Joséphine Bacon est une poète innue, mais le mot « poésie » n’existe pas en innu. Et pourtant, elle fait de la poésie. Elle écrit dans des mots simples et dans une langue qui n’est pas la sienne pour survivre, pas juste elle, mais sa mémoire, leur mémoire, celle de ses ancêtres qui sera aussi celle de futures générations. C’est sa mission dans le monde : « les vieux m’ont redonné mon identité, car ils avaient tant à me raconter », affirme-t-elle.

Avec Je m’appelle humain[1], la réalisatrice Kim O’Bomsawin signe un film documentaire aussi beau qu’émouvant. Bercés par la parole de la femme de lettres, nous partons dans une sorte de voyage initiatique dans la vie des premiers peuples du Québec, le tout parsemé sur un fond de paysages urbains et aussi époustouflants, ceux du Nord du pays. De Montréal à Sept-Îles, nous devenons, le temps d’un instant, nomades. La caméra la suit dans son exercice de mémoire qui en devient aussi un devoir : « Je rêve d’un récit/qui dicterait sans faute/toute une vie vécue. »

On suit les pas de cette femme libre venue à Montréal dans les années 1970 pour découvrir l’itinérance et la culture « beatnik et un peu hippie », dit-elle en souriant. Avant, elle rencontre son passé, celui qui s’est bâti au moyen « d’une grosse discipline » dans les pensionnats. C’est de là où émane le leitmotiv de son combat : la résistance contre cette dépossession au moyen de la parole, la sienne et celle des anciens. Pédagogue, elle explique ces mots en innu que l’on n’utilise plus pour souligner leur pertinence et leur portée. Elle raconte également des pratiques ancestrales comme celle de la chasse communautaire au caribou. L’aliment devient ainsi un rituel en signe de respect et de reconnaissance pour le quadrupède et pour la terre qui l’a vu naître. Bref, imprégnée de sagesse, cette femme extraordinaire se raconte, car « jamais [ses] origines ne [la] quitteront. »

Eduardo Malpica

[1] Je m’appelle humain de Kim O’Bomsawin avec Joséphine Bacon, long métrage documentaire, Québec, année : 2020, V.O. : française et innue, S.T. français et anglais, 79 min

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