« Grâce à son courage, un homme peut outrepasser des difficultés à priori insurmontables »

Au party du Grand Prix du Canada en 2019. Crédit : CLERMONTréal.tv

Notre première partie publiée sur ces mêmes colonnes, expliquait et mettait en avant le côté aventurier de Jules Aillaud, un passionné pour le voyage et pour les secrets de ce monde. Possédant plusieurs qualifications et ayant multiplié les métiers, Jules a connu plusieurs vies, des parcours atypiques soufflés par l’ange céleste. De l’Europe à l’Amérique du Nord, passant par l’Algérie et l’Afrique, l’enfant de Toulon était loin de s’imaginer qu’en s’expatriant au Canada, il allait découvrir de nouveaux challenges et connaître une existence quelque peu hors du commun.

Au début de sa carrière Jules exerce le métier d’architecte naval, avant d’être appelé au service militaire (obligatoire) en Algérie. Après l’armée, il se découvre une passion pour la peinture, mais un poste d’enseignant en Afrique l’appelle au loin et le fait quitter encore une fois son pays natal. De retour en France, il décide de s’expatrier au Québec, là la voix Célestine l’inspire et le propulse vers des horizons palpitants, non sans connaître des obstacles périlleux et incertains. Ainsi qu’après de longues années d’études acharnées, Jules parvient à défier le temps et à enrichir son parcours universitaire de manière extraordinaire et rarissime.

L‘histoire d’un amoureux du savoir et de la connaissance, qui sans jamais douter le moindre instant, n’a prêté l’oreille qu’à son intuition, à cette petite voix enchanteresse qui lui fera découvrir plusieurs facettes de la vie, tendres fût-elles ou bien rudes.

Jules Aillaud : « Ma passion du dessin, qu’il soit technique ou artistique, m’a toujours sauvé des situations difficiles »

A vos débuts professionnels en France, votre travail d’architecte naval à Toulon ne vous convient pas, vous pensez alors à monter sur Paris pour y continuer vos études…

Mon métier d’architecte naval à Toulon m’obligeait de travailler à bord des navires, ce qui n’est pas très réjouissant, car il fallait subir une aération artificielle, à cause des fumées des chalumeaux et des éclairs des soudures, ce qui nuisait à ma santé. Mes parents n’étant pas très fortunés et ne pouvaient donc pas me payer les études supérieures rêvées, ma mère disait souvent :  » Arrêtes tes turbulences, mets-toi aux études tu es capable, je vais t’inscrire à différents concours nationaux pour étudier à Paris avec une bourse du gouvernement, pour cela tu dois rassembler tes connaissances et étudier afin de réussir un concours national. Me permettait également d’obtenir un sursis pour éviter le départ immédiat pour l’armée obligatoire en Algérie.

Comme disait Aznavour : À 18 ans j’ai quitté ma province pour conquérir Paris le cœur léger et le bagage mince….

Tout a été interrompu pour mon départ obligatoire à l’armée !

De retour d’Algérie, vous entamez une aventure artistique, comme artiste peintre sur toiles sur la Côte d’Azur. Quels souvenirs gardez-vous de cette période ? Expliquez-nous cette nouvelle passion pour la peinture…

Dès mon retour de l’armée en 1961, j’ai rencontré beaucoup de difficultés pour trouver un emploi en Provence comme technicien supérieur, dessinateur ou ingénieur. Dans l’attente d’une solution et d’une décision, j’ai utilisé mes talents de dessinateur et d’artiste peintre pour réaliser des toiles. Ma passion du dessin qu’il soit technique ou artistique m’a toujours sauvé des situations difficiles.

Ma mère travaillait dans un hôtel près de la mer, elle les exposait à la vue des touristes qui me passaient des commandes de sites méditerranéens, de chiens ou chats, ce qui me permettait de vivre en attendant. Mais la vie incertaine de peintre n’est vraiment pas ma vocation.

Un contrat de professeur en Afrique est venu concrétiser mes désirs d’aventures.

« A cœur vaillant rien d’impossible »

Vous possédez de nombreuses qualifications et obtenu plusieurs diplômes dans différentes spécialités. Qu’est-ce qui vous a tant motivé à suivre ce parcours multidisciplinaire ?

En 1970, j’obtiens un poste d’enseignant en art plastique à Saint-Jovite qui est dorénavant Mont-Tremblant au Québec. Mes études en France comme ingénieur ont été interrompues peu de temps avant d’obtenir le diplôme d’ingénieur, car il m’a fallu rejoindre l’armée obligatoire sur le front Algérien, le Québec ne me reconnaît que 12 ans de scolarité. Je reçois le salaire minimum, j’ai du mal à survivre, je reçois un message de Célestine :  »Jules ! Retournes aux études en cours du soir, tu as le potentiel pour obtenir une maîtrise qui te donnera 18 ans de scolarité, ce ne sera pas facile mais tu es capable »

Wow ! Célestine ! N’en mets pas trop, je ne suis pas Napoléon :

J’ai parlé de cela aux autres professeurs d’expérience, ils se moquent de moi, ils disent : ‘’tu radotes avec tes 12 années, vouloir obtenir 18 années de scolarité universitaire en cours du soir, utopique, même un gars génial qui commence à 35 ans finira à l’âge de la retraite ‘’

Célestine : Jules ! Tu es capable, n’écoutes pas les mauvaises langues qui se moquent de toi, vas aux cours du soir, poursuis ton objectif, ce ne sera pas facile mais c’est faisable ; ‘’Riras bien qui rira le dernier’’ car si tu réalises l’objectif de 18 ans de scolarité, tu deviendras dans quelques années un des professeurs les mieux payés au pays dans l’enseignement secondaire.

Georges Brassens disait bien :  »Non les braves gens n’aiment pas que l’on suive une autre route qu’eux ».  »Tu ne fais pourtant de tort à personne en suivant ton chemin de petit bonhomme ».

Et là, vous décidez de foncer vers votre objectif…

Au Québec, Il faut un baccalauréat pour avoir 16 ans de scolarité, une maîtrise ou un deuxième baccalauréat pour avoir 18 ans et un doctorat pour avoir 20 ans de scolarité (soit 6 ans de scolarité universitaire). Il me fallait faire tout cela en cours du soir tout en étant professeur à temps plein, je devais descendre à Montréal deux fois par semaine et revenir à Mont-Tremblant vers minuit, beau temps mauvais temps avec une voiture d’occasion incertaine. Tous les professeurs continuaient à me décourager en disant que jamais je ne pourrai faire deux baccalauréats ou l’équivalent d’une maîtrise en cours du soir à l’âge de 34 ans et que je finirai à l’âge de la retraite. En 1972, je suis muté à Montréal pour enseigner le dessin technique et la résistance des matériaux dans différentes institutions.

Quels ont été les fruits de tant d’efforts ?

Tous ces sacrifices m’ont permis d’obtenir en cours du soir à l’UQAM un brevet d’enseignement, un baccalauréat en sciences techniques, un autre en administration, plus un certificat en psychologie passant de 12 à 19 ans de scolarité reconnus et attestés par le ministère de l’éducation. Une addition de 7 ans de scolarité universitaire en dix années de cours du soir obtenus à l’âge de 45 ans. Tout cela en enseignant à temps plein, d’après les recherches, c’est du jamais vu dans les annales de l’éducation. Entre 1970 et 1980 mon salaire a décuplé, ça aussi c’est du jamais vu dans les annales de l’enseignement.

Napoléon disait :  »Impossible n’est pas français » Cette citation lui a fait gagner de nombreuses batailles qui semblaient perdues ; Balzac l’a publié en 1838 ce proverbe confirme que grâce à son courage, un homme peut outrepasser des difficultés à priori insurmontables.

Ce qui confirme qu’à cœur vaillant rien d’impossible. C’était à l’origine la devise de Jacques Cœur (1395-1456), l’argentier du roi Charles VII.

Propos recueillis par Hamid Si Ahmed 

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