Le Canada a atteint la barre des 40 millions d’habitants en juillet 2023, selon l’horloge démographique de Statistique Canada, un outil qui recense en temps réel la population du pays. À l’heure où nous mettons sous presse, cette horloge indique 40,9 millions d’habitants au pays, une estimation résultant de plusieurs variables (naissances, décès, immigrants et émigrants). Au 1erjuillet 2023, la population du Canada était estimée à 40 097 761 d’habitants, soit une augmentation de 1 158 705 personnes depuis le 1er juillet 2022, ce qui correspond à une croissance de 2,9%. Selon Statistique Canada, cette croissance est la plus forte enregistrée sur une période d’un an depuis 1957 (3,3%), au summum du baby-boom et de la crise des réfugiés hongrois.
À ce rythme de croissance, la population du Canada doublerait en 25 ans selon les perspectives de cette institution. En effet, cette croissance démographique est générée principalement par le solde migratoire international, soit près de 98% de ce boom, alors que 2% seulement provenait de la différence entre les naissances et les décès, au moment où la fécondité a atteint un creux historique en 2022 pour se situer à 1,33 enfant par femme. Cette croissance exceptionnelle, la plus forte des pays du G7, que l’on doit essentiellement à l’immigration est-elle soutenable par les capacités d’accueil du pays en termes de logement, d’infrastructures et de services à la population ? Ce boom démographique génère-t-il de la croissance ?
L’immigration, source de croissance, mais aussi de pressions néfastes
Dans son discours sur la situation économique du pays, le 7 décembre 2023 à la Chambre de commerce régionale de Windsor-Essex, Toni Gravelle, le sous-gouverneur à la Banque du Canada, a déclaré que l’économie est désormais à peu près à l’équilibre. En effet, le ralentissement de l’économie a aidé à réduire les pressions sur l’inflation (2,9%, janvier 2024), qui garde le cap vers la cible de 2%. Par ailleurs, la forte immigration observée depuis 2022 a permis de réduire les tensions sur le marché du travail en atténuant les graves pénuries de main-d’œuvre qui sévissent dans de nombreux secteurs, et corollairement, de stimuler le potentiel de croissance de l’économie. Même si la Banque du Canada estimait que la hausse des dépenses de consommation attribuable à l’afflux récent de nouveaux arrivants a un effet minime sur l’inflation (0,1 point de pourcentage), cependant, elle constate que la demande de logements locatifs des nouveaux arrivants entraine des pressions sur le marché de logement, souffrant déjà d’un déficit structurel. L’inflation liée au logement, laquelle représente 25% du panier de l’indice des prix à la consommation (IPC), a atteint 6,1% en octobre 2023. En plus de cette pression sur le logement, l’accélération de l’immigration met à rude épreuve les infrastructures, les transports et les services à la population, notamment de santé, dont l’accès est difficile.
Dans son étude, Travailler dur ou travailler, c’est trop dur ? (juin 2023), le Mouvement Desjardins a montré que le PIB réel par habitant au Canada est inférieur à la moyenne des économies avancées. Il s’agit d’un appauvrissement relatif qui altère le niveau de vie des Canadiens. Cet écart s’est creusé graduellement et de façon constante depuis 2014. Comparativement aux autres économies avancées, les Canadiens travaillent beaucoup, mais ils sont moins productifs par rapport à leurs homologues du G7. En effet, la variable démographique, qui alimente le bassin de la population en âge de travailler et contrecarre le vieillissement de la population, génère de la croissance, mais celle-ci demeure faible en productivité qu’il fallait booster par des investissements en capital (technologie et automatisation).
En somme, le Canada s’est tourné depuis 2014 vers une croissance à faible productivité dans des secteurs moins intenses en capital, alimentée par une immigration grandissante, sans toutefois, prendre toutes les dispositions pour bien accueillir ses immigrants.
Sofiane Idir