« Harim El Fartas », est le tout dernier roman publié par le journaliste et écrivain algérien Riad Ouettar aux éditions El Mouthakaf. L’auteur qui a déjà publié en 2000 une première série de nouvelles en français dans le recueil « Hippone », revient cette fois-ci avec une œuvre littéraire écrite en arabe et qui s’inscrit dans le contexte de la décennie noire en Algérie et la période de la réconciliation nationale qui a été adoptée 2005. « Harim El Fartas », est un prétexte pour aborder les sujets tabous dans la société algérienne à travers les personnages de Zoubir et Christina (Houria de son vrai nom). Un jour, Zoubir réussi à sauver Christina de la noyade. Lui qui est étudiant et fils d’un Imam, garde en mémoire le souvenir d’un amour impossible lorsqu’il rencontre la jeune femme. Elle qui a été kidnappée et violée par les terroristes puis libérée par les forces armées a dû faire face au rejet de ses proches, avant de se reconstruire une nouvelle vie en tant que fille de joie sous l’identité de Christina.
La rencontre de ses âmes perdues, est une occasion pour Riad Ouettar d’aborder d’autres sujets d’actualité tels que le suicide, le mal-être ou les Haraga. Pour en savoir plus, l’auteur a bien voulu répondre à quelques questions :
L’initiative : Pouvez-vous nous expliquer le choix du titre qui disons-le est un peu provocateur ?
Riad Ouettar : Le choix du titre est lié au contenu du roman mais à vrai dire, c’est lors d’une discussion que j’ai eu avec mon ami Amine Adimi que l’idée du titre a jailli étant donné qu’elle reflète une frange de terroristes qui a semé la terreur lors de la décennie sanglante. Ils se faisaient remarqué des autres terroristes en se rasant les cils et les cheveux d’où leur appellation de fartas qui veux dire les chauves en jargon algérien. Le harem comme son nom l’indique est un groupe de femmes qui sont à la disposition du roi. Dans mon œuvre, il ne s’agit pas de roi mais de terroristes qui ne s’empêchaient pas d’abuser des femmes après les avoir kidnappées sous la couverture de l’islam puisqu’ils se faisaient donner des fatwas erronées par des pseudos muftis.
Vous évoquez dans le livre une période qui n’est pas si lointaine de l’histoire de l’Algérie et dont on ne parle pas souvent. Est-ce une manière pour vous de lutter contre l’oubli ?
Effectivement. Comme vous l’avez bien dit, l’écriture sur cette période précise est une façon pour moi de lutter contre l’oubli. Je pense qu’il est temps de nommer les choses par leur véritable nom. Je veux crier fort mon désarroi contre ce qu’ont subi ces femmes, car qu’on le veuille ou non, parler de ces femmes est un sujet tabou. La société algérienne ne veut plus en parler et pour preuve : après qu’elles soient descendues ni leurs familles ne les a soutenues, ni la société ne les a protégées, ni la justice ne les a défendues, puisqu’elles ont été mises au banc des accusés, comme si elles étaient fautives de leur sort alors que ceux qui ont égorgé et terrorisé les citoyens, -surtout ceux des hameaux perdus- ont trouvés dans la réconciliation nationale un soutien indéfectible. Il est temps aujourd’hui surtout après le hirak populaire que connait l’Algérie depuis le 22 février dernier de rendre justice à ces femmes. Je tiens également à vous dire que je trouve dans l’écriture une thérapie puisqu’elle me permet de « guérir » des conséquences néfastes que j’ai eu à subir lors des années de terreurs puisque j’ai subi le terrorisme de plein fouet étant donné que je vivais dans une région qui était le fief du terrorisme et plus précisément un hameau perdu qui s’appelait Ouezra et qui est situé entre la ville de Médéa et celle de Berrouaghia et dans cet daïra la mort faisait partie de notre quotidien.
En suivant le destin tragique de vos personnages, on comprend qu’ils sont livrés à eux-mêmes pour s’en sortir devant le rejet d’une société qui a du mal à soigner les blessures de ses enfants. Quel est votre avis sur le rôle collectif et individuel de chacun ?
Par la force des choses, les gens sont devenus amnésiques et égoïstes à la fois. Ils veulent dépasser leurs blessures en oubliant ce qu’ils ont subi durant les années quatre-vingt-dix devant l’absence du rôle que devrait jouer les structures de l’état censé les aider à panser et guérir de leur blessures. Ils ne veulent plus parler des années de terrorisme, aussi ils appliquent à la lettre l’adage qui dit « chacun pour soi et Dieu pour tous » sinon comment expliquez-vous que le fait de parler des femmes victimes de terrorisme est considéré comme un sujet tabou.
Pouvez-vous nous parler du temps qu’il vous a fallu pour écrire ce roman ?
À vrai dire, il m’a fallu une année pour l’écrire et beaucoup de temps de réflexion sur le sujet. Comme je vous l’ai dit au préalable, j’ai trouvé dans l’écriture sur les années terroristes un refuge pour panser mes blessures de ce que j’ai du subir involontairement durant cet époque.
Votre regard en tant que journaliste vous a-t-il influencé dans votre approche pour aborder votre roman ?
Effectivement. Le fait que je sois journaliste m’a énormément aidé dans l’écriture romanesque puisque ce métier m’a permis de côtoyer de près la réalité du vécu algérien surtout celle des victimes de terrorisme.
Vous êtes une personne assez occupée avec les évènements culturels que vous organisez et d’autres auxquels vous participez. Vous gérez le premier site d’informations culturelles en Algérie, intitulé « Nawafidh Thakafia » (Fenêtres culturelles) et vous préparez un troisième livre en arabe qui s’intitulera « Khafafich El Dhalam » (Les chauves-souris de l’obscurité). Pouvez-vous nous en dire plus sur cet ouvrage et sur vos projets en général ?
Pour mon troisième roman l’idée générale à un lien avec l’intégrisme en tant que mal non pas de la société algérienne mais du monde arabe en général. Je ne peux vous en dire plus pour laisser le lecteur le plaisir de le découvrir. Quant à mes projets culturels beaucoup taraudent mon esprit mais devant l’absence d’une aide financière, elles restent comme de l’encre sur du papier, c’est à dire emprisonné dans mon esprit en attendant de trouver l’aide qui lui permettra de se concrétiser réellement.
Propos recueillis par Réda Benkoula