Le livre La tresse[1] de Laetitia Colombani[2] trace le combat de trois femmes. Smita, Giulia et Sarah habitent dans des pays différents. Smita qui vit dans le village Uttar Pradesh en Inde et dont la profession ne réjouit pas du tout : « Un métier qui se transmet de mère en fille, depuis des générations. Scavenger, en anglais le mot signifie « extracteur ». Un mot pudique pour désigner une réalité qui ne l’est pas. Ce que fait Smita, il n’y a pas de mot pour le décrire. Elle ramasse la merde des autres à mains nues, toute la journée. Elle avait six ans, l’âge de Lalita aujourd’hui, quand sa mère l’a emmenée pour la première fois »[3] se bat pour que sa fille Lalita n’ait pas le même destin qu’elle.
Giulia a vingt ans, travaille dans l’atelier de son père en Sicile. Suite à un accident où il s’est retrouvé dans un état comateux, elle a pu voir que leur société qui s’occupe de recycler les cheveux, était au bord de la faillite. Elle déploie, à l’aide de son amoureux Kamal, tout ce qui est en son pouvoir pour remonter la pente.
Au Canada Sarah est avocate. Elle a divorcé deux fois et a trois enfants dont des jumeaux. Elle ne montre pas l’épuisement généré par le travail et la vie de famille. Les jours passaient jusqu’au moment où elle découvre qu’elle est atteinte d’un cancer. Evincée du cabinet, elle a décidé de se ressaisir pour ne pas donner raison à la maladie.
La tresse tisse les fils de l’espoir
Au tout début du roman Laetitia Colombani cite Simone De Beauvoir : « Une femme libre est exactement le contraire d’une femme légère ». C’est dans l’esprit de liberté que la natte s’est tissée. Pour sortir des griffes de l’humiliation qu’elle vit tous les jours : « Plus jamais l’enfer du petit village de Badlapur, Smita se l’est promis »[4], elle décide de ne plus rester au village : « Smita n’a nulle envie d’attendre la vie prochaine, c’est cette vie-là qu’elle veut, maintenant, pour elle et Lalita »[5]. En allant à Chennai, elle passe par Kalianakata, pour offrir ses cheveux : « Ils sont des milliers autour d’elle, dans la même position, à prier pour une vie meilleure, à offrir la seule chose que le monde leur ait donnée, ces cheveux, cette parure, ce cadeau qu’ils ont reçu du ciel et qu’ils lui rendent, ici, les mains jointes agenouillés sur le sol du Kalianakata »[6]. Giulina a pu redresser la société en important les cheveux d’Inde, signe du geste qu’a effectué Smita. Dans sa lutte pour retrouver son image d’avant la chimiothérapie, Sarah cherchait une perruque : « (…) La femme attrape alors la troisième boîte. Elle contient un dernier modèle, en cheveux humains, précise-t-elle. Un produit rare et coûteux- mais certaines femmes sont prêtes à la dépense. Sarah contemple la perruque d’un air surpris : les cheveux sont de la même couleur que les siens, ils sont longs, soyeux, infiniment doux et épais. Des cheveux indiens, indique la femme. Ils ont été traités, décolorés et teints en Italie, en Sicile plus exactement, puis fixés, cheveu par cheveu, sur une base en tulle dans un petit atelier »[7]. Avec une nouvelle image, Sarah : « pense à cette femme du bout du monde, en Inde, qui a donné ses cheveux, à ces ouvrière siciliennes qui lui ont patiemment démêlés et traités. À celles qui les ont rassemblés. Elle se dit alors l’univers travaille à sa guérison. Elle songe à cette phrase du Talmud : « Celui qui sauve une vie sauve le monde entier »[8].
En bravant toutes les difficultés, Smita, Giulia et Sarah ont démontré leur détermination à donner le meilleur. L’union est la voie qui incline les frayeurs.
Lamia Bereksi Meddahi
[1] Ed/ Grasset, 2017.
[2] Elle est scénariste, réalisatrice et comédienne. Elle a écrit et réalisé deux longs métrages, A la folie…pas du tout et Mes stars et moi. La tresse est son premier roman.
[3] Laetitia Colombani, La tresse, Ed/Grasset, 2017, p. 16
[4] Id, p. 121.
[5] Ibid, p. 94.
[6] Ibid, p. 204.
[7] Ibid, p. 216
[8] Ibid, p. 220