En première nord-américaine à la 51e édition du Festival du Nouveau Cinéma de Montréal, le long métrage documentaire des réalisateurs français Céline Gailleurd et Olivier Bohler, Italia, le feu, la cendre, a exhumé, d’une manière fantastique, un patrimoine cinématographique enfoui, à savoir le cinéma muet italien.

Dans une chronologie qui remonte à la genèse du cinéma muet en Italie en 1896 jusqu’à son déclin à la fin des années 20 avec l’avènement du cinéma parlant, le film répond non seulement à ce devoir de mémoire, mais pose également un nouveau regard sur ce patrimoine colossal de l’industrie cinématographique. L’approche de ce documentaire historique s’est appuyée sur un montage de stock-shots, à savoir un corpus de films conservés dans les banques d’archives qui sont, désormais, accessibles grâce au travail de restauration et de numérisation. Après un travail de montage titanesque de trois ans portant sur un corpus de 12 000 films (600 heures de films de 2 secondes à 3 heures) recueillis aux quatre coins de la planète, le documentaire est parvenu à nous restituer en une heure et demie ce qu’il y a de plus sublime dans le cinéma muet italien, qui a fasciné les foules au début du dernier siècle. Ce travail de restitution a porté sur l’esthétique et la créativité de ce patrimoine pour mettre en exergue son influence, son pouvoir et sa faculté d’émouvoir.

On découvre ainsi les premières scènes de vie, et de paysages et monuments italiens filmés par cet appareil ingénieux : le cinématographe. L’essor de cet art qui allait conquérir le monde après quelques années de son invention, et ce, grâce à sa créativité (montage, cadrage, le ralenti et le retour en arrière, premiers effets spéciaux…) et sa faculté d’adopter d’autres arts (littérature, théâtre, danse, opéra…). La découverte de ce pouvoir inouï du cinéma dans la manipulation des masses, pour l’employer comme vecteur de propagande lors de la conquête de la Libye en 1911 et par le régime fasciste italien pour assoir son pouvoir. Et on découvre avec délectation et ravissement les figures mythiques féminines majeures de cet art comme Francesca Bertini et Lyda Borelli. Ces divas italiennes, les « Princesses du geste »,  ont longtemps subjugué les foules par leur plastique envoutante, la puissance de leur jeu et l’immensité de leur talent!

La restitution d’images en mouvement est accompagnée par un récit composé de lettres et d’articles, des témoignages saisissants de cette période muette sur la perception de ce nouvel art par les artistes italiens (Dali, Gramsci, Fellini…). La narration est assurée par la voix off de l’actrice Fanny Ardant qui, par la richesse et le charme de ses intonations, a su donner du relief à ces témoignages, en accompagnant agréablement le spectateur dans ce fabuleux périple!

Italia, le feu, la cendre est un film de référence sur l’histoire du « septième art muet » italien. Par son travail colossal de tri et de montage, il a réussi non seulement à mettre au jour un patrimoine culturel jusqu’au là méconnu, mais il a aussi su tirer l’essence de cet héritage, et l’exprimer avec raffinement suscitant émotions et réflexion.

Sofiane Idir

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