Une femme qui assume seule un enfant n’est pas chose aisée. Elle se doit d’être un modèle pour que l’absence du père ne se fasse pas remarquer. Dans son roman Les femmes sont occupées, Samira El Ayachi raconte le quotidien d’une femme qui jongle entre plusieurs activités pour s’en sortir.

Tout repose sur elle puisqu’aucun reproche n’est adressé au père.

La vie entre parenthèse :

Dès le début l’auteure annonce le départ du père : « ça y est. Il est parti. Ou alors c’est toi qui l’as largué. Peu importe : À la tombée du soir, tu te trouves seule dans ton appartement. Enfin, pas tout à fait seule. Il y a Petit Chose à quelques riens de toi. Un Petit Chose qui réclame de l’attention et qui demande au vide. Ho, y a quelqu’un ? »[1]. Cet enfant qui n’a pas demandé à venir au monde nécessite une grande énergie. Il doit manger à sa faim, être nettoyé au moment opportun et câliné pour que les carences affectives n’aient pas des conséquences néfastes sur son développement. L’accent est mis sur la galère que vit la mère pour garder un équilibre. Elle tente de ne manquer à aucun devoir. Seule dans sa souffrance, elle essaye de ne pas occulter ses ambitions. Mais le regard de la société est souvent impitoyable à l’égard de la femme qui assume seule ses enfants. Les remarques affluent au moindre faux pas. Elle est jugée à chaque instant. Ce poids lourd à porter dont les hommes ne s’occupent pas rend la femme fragile. Il n’est pas juste question de dire que les femmes sont occupées mais : « Elles sont au bord de la brisure. Au bord du burn out »[2]. Cette fatigue qui s’accumule de jour en jour rend les femmes vulnérables. D’une extrême sensibilité, elles peuvent lâcher prise à la moindre brise soufflée. Qu’est ce qui génère cette fragilité ? Si ce n’est : « le truc du fond, c’est le fric. Si les femmes gagnaient mieux leur vie, elles déploieraient leur existence exactement comme les hommes »[3].

Les femmes sont occupées de Samira El Ayachi est une œuvre qui décrit d’un côté les difficultés que rencontrent les femmes seules et de l’autre côté le courage dont elles font preuve pour s’en sortir.

Lamia Bereksi Meddahi

[1] Samira El Ayachi, Les femmes sont occupées, Ed/ L’aube, 2019, p. 13.

[2] Id, p. 62.

[3] Ibid, p. 184.

By Lamia Bereksi Meddahi

Lamia Bereksi Meddahi est l’auteure de la première thèse de doctorat sur le dramaturge algérien Abdelkader Alloula. Elle a publié La famille disséminée, Ed/marsa, 2008, une pièce de théâtre Dialogues de sourds, Ed/L’harmattan, 2014. Elle enseigne à l’université Paris XII et se consacre à la littérature maghrébine ainsi que le théâtre dans le monde arabe. Depuis 2014, Lamia est membre de l’équipe éditoriale au journal L'initiative.

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