En première canadienne à la 48e édition du Festival du nouveau cinéma de Montréal, La rivière sans repos, le film de Marie-Hélène Cousineau est un porterait saisissant d’une femme combattante qui se trouve, par malheur, à califourchon entre deux civilisations. La sienne, ancestrale, aux mœurs et valeurs d’autan et celle d’autrui, charrie par le vent de la modernité aux éléments perturbateurs. Ce film est l’adaptation cinématographique de l’œuvre de la romancière manitobaine Gabrielle Roy qui traite la problématique de choc des civilisations. Pour cette première canadienne, le film a été projeté en présence de la réalisatrice, de quelques acteurs et de l’équipe de production.

Le contexte remonte à la fin de la Seconde Guerre mondiale dans le Grand Nord canadien, plus précisément dans la communauté des Inuits de l’Ungava qui accueilli les premiers colons. Convoitée par un soldat américain en mission sur cette contrée, Elsa, l’héroïne de ce film, interprété par Malaya Qaunirq Chapman, fut une proie de son prédateur et tomba enceinte. La scène du viol est tragique et donne à voir l’horreur de l’acte qui changera la vie d’Elsa. Cahin-caha et entre tradition et modernité, Elsa élève son enfant, Jimmy, dans un contexte changeant, source de tensions et de conflits avec soi-même. Ce tumulte est illustré par les images époustouflantes de la nature du territoire de Nunavut qui muent au fil des saisons. Le film établit un rapport fort avec une nature arctique à la fois austère et belle. C’est la mise en scène d’une nature qui, par l’entremise d’un fond sonore inspirant et presque naturel, devient un personnage à part entière, avec cette faculté extraordinaire de nous parler et de nous émouvoir !

Le parcours d’Elsa pour élever son fils est mené dans la résistance, tels les galets d’une rivière qui résistent au torrent qui charrie tout sur son passage. Inculquer les valeurs et les mœurs inuites à son fils auprès de ses siens les plus irréductibles ou bien succomber aux progrès de la cité coloniale, le choix était peu commode pour Elsa. En fin de compte Elsa aménage dans la cité et échoue de garder son fils auprès d’elle. Jimmy, l’adolescent, vit une crise identitaire et se cherche entre deux cultures. La scène de cette quête identitaire est le moment le plus poignant du film et incarne le drame du choc des civilisations. Frustré et n’ayant pas trouvé de réponses auprès de sa maman, Jimmy décida de quitter ses pénates pour poursuivre son rêve de devenir pilote. Il faut signaler que, physiquement, Jimmy le bébé, l’enfant et l’adolescent n’a rien de Métis, il est tout à fait Blanc ! L’on s’attendait à un choix de casting qui incarne ce peuple d’ascendance européenne et autochtone.

Le film de Marie-Hélène Cousineau est une matière intéressante sur le choc des civilisations et met en exergue la détresse humaine entre aliénation et attachement aux traditions ancestrales. C’est aussi un bel hommage aux femmes autochtones, victimes de violences et leur courage d’exister !

Sofiane Idir

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