Nombreuses sont les femmes qui ont marqué l’Histoire. Parmi elles, Blanche Peyron née en 1867, a marché sur les pas du pasteur anglais William Booth. Il a créé une organisation inspirée du modèle militaire. Il est question de lutter contre la misère. Peu importe d’où provient celui qui souffre puisque l’essentiel c’est d’apaiser sa peine. En rencontrant sa fille aînée Catherine nommée « La maréchale » Blanche Peyron est ébranlée par la question qu’elle lui a adressée : « Et vous qu’allez-vous faire de votre vie ? ».

Elle ne voulait pas se marier et être considérée comme une femme ordinaire telle que décrite par Georges Sand Nous les élevons comme des saintes, puis nous les livrons comme des pouliches.

L’engagement qui change le cours d’une vie :

Avocate, Solène a vécu un moment qui a changé sa vie. Arthur Saint-Clair qu’elle devait défendre a sauté de la coursive du sixième étage du palais. Ce suicide l’a plongée dans une profonde dépression. Pour s’en sortir, il fallait : « Sortir de soi, se tourner vers les autres, retrouver une raison de se lever le matin, se sentir utile à quelque chose ou à quelqu’un »[1]. Devenue écrivain public, Solène écoute Binta, Cynthia, Salma, Zohra, Stéphanie. Les femmes qui occupent le palais[2], acquis par Blanche Peyron en 1926, racontent leur peine. Ce lieu panse les blessures et aide à dépoussiérer les ailes pour mieux prendre son envol. Un parallèle est mis en lumière entre le passé véhiculé par Blanche Peyron et le présent par Solène. Cette avocate qui vit un burn out se devait de se tourner vers les autres pour s’en sortir. En effet, il lui était impératif de ne plus rester concentrée sur ce qui l’angoissait mais de tendre l’oreille à des personnes qui ont été dépourvues de l’essentiel. Dans cet élan c’est l’angle de vision qui s’élargit. Chaque femme, qui ouvre son cœur laisse couler un flux d’émotions, ne laisse pas le lecteur insensible.

Dans le palais où les femmes de multiples nationalités résident, la nature de Solène s’est dévoilée. Faible d’un côté et forte de l’autre côté, elle devait noter ce qui lui était raconté. Ce que vivent les autres n’est pas forcément étranger à soi. L’auteure a donné le statut d’avocate à Solène, ce qui dénote une position où c’est elle qui est censée défendre les autres. Or le fait que son client se soit suicidé a tout remis en question. Est-elle à l’abri de tout type de secousses qui viennent changer le cours de la vie ? La profession protège-elle des ressentis profonds ? Prendre conscience que la douleur se vit de l’intérieur et la partager n’est pas une chose aisée.

En suivant le parcours de Blanche Peyron, Solène valorise toutes les femmes qui occupent le palais en les écoutant tout simplement. Dans cette écoute, elle découvre ses propres défauts.

Les victorieuses, Laëtitia Colombani, Ed/Grasset, 2019, p. 221

Lamia Bereksi Meddahi

[1] Laëtitia Colombani, Les victorieuses, Ed/Grasset, 2019, p. 19.

[2] « Un palais pour panser ses blessures et se relever » p. 179.

By Lamia Bereksi Meddahi

Lamia Bereksi Meddahi est l’auteure de la première thèse de doctorat sur le dramaturge algérien Abdelkader Alloula. Elle a publié La famille disséminée, Ed/marsa, 2008, une pièce de théâtre Dialogues de sourds, Ed/L’harmattan, 2014. Elle enseigne à l’université Paris XII et se consacre à la littérature maghrébine ainsi que le théâtre dans le monde arabe. Depuis 2014, Lamia est membre de l’équipe éditoriale au journal L'initiative.

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