constitué lui-même le premier obstacle à la libération des initiatives et à la mobilisation des capacités et des ressources dont a besoin toute économie performante et dynamique. Comme jamais, il a politisé l’acte économique au point  de l’ériger en privilège et en faveur réservés à ses alliés et à ses soutiens faussant ainsi la saine émulation entre les acteurs économique du pays. Il n’a eu pour seule obsession et pour unique boussole que l’achat de la paix sociale et dans la démagogie et le populisme ambiant qu’il a ainsi créés, cette tendance a mené à toutes les formes de gaspillage et de gabegie. Il a laissé prospérer, dans l’impunité la plus totale tous ces maux qui sapent les fondements de toute économie digne de ce nom et qui se révèlent à travers la corruption, l’expansion de la sphère économique informelle, la fuite des capitaux, l’évasion fiscale et toutes les formes de fraude au commerce extérieur.

L’économie nationale avait besoin d’une restructuration mais c’est à sa véritable déstructuration qu’ont mené les politiques publiques des dix dernières années.

Pourtant le régime politique en place a eu entre les mains 1000 milliards de dollars. Aucun des pouvoirs politiques qui l’ont précédé n’a eu cette chance rare qui ne se renouvellera certainement pas. Cette manne financière faramineuse aurait pu permettre à notre pays d’assurer définitivement son décollage économique avec une gouvernance politique qui aurait su que chacune de ses décisions engageait sa responsabilité politique, qu’elle était soumise à un contrôle permanent, qu’elle devait rendre des comptes et que sa gestion était soumise à sanction.

Mais notre régime politique s’est affranchi de toutes ces contraintes et a toujours agi comme bon lui semble sans se soucier des critiques, des alertes ou des mises en garde. La gestion autiste de l’Etat est la marque de fabrique de toutes les autocraties. Aujourd’hui une grave crise économique est là présente, complexe et angoissante. Elle a pris au dépourvu une gouvernance imprévoyante et désinvolte qui ne sait absolument pas quoi faire pour y faire face, et, plus grave encore, qui ne sait quoi entreprendre pour mobiliser notre peuple et l’amener à la surmonter.

Plus de deux années et demie après le renversement de la conjoncture énergétique mondiale, il est sans doute temps de faire un bilan de notre riposte à cette crise.

Etablissons donc ce bilan ensemble et nous constaterons ensemble que la gouvernance politique actuelle enfonce le pays dans cette crise plus qu’elle ne l’en éloigne.  Cela n’est pas de l’alarmisme ou de la surenchère ; c’est un constat qu’imposent la lucidité et la franchise. Regardons de près le peu dont le régime en place a pris l’initiative et nous y trouverons confirmation de ce que je ressens comme une responsabilité et un devoir d’affirmer devant vous.

Ce régime politique en place a longtemps cru que la crise énergétique était une crise passagère comme un orage d’été et qu’il suffisait de se mettre à couvert et le laisser passer. Le régime politique en place a cru avoir trouvé un abri dans le Fonds de Régulation des Recettes, ce fonds qui étaient censé contenir l’épargne de cette génération au profit des générations à venir. Ce Fonds est dans sa phase finale d’épuisement mais la crise est toujours là.

Le régime politique en place a cru avoir trouvé un autre abri pour se protéger de la tempête à travers les réserves de change du pays. A raison de plus de 25 milliards de dollars par an, celle-ci ont déjà fondu de 70 milliards de dollars (elles s’élevaient à 193 milliards de dollars en 2014  et, à mi juin de cette année, elles n’étaient plus évaluées  qu’à 120 milliards de dollars). A ce rythme et compte tenu des limites objectives et subjectives de la compression de notre commerce extérieur et des lourdes incertitudes qui pèsent sur la remontée des cours pétroliers à moyen terme, nos réserves de change sont destinées à connaitre de lourdes ponctions les mettant elles aussi sur la voie de l’assèchement.

Le régime politique en place a cru avoir trouvé un troisième abri possible à travers ce qu’il a appelé pudiquement la mise en conformité fiscale qui n’est autre qu’une amnistie fiscale qu’il n’a pas osé assumer comme telle. Disons le clairement cette opération n’avait pour autre but que le recyclage -ou le blanchiment si vous préférez- de l’argent acquis de manière douteuse et celui circulant dans la sphère économique informelle.

Nos gouvernants observent un silence assourdissant au sujet de cette opération. Il y a là un signal qui ne trompe pas et c’est un signal d’échec. Autrement, croyez-moi, nos gouvernants, comme nous les connaissons, se seraient empressés de nous rassurer sur le sort de cette opération si celle-ci avait été un succès.

Ce troisième abri s’étant révélé inopérant, nos gouvernants sont allés à la recherche d’un quatrième abri. Ils ont cru l’avoir trouvé à travers l’emprunt national. Il vient d’être mis fin à cette opération sans que nos dirigeants –comme à leur habitude- ne se soient donnés la peine de nous tenir informés de ses résultats. Il y a là aussi un signal qui ne trompe pas et c’est un signal d’échec.   

Après les échecs essuyés dans leur course aux abris qui se sont révélés les uns moins protecteurs que les autres, nos gouvernants n’ont pas perdu espoir et ils croient avoir trouvé dans un matraquage fiscal ininterrompu la recette miracle qui leur permettrait de tenir jusqu’à la prochaine remontée des cours pétroliers en laquelle ils mettent tous leurs espoirs.

Je vous le dis avec une très forte conviction : ce matraquage fiscal discriminatoire est économiquement peu productif ; il est politiquement erroné ; il est socialement injuste ; et il est moralement injustifiable.

Aux côtés de ce matraquage fiscal il y a aussi le budget d’équipement du pays que les pouvoirs publics ont pris la lourde décision de faire fondre de près de la moitié sur les trois dernières années (ce budget d’équipement a baissé de 4000 milliards de dinars à 2000 milliards de dinars). J’ai dis que cette décision est lourde car elle signifie que désormais le développement économique et social du pays est laissé en jachère. 

Ce coup d’arrêt brutal donné à l’équipement du pays contraste avec le budget de fonctionnement de l’Etat qui a été soigneusement prémuni contre les mesures de rigueur et d’austérité que la situation économique actuelle exige.

Les premières victimes de ces politiques publiques dictées par la panique et des calculs de courte vue sont les classes moyennes et les couches les plus vulnérables de notre société ; les classes moyennes que l’on dirige vers la paupérisation ; et les couches les plus démunies que l’on dirige vers davantage de dénuement.

Dans de telles conditions, il ne faut pas s’étonner de la dangereuse montée des tensions sociales dans notre pays.

Cette montée des tensions sociales a ses explications.

Sa première explication tient au rejet de toutes ces politiques discriminatoires et inéquitables dont sont victimes les classes moyennes et les couches sociales les plus démunies qui refusent d’être tenues pour les boucs émissaires  de la crise économique actuelle.

La seconde explication de cette montée des tensions sociales réside dans le message que celles-ci adressent aux pouvoirs publics en leur signifiant qu’ils font fausse route et que la rationalisation et la rigueur qu’ils professent doit d’abord se traduire par un combat sans merci contre l’évasion fiscale dont le dernier rapport de la Cour des Comptes a donné une image choquante, contre la fraude au commerce extérieur que rien n’arrête, contre la fuite des capitaux que rien ne dissuade et contre la corruption qui continue à sévir même par temps de crise.

La troisième explication de la montée des tensions sociales prend la forme d’une protestation contre la gouvernance politique défaillante qui a conduit le pays vers le lamentable gâchis économique que nous avons sous nos yeux. Durant la dernière décennie l’Algérie a eu une occasion en or d’assurer son essor économique et social et de s’installer solidement parmi les économies émergentes de la planète. Un système politique archaïque l’a privé de cette chance rare et une gouvernance inadaptée l’a menée vers l’impasse politique, économique et sociale dont notre peuple subit les difficiles épreuves au quotidien.

La quatrième explication de la montée des tensions sociales tient à l’expression d’une conviction largement partagée par nos concitoyennes et nos concitoyens selon laquelle un pouvoir politique qui a mis le pays dans un état aussi attristant et aussi préoccupant ne peut être l’artisan de son redressement et de son renouveau.

En effet, il serait hasardeux sinon illusoire d’attendre que notre pays reprenne sa marche vers la prospérité et le progrès à l’ombre d’un régime politique dont l’archaïsme incarne la négation de la réforme et du changement.    

J’ai entamé cette intervention devant vous par un rappel des principaux messages du 11 Décembre 1960 et je souhaite la conclure en insistant sur la première des leçons que cette date marquante dans l’Histoire nationale a gravée dans notre mémoire collective.

Le 11 Décembre 1960 a été avant tout et par-dessus tout une forte démonstration d’unité nationale. Alors qu’approchait l’heure du grand dénouement par l’indépendance de notre pays, un grand sursaut patriotique est venu faire savoir haut et fort à la puissance coloniale que 6 années de terribles épreuves, 6 années de souffrances indicibles et 6 années de sacrifices sans limites n’ont pas eu raison de la volonté inébranlable de notre peuple, comme elles ne l’ont pas détourné de la voie de la liberté qu’il s’était tracée et ne l’ont pas amené à se diviser contre lui-même par lassitude ou par désespoir.

Hier comme aujourd’hui la force de notre Nation est dans sa cohésion et la force de notre peuple est dans son unité.

Au moment des grandes épreuves qui peuvent s’imposer aux Nations, l’ennemi, le plus redoutable est dans la désunion des rangs ; l’émiettement des forces et la dissonance des voix. C’est en fonction de leur capacité de résistance à la désunion que des Nations avancent et d’autres reculent.

Nous ne pourrons pas relever les défis actuels qui se posent à nous et nous ne surmonterons pas les épreuves politiques, économiques et sociales auxquelles nous faisons face si nos rangs sont dispersés, si chacun d’entre nous tire dans le sens de ses seuls intérêts en piétinant les intérêts des autres et si chacun d’entre nous se dote d’un projet personnel au détriment du grand projet national qui doit tous nous rassembler.

Il y a dans l’ampleur des défis actuels politiques, économiques et sociaux largement de quoi nous  réunir. Il y a un système politique à moderniser ; il y a une économie nationale à rénover ; il y a des réformes sociales profondes à conduire.

Tout cela vaut certainement un rassemblement pour le changement.

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